Depuis plusieurs années, les enfants et adolescents voyagent de plus en plus avec leurs établissements scolaires. Pour financer ces projets, plusieurs solutions existent : tombola, ventes d’objets divers etc. On le constate surtout avec les élèves de seconde, qui vendent chaque année des chocolats pour espérer partir à l’étranger.

Je dis bien "espérer" car le départ n’est pas une certitude : si les ventes ne sont pas satisfaisantes, le voyage reviendra trop cher et l’élève ne pourra pas partir sauf si ses parents ont quand même les moyens de payer. Je ne vais pas m’étendre sur le débat concernant l’utilité de ces voyages (faut-il perdre une à deux semaines uniquement pour divertir des jeunes qui ne font que "s’éclater" loin des parents alors que les programmes scolaires s’appauvrissent, faute de temps pour vraiment travailler ?) mais parler ici d’un phénomène peu en rapport avec l’éducation qui se généralise.

Une entreprise a bien compris qu’il y avait un marché à saisir : étant donné le nombre de projets des établissements scolaires mais aussi des clubs, associations, comités d’entreprises etc, le nombre de clients potentiels est élevé. Le site Initiatives (http://www.initiatives.fr/) propose donc de vous aider à financer vos projets en trouvant des articles adaptés : porte-clés, bracelets, poupées, stylos, sacs, T-shirts, jetons, chocolats et bien plus ! Les articles sont même personnalisables. Le succès semble au rendez-vous tant on paraît crouler sous les demandes d’adoslecents qui cherchent à refourguer leur marchandise. L’exercice n’est d’ailleurs pas pratiqué avec plaisir et des disputent éclatent. Les rivalités sont exacerbées, les jalousies aussi et les différences peuvent aussi pointer : bref, cela ne met pas en valeur leurs qualités mais fait plutôt ressortir ce qu’il y a de plus mauvais en eux.

Ce qui surprend aussi, c’est l’embrigadement de la jeunesse : Initiatives revendique des valeurs d’entraide et donc une certaine mission humanitaire. Aussi fait-on bien la morale aux jeunes, leur expliquant que les articles sont fabriqués par des gens qui n’ont pas leur chance et que cela leur donne une chance de s’en sortir, qu’il faut respecter leur travail, que c’est un devoir de les aider, nous les riches, à se tirer de la pauvreté etc. Tous les clichés y passent et quand on y repense on se demande si la colonisation est bien terminée ! Un discours qui fait mouche dans leurs esprits naïfs et qu’ils prennent un peu trop à la lettre, persuadés de bien agir.

Pourtant, rien ne permet de vérifier la provenance des produits et on se garde bien d’approfondir le débat : le pauvre à l’autre bout du monde mérite-t-il plus notre aide que celui en bas de chez nous ? Ne vaudrait-il pas mieux permettre aux pays concernés de devenir autonomes plutôt que de les maintenir sous une tutelle masquée par des actions humanitaires qui profitent toujours aux mêmes ? Des considérations bien loin de l’objectif qui consistent à partir quelques jours avec ses copains/copines, ce qui fait toujours rêver et motive donc grandement le public visé.

Il faut également se mettre à la place de l’entourage de ces enfants et adolescents : cela devient lassant de subir leurs demandes pressantes pour acheter sans arrêt des objets inutiles. Car ce n’est pas une fois par an, mais plusieurs ! Il faut aussi avoir les moyens : à 3 € le bracelet ou 6 € minimum la petite boîte de chocolats, cela peut représenter de belles sommes pour concrétiser des projets discutables, surtout quand les articles sont d’un goût douteux ! Mais c’est pour la bonne cause !

L’Education Nationale ne remet jamais en cause l’intérêt pédagogique de ces pratiques, cependant il serait bon de se demander s’il est nécessaire de disperser un peu plus des élèves qui ont déjà des tonnes de prétextes pour ne pas trop se consacrer à leurs études.