L’ennui, avec la presse, en général, c’est qu’elle fait bien peu appel à la mémoire (hors nécrologies de vedettes). Pas toute la presse. L’un des exercices de style du Canard enchaîné, c’est de se plonger dans les archives. Avec la recension des incipit et explicit des vœux présidentiels depuis le 31 décembre 2007, le Canard en dit bien davantage sur Nicolas Sarkozy que bien d’autres de ses discours ou d’analyses tierces.  

Petite recension en une du Canard enchaîné : le verbatim initial et final des vœux présidentiels. Oh, fin 2007, cela commence et finit bien. J’ai démarré sur les chapeaux de roue, dit en substance Sarkozy, et vous allez voir ce que vous allez voir, conclut-il. Il nous promettait, non seulement pour le Vieux Monde, l’Europe, mais pour le monde vieux, une vraie France de la France vraie, celle qui allait impulser une Renaissance, rien de moins, dont elle serait « l’âme » (et même la lame). Après, c’est beau comme l’Antique, d’une année sur l’autre, avec strictement la même antienne, soit des paraphrases sur la dureté de la crise, les défis à relever, par des réformes.

2008, changement de ton, avec une rude année, mais on peut compter compter sur lui pour compter sur lui pour relever le pays frappé par la crise.
2009, l’année s’achève dans la souffrance, et la poutre de la crise occulte encore la taie dans l’œil du président qui ose : « un monde nouveau a commencé à se construire ». Il nous a fait consentir des efforts, mais le grain semé est levé, et prêt à moudre.
2010, encore une année souffreteuse, avec une crise vieille de trois ans. Ah bon ? Plus de renaissance ? C’est la faute à la crise et non à l’inertie puisqu’on a réformé à tout va. Sauf que les décrets d’application n’ont souvent pas été pris, mais c’est sans importance. Mais 2011 est porteuse d’espérances et « les grandes réformes engagées commencent à porter leurs fruits… ». Tiens, elles ne l’ont donc point fait l’an dernier ?
2011, les réformes s’escamotent, les deux années précédentes ont été difficiles. Le vieux monde a vieilli et subi non plus la crise de 2008 mais carrément 30 années de désordres économiques, cette fois planétaires. Quel recul, quelle hauteur ! Mais 2012 sera « l’année de toutes les espérances ».

À quelques variantes près, c’est depuis 2008, strictement le même discours. J’ai tout faux, mais c’est pas moi, c’est la fatalité, et faites-moi confiance, je vais tout arranger… très bientôt.

Pas un seul grand contrat qui ait été emporté à l’étranger, si ce n’est ceux permettant des transferts de technologie et donc le risque de devoir importer ce qui fut exporté. On ne va pas alléguer la lourdeur d’éventuelles rétrocommissions, comme certaines mauvaises langues l’ont fait sans la moindre preuve… c’est bien trop tôt pour se prononcer. Aucun chiffre amélioré si ce n’est celui des dépenses de la présidence, en croissance tant bien même les tripatouillages ont pu abuser la Cour des comptes : on ne dispose que des chiffres fin 2010, qui marquent une progression de 5% des dépenses (de fait, 915 000 euros de pire, selon René Dosière, la seule dépense réellement supprimée étant la réception du 14 juillet à l’Élysée). Question délinquance, le flop, pouvoir d’achat, la cata, &c. Mais, tout ira mieux demain… lors de mon second mandat…

 

À part cela, Bernadette Chirac votera Sarkozy… « s’il se présente ». Par le siège de la Grèce tirée hors du ventre européen par la BCE et le FMI ? Lionel Jospin et Jean-Pierre Raffarin, révèle Le Canard, vont nous expliquer tout cela : ils feront des piges sur LCI en alternance.
À part cela (bis), Le Canard s’intéresse aux achats d’or du Crédit mutuel et à la fortune de Martin Bouyges. Rappelons que ce dernier veut tordre le cou au volatile par voie judiciaire.

Sur la TVA sociale, et d’autres mesures, Erik Emptaz conclut : « Sarko (…) ne fera pas en trois mois pour l’emploi ce qu’il n’a pas fait en cinq ans. ». Non, sans rire ? Homme de peu de foi.

L’UMP total passionnée
Pour sourire, il faut se porter vers le site officiel d’une UMP engagée avec « enthousiasme et passion totale » dans l’élection présidentielle. Sarkozy est certes une croix, mais question enthousiasme, ce n’est pas le nombre des adhérents fin 2011 qui porte à le soulever. Ils seraient, selon Jean-François Copé, 261 000, soit 90 000 de mieux qu’en juin 2011, contre 310 000 à l’été 2007 et 235 000 quand Xavier Bertrand a cédé les rennes à Copé. Très fort. Sauf qu’il y a eu beaucoup de cartes de cinq ans placées. On ne dit rien des départs, sauf de ceux dus aux décès.

Belle, magnifique performance de Copé alors que les tenants de Boutin ou Borloo n’ont pas forcément repris leur carte. Fin décembre, l’attaché de presse de l’UMP, Ludovic Guillot, assurait à Médiapart que le détail des chiffres serait communiqué le 4 janvier 2012. Soit ce jour. La journée n’est pas terminée, surveillez le site de l’UMP jusqu’à minuit. C’est 10 euros pour les jeunes et les précaires, 25 pour un individuel, 35 pour un couple. Pas de réduction famille nombreuse. Les dons de 60 € entraînent une réduction de 20,40 € sur les impôts. Du 34 % (valable pour tous les partis). Vous faites un don et « si vous ne souhaitez pas devenir adhérent de l’UMP, merci de cocher simplement cette case ». Vous avez aussi l’adhésion au Cercle France (300 €) ou au Premier Cercle (3 500 €).

 

Donc, tout va bien, et comme l’a dit à l’issue du conseil des ministres de ce jour le fabuleux Éric Besson, la consigne Sarkozy aux ministres est « de ne pas s’occuper des présidentielles ». Ni des adhésions à l’UMP, car tout va bien de ce côté.

 

Préparer la suite
Sarkozy avait, en 2008, décidé de nommer lui-même les présidents des chaînes publiques de télévision. Songe-t-il à une possible défaite ? Toujours est-il qu’il voudrait sans doute priver la ou le vainqueur des présidentielles d’une telle prérogative, sur laquelle il aurait décidé de revenir, rapportent l’Express et d’autres.

Dernier sondage en date, celui d’OpinionWay pour Terra Nova et le Nouvel Observateur : 70 % d’opinions négatives sur le quinquennat, dont un tiers de très négatives. Cela peut changer, surtout si Jeanne d’Arc s’en mêle (Sarkozy prévoit une visite à Domrémy, dans les Vosges, à la veille de la Fête de la pucelle du FN). Il ira aussi en Guyane où il risque un accueil syndical ombrageux : en cause, le secteur minier. Les orpailleurs l’accusent de vouloir les « sodomiser ».

La Scop de SeaFrance considère que les propositions de Sarkozy sont à l’eau et l’état-major ne croit guère aux promesses de préserver les capacités opérationnelles des armées, sauf retrait anticipé d’Afghanistan.

Mais histoire de redorer son blason sur le quartier emploi, Sarkozy va rétablir les contrats uniques d’insertion (CUI) supprimés en 2011 : cela devrait, en sortant des chômeurs d’autres catégories, d’éviter que le cap des trois millions de chômeurs soit franchi avant les élections.