Bon, à 02:30 (Paris, Bruxelles, Madrid), ce mardi matin 21 février, impossible pour moi d’aider les Grecs en allant acheter des olives et du vin crétois : tous les magasins à la ronde sont fermés. Aux antipodes, soit à Sidney, la bourse ouvrait « plate » puisqu’on attendait toujours que les ministres européens des Finances accouchent d’un accord à Bruxelles. Là, où, à minuit, le bar de la presse, dans le bâtiment où ils se réunissaient, avait fermé. Affameurs ! Il s’agissait, pour les négociateurs, d’espérer faire fléchir encore un peu les créanciers privés. Mais, de toute façon, après ce second plan de secours, il faudra en envisager un autre… 03:30 – un accord est intervenu. Lequel au juste ?
Sont-ils parvenus à un accord ? En tout cas, peu après 02:30 ici, sur le fuseau horaire de Bruxelles, les nouvelles qui parvenaient de Hong Kong ou de Sidney laissaient penser que la tension décelable à grimper, grimper, c’était celle sur les cours du baril de pétrole.
On attendait encore la fumée blanche au-dessus de Bruxelles avant de pouvoir « orienter » les marchés.
La journée de lundi avait commencé plutôt sympa. Les Danois avaient sorti une grande carte de l’Europe confectionnée en briques de Lego®, avec la Grèce dans le même jaune que la Pologne, et le Danemark en vert soutenu comme l’Irlande (pas du tout AAA), la Roumanie (idem), et la Finlande (AAA comme l’Allemagne, jaune plus pale, et les Pays-Bas, en marron).
Des plombes plus tard, dans la soirée bien avancée, la conférence de presse annoncée était annulée.
En fait, tout allait bien, enfin, à un train de sénateur, dans « la bonne direction ». A-t-elle été trouvée, le sera-t-elle quand je renoncerai à surveiller les dernières nouvelles ? Rien n’est moins sûr. Mais question lenteur et atermoiements, la Grèce et le monde ont été servis, c’est bien la seule certitude.
Il s’agissait encore, crois-je comprendre, aux petites heures, d’obtenir un effort supplémentaire des créanciers privés de la Grèce. Plutôt de voir ce qu’il était envisageable de leur faire avaler sans qu’ils menacent de recours à je ne sais quel tribunal international (oserais-je supputer). L’autre point d’achoppement, c’était la présence permanente de la Troïka (BCE, FMI, Commission) derrière des écrans pour vérifier les sorties d’un compte bloqué. Compte destiné à rembourser en priorité les intérêts de la dette et un peu le capital de la dite, avant de faire quoi que ce soit d’autre.
Petite pause
Quelques clics, et petite pause soda zéro sucre, puis dégourdir les jambes. Indian Express : « Euro, shares rise on Greek hopes ». Bon, cela veut dire que ce n’est pas conclu. Pause. De toute façon, tout le monde en est d’accord. Ce second plan de sauvetage n’empêchera, à lui seul, de prévenir une faillite de la Grèce. Tout le monde sait bien que, en 2020, si tout se passe comme sur le papier, ce ne sera pas une dette de 120 %, mais de 124 % de son PIB que la Grèce devra encore éponger.
Pour « Greece », moins d’une heure, plus que six résultats Google.
Pour « Grèce », comme « ils » trichent tous, c’est davantage, mais Le Soir (Bruxelles) a mis sous presse depuis longtemps et sa « mise à jour » des six dernières minutes renvoie à un papier de… 23:20, hier soir. Plutôt un thé très noir, très fort ? À quoi bon…
J’ai une pensée pour celles et ceux qui doivent s’astreindre à obtenir des images, du son, de ministres aux yeux cernées et à la voix éraillée. Dans ce cas, il faut travailler en pool. Tout le monde somnole et deux ou trois veillent pour donner le pet, si possible au sifflet (faut prévoir).
Depuis le temps que les coups de sifflets ont été donnés par des économistes, des agences de notation, et qu’on sait que cette austérité imposée ne peut fonctionner, j’ai l’impression d’halluciner en lisant, dans Le Soir, que ce second plan d’aide évitera à la Grèce de « sombrer dans la faillite ».
Ce n’est pas faux. Sans, elle y sombre, avec, aussi.
D’un, 130 milliards d’euros tout de suite, c’est insuffisant immédiatement. C’est pourquoi il y a des tractations entre la BCE et le FMI pour que ce dernier fasse un peu davantage. Et Maria Fekter a eu au moins une parole de bon sens. Un compte bloqué, c’est bien, des pions pour en vérifier le pilotage, aussi. Mais la ministre autrichienne fait aussi remarquer qu’un compte bloqué nécessitera du capital supplémentaire et elle craint que « l’administration chargée de mettre en place le programme consume l’argent elle-même. ». Pas mal vu. Cela vaut d’ailleurs pour tous les fameux mécanismes envisagés. On se réunit, on se fait une bouffe, mais ce n’est pas donné.
Même à mon infinitésimal niveau, cette petite pause pompe mon budget (finalement, ce sera thé, donc électricité, plus mandarine pour les vitamines… alors, pour la Grèce !). Théoriquement, on ne débloquera que 130Mds €, pratiquement, ce sera légèrement plus (par le biais des banques centrales, sans doute).
Baroin, Barnier, profils bas
Quoi que vous diront François Baroin, ministre français des Finances, ou Michel Barnier, commissaire aux Affaires intérieures, ce matin ou cet après-midi, dans les postes, soyez assurés d’une chose, qu’ils vous mentiront. Peut-être pas par actions, mais en pensées et par omission. Ils se féliciteront peut-être que les créanciers privés de la Grèce auront accepté de s’écraser 53 % de leurs créances (dernière estimation évoquée, 55 %, au lieu de 50 % précédemment). Mais même s’ils consentaient d’effacer toutes les dettes, la récession est déjà trop forte. Selon un scénario qui fut confidentiel (mais que Reuters et le Financial Times se sont procurés), au pire, en 2020, la Grèce est toujours endettée à hauteur de 160 % de son PIB, comme actuellement. Dans ce cas, il faudrait lui insuffler 245 milliards d’euros. Un bon tiers de mieux que ce qu’elle a reçu ou doit recevoir.
En sus, cela passe au second plan que, comme c’est parti, le futur parlement grec ne pourra dégager une majorité (même de coalition entre le Pasok et la Nouvelle démocratie).
Il disait quoi, Ben King, de Channel 4 ? Ah, qu’on ne sait pas quand ils vont sortir, et que si tout va dans « la bonne direction », « la fin est proche ». C’est de l’humour britannique. Reuters est toujours représenté dans la salle de presse où, sur la photo de Faisal Islam, on ne voit plus qu’une demi-douzaine d’attardés. 03:30 – il y avait eu des suspensions de séance pour que les Grecs se concertent ; ils auraient rejoint les représentants du FMI et les ministres des Finances européens. Clic, clic.
Reuters rapporte que les banques centrales des divers pays européens pourraient consentir aussi un effort. Mais qu’une nouvelle menace de faillite n’était pas écartée. Comme ne nous le dira pas Merkozy en ces termes, elle est « préprofilée grave ». Je soupçonne Luke Baker et Jan Strupczewski de faire ce « round up » depuis Bruxelles juste pour se tenir éveillés.
Ah, il semblerait qu’Athènes (le Pasok et la ND) auraient consenti à ce que leurs dépenses soient finement « monitorées » par la Troïka, rapporte Associated Press. Il y aura donc un compte bloqué, et des surveillants pénitentiaires.
Nous en sommes à plus de 14 heures de réunions (séparées, plénières) à Bruxelles. Les tractations auraient permis de projeter non pas 120 % du PBI mais 121, en 2020, à consacrer à la dette. Qui a cédé ? On attend, à 04:20, un compte-rendu ou une déclaration. Cela y est : la fumée est montée, un accord est intervenu.
Sur EBS+ (les services audiovisuels de la Commission, le broacasting service), on promet toujours une conf’ de Jean-Claude Junker et d’Olli Rehn, retransmise en direct, mais sans horaire annoncé (Timing unknown – Live Eurogroup meeting departures).
Abandon de l’euro
L’Aube (Dawn.com) titre « Greece may abandon the euro ». Ouf, c’est une reprise de The Guardian de la veille. Cela reste quand même une hypothèse… pour les mois qui viennent. En tout cas, accord il y a eu.
Reuters donnait un objectif de 121 % du PIB, pour l’AFP, qui se réveille, c’est 120,5 %.
C’est donc 5,5 milliards qui ont été « trouvés » durant la nuit. Amusant (hmm…), l’euro a gagné quelques points de plus contre le dollar tout juste avant qu’un officiel ait annoncé qu’accord il y avait (des SMS ont dû partir d’une salle ou l’autre).
Or donc, cela présage de quoi pour l’Irlande, le Portugal, voire l’Espagne ? Car si des efforts ont été consentis (par la BCE, semble-t-il, mais cela demande confirmation) pour la Grèce, les mêmes avantages doivent-ils être accordés aux autres pays ?
La Grèce a obtenu environ 100 milliards d’euros de dette épongée à la faveur d’un échange d’obligations à plus longue échéance pour les nouvelles dont le dividende est réduit. 23 millions seront consentis pour la recapitalisation des banques grecques. Passons les détails. Pour la relance de l’économie grecque, rien ou presque. La dérégulation produira, c’est sûr, les miracles annoncés.
La BCE va redistribuer aux banques centrales des divers pays les bénéfices qu’elle pourra faire sur ses obligations grecques. C’est environ 12 milliards d’euros qui alimenteront les banques centrales. Lesquelles pourraient consentir des fonds à la Grèce.
En attendant, vers 05:15, une annonce officielle donnant d’autres détails, ce qui filtre encore répète ce qui figure ci-dessus. Sauf s’il est question du Portugal dans la déclaration finale, je ne vois pas trop ce qu’on pourrait en attendre de plus.
Ekathimerini n’a pas encore actualisé sa page d’accueil. The Athens Times non plus, qui en reste à « l’appel aux armes » de Mikis Theodorakis, lequel reste d’actualité. Très bonne journée… Je n’attends pas la déclaration officielle, mais je vois que salle de presse se remplit.
Mais bon, puisque Mario Draghi, en coulisses, vient de déclarer que l’accord conclu était « très bon », je vais faire semblant de le croire… jusqu’à mon réveil. Je consulterai alors (sur Scribd) le très confidentiel rapport du 15 février qui fait la une de ce matin du Financial Times.
La conférence de presse vient de commencer, j’ai pu écouter Juncker, Rehn est dur à comprendre, et Lagarde a l’air à peu près fraîche à la tribune.
Pendant que Christine Lagarde évoquait des « progrès significatifs », je plaçais les images. Mais pas trop envie d’attendre les réponses aux questions (Juncker a émis le vœu que tout le monde dans la salle soit trop fatigué… il l’est, et refuse par avance de répondre… « Second last question… », lâche-t-il après la réponse à la première. Il y en aura trois.).
Ah, une question demandant si, jusqu’à présent, on n’avait pas eu le sentiment d’avoir fait des erreurs. Lagarde répond vaguement à côté, elle est visiblement fatiguée (elle plisse des yeux autant que moi devant l’écran).
Il y aurait des avancées sur la compétitivité « at this point and time ».
La BCE vante l’Irlande et le Portugal, qui ont été sérieux, eux.
Trois questions et Juncker souhaite à tout le monde « un bon petit déjeuner ». Ensuite, c’est Venizélos, qui s’exprime en grec.
J’ai compris « économie » et « psychologie », « pragmatique » ; pour « sacrifices », pas sûr du tout (c’est dérivé du latin, je crois). Mais je vous parie qu’il a prononcé ce mot en grec. Je ne suis pas du tout sûr que les Grecs l’aient compris tout à fait comme moi. Et surtout comme Lagarde, Juncker, Rehn, et quelques autres. On verra en avril, lors des élections en Grèce…
Pendant ce temps, Nicolas Sarkozy s’apprêtait à se rendre au marché de Rungis pour y rencontrer des bouchers-charcutiers, des grossistes en primeurs. S’il trouve des produits grecs, qu’il fasse signe. Halal ou non.
On a pas fini d’entendre parler de la Grèce…
Sarkozy quant à lui j’espère qu’on finira par ne plus en entendre parler