Je ne sais plus quel sondage était censé révélé que près d’un quart de la population française ne comprenait strictement rien à la crise de l’euro et de la zone euro. Pourtant, si on voit, non pas ce qu’en rapporte la presse, mais les notes détaillées de l’Institut Harris Interactive portant sur ses récents sondages sur la question, les NSP (ne se prononcent pas) tombent parfois à 4 %. Un truc m’inquiète : les moins diplômés seraient plus inquiets que les diplômés. J’aurais prévu l’inverse. C’est peut-être que, comme ma consœur et blogueuse Aliocha l’estime, même les experts y perdent leur latin financier…

Tant me plait le style d’Aliocha, du blogue-notes La Plume d’Aliocha, tant me défrise sa tendance, si scolaire (d’école de journalisme, dont elle s’est heureusement dispensée), à se contenter de prémâcher la complexité pour recracher du facilement assimilable. En Éthiopie, ce sont généralement les vieilles qui mâchonnent la viande pour l’attendrir de leur salive et en faire des boulettes à frire. Là, plus je me sens accord sur le fond de son dernier billet (« À la botte des singes savants ? », admirez le point d’interrogation, sans doute un réflexe…), moins j’en apprécie la forme.

Pourtant, c’est enlevé, nerveux, &c. Très agréable lecture. Un peu trop digeste, et je préfère la viande plus coriace (cela énoncé sans vouloir nullement offenser).

Sur la crise, plus personne (ou presque, car quand même…) n’y comprendrait rien. « Quant aux journalistes spécialisés comme moi, ils en savent tout juste assez pour prendre la mesure de leur ignorance, qui est abyssale. ». Ex-juriste, devenue avocate, peut-être pas dans un cabinet d’affaires (sa présentation n’en dit rien), Aliocha a de la bouteille : 16 ans de journalisme. Pour en arriver là. Et la formation permanente, individuelle, autodidacte, qui justifie le devenu maigre abattement (ou la niche) fiscal dont bénéficient les journalistes ? Si elle n’est plus justifiée que par le fait que les journalistes sont, à diplômes égaux, bien moins payés que d’autres, alors que dire de tant et tant d’autres, pas que dans l’édition, mais aussi dans des associations, voire au McDo ?

La crise pour les pressés

Pour les visiteuses ou lecteurs pressés, je résume ce billet (prenez le temps de vous reporter à l’original) qui, correctement développé (ouf, enfin une qui a compris qu’en ligne, on n’est pas tenu à se contingenter à deux-trois feuillets), bien articulé, fait ressentir que « tout le monde ou presque fait semblant » d’avoir un avis fondé sur un réel que plus personne ne domine.

• Un, parallèle, pas que pour Google, entre l’affaire DSK et la crise. On a beau voir, on a beau faire, on peut soutenir tout et son contraire. « Et si les experts ne comprenaient pas mieux que vous ? ». Ou plutôt, blablataient autant que nous le faisons sur l’affaire du Sofitel. Bien vu…

• Deux, cas d’espèce, les comptables. La crème des comptables. Incapables de s’y retrouver dans les normes internationales. Je peux comprendre : j’ai passé une partie du week-end à me mettre à jour, simplement avec Wikipédia (voyez les fiches sur les accords de Bâle, dont Bâle III), et la presse spécialisée internationale.

Coton. Ben voui, mais des comptables, on les paye pour cela, s’informer, se tenir à jour. Même dans les comptes-rendus de stage de DUT ou de BTS, c’est un point essentiel à mettre en exergue. Mais la crise, ce n’est pas qu’eux, c’est aussi nous : combien d’entre-nous ont préféré devenir experts en penalties ou transformations d’essais qu’en économie ? Conclusion d’Aliocha, « les comptes des sociétés du CAC 40 ne sont peut-être pas forcément fiables ». Il lui a fallu tant d’années pour découvrir cela ? C’est depuis longtemps un secret de polichinelle.

• Trois, deuxième cas, une conférence de l’Autorité des marchés financiers (AMF), l’équivalent de la FSA (Financial Services Authority) – mais en plus contingenté ; FSA dont j’attends de lire, ce lundi après-midi, partie du rapport rendu public. J’espère qu’Aliocha prendra aussi la peine de le consulter (452 pages, mais on peut sauter des passages, rien que pour celui relatif à la faillite de la RBS, Royal Bank of Scotland ; le rapport a déjà fait légèrement chuter les valeurs bancaires à Londres ce matin). Or donc, sur 50 présents à l’AMF, une dizaine qui « comprenaient la technique » mais sans avoir la « la capacité intellectuelle, ni surtout l’envie (…) d’en tirer une quelconque conclusion. ». Et cékoidon, la conclusion d’Aliocha ? Qu’elle est comme tout le monde : « Personne n’y comprend rien, mais on n’ose pas le dire » ; sauf qu’elle, cette fois, elle ose.

• De quatre, s’en remettre à un autre, un divergeant, comme Emmanuel Todd, qui envisage que la sortie de crise serait de se déclarer en faillite. C’est effectivement une option. Fermez le ban : « En réalité, nous n’avons pas besoin d’expertise financière ici, mais de simple raison. Car c’est précisément ce qui nous fait le plus défaut. Sur ce sujet là, je nous classe D, autrement dit : situation de faillite. ».

Eh oui, la crise, c’est nous aussi. Qui, pressés, lâchons les « mauvais » experts pour les « bons », ceux qui nous semblent nous caresser dans nos intuitions, ou préjugés.

Une crise, c’est lent

C’est lent, une crise, mais cela peut se précipiter. Quand j’entends les Baroin-(Michèle Laroque), Pécresse-(et Jérôme), Noyer-(et Madame), d’autres, nous dire que tout va bien pour les banques françaises, j’aimerais bien savoir si la majorité de leurs liquidités est placée dans les banques françaises en euros, ou diversifiée. Généralement, tout juste avant les grosses précipitations, certains bénéficient d’un avis météo. Là, je ne vous refais pas le coup fallacieux des Juifs des Twin Towers du Sept. 11/01, mais j’évoque quelques épisodes boursiers restés célèbres… et récurrents : « Je ne balance pas, j’évoque… ». Et quand on est plongé dans le chaos, il faut s’en sortir, reconstruire. Avec de l’expertise. Peut-être pas avec les mêmes experts. Mais d’autres au moins aussi calés. Contrôlés, débattus, par des gens capables de décrypter leur langage.

Que lisais-je ce matin dans le Daily Mail ? Que Nick Clegg avait trop d’œillères europhiles pour se rendre compte encore du réel, de ce que l’Europe, comme le soutient le Daily Express, est vouée à devenir un « musée industriel », et qu’il faut, comme le préconise Marine Le Pen, la fuir, d’abord en se délestant de ses euros. Parce que, ce que dit sans le dire Marine Le Pen, c’est en fait cela : achetez tout de suite d’autres devises. Bon, cela peut attendre l’entre-deux tours, sans doute… Eh oui, comme le préconise Aliocha, yaka faire usage de « simple raison ».

Quoi qu’on fasse ou dise, la simple raison, c’est une option politique. « Mais on n’ose pas le dire ». Il n’y a pas en soi de système forcément meilleur qu’un autre, mais des orientations qui favorisent plus les uns que les autres, moins la voisine que soi ou ses mandants. Il y a les proclamées, et les réelles, celles qui seront appliquées, avec correctifs des effets pervers, adaptation aux urgences du moment, et mesures pour contrecarrer l’adversaire.

Se coltiner la complexité

Nous sommes effectivement en D, en faillite du vouloir autant que de la comprenette. Le triple A, en la matière, est illusoire. Mais pour atteindre au moins un B+, il convient de vraiment se déterminer. Quitte à prendre des risques. Peut-être celui que préconise Emmanuel Todd : dire à l’Allemagne qu’on détruit l’euro ou qu’on en refait un autre sans elle, sauf si elle lâche du lest… Le coup du veto de Cameron. Risqué, mais pas tant que cela si l’euro s’effondre « tout seul », et que le Royaume-Uni puisse refaire un écu-bis en s’appuyant sur divers pays.

« Simplement » (en fait, rien n’est simple, yapaka-faukon), il y a plusieurs manières de miser et de parier. C’est comme à la roulette, on peut y jouer « à la russe » (tout le paquet de jetons sur un ou quatre numéros), ou plus prudemment, sur la durée (comme le dit François Hollande à Mediapart, « je fais ce que je peux avec les moyens qui me sont donnés, et ils ne sont pas vastes. »).

Choisir, c’est renoncer. Il va bien falloir se déterminer, de toute façon, à renoncer à quelques diverses choses. Et faire renoncer, par exemple à une consommation somptuaire effrénée, au profit d’une autre, plus durable… créatrice d’un meilleur bien-être mieux partagé.

On peut négliger que Moody’s vient d’annoncer ce lundi qu’elle maintenait tous les pays européens « sous surveillance » (ce qui annonce une dégradation), et tourner le dos, hausser les épaules… Pour le moment, Moodys, Fitch, S &P, donnent le la. Pour s’en passer, il faut comprendre pourquoi la meilleure manière de juguler les agences, c’est de simplifier les règles comptables, réduire le nombre et la portée des produits financiers, et savoir l’expliquer autour de soi. Lorsqu’on aura mieux compris, et fait admettre, peut-être n’aura-t-on pas besoin de s’en remettre à des agences, ou beaucoup moins. Cela ne suppose pas que du simple bon sens, mais de s’informer par soi-même, se documenter, approfondir.

Une porte d’entrée pour ce faire ? Pourquoi pas le blogue d’Aliocha (et tout le fil des commentaires) ? Mais surtout ne pas en rester là, passer sur Finance Watch, sans doute ne plus se contenter de lire les seuls entretiens d’Emmanuel Todd et de ses contradicteurs, mais piocher les fondamentaux. Le temps n’est plus où partir sur les routes en habit de bure et prêcher aux oiseaux enthousiasmait les « simples d’esprit » et convainquait quelques puissants de moins pressurer la masse. Il faut peut-être commencer par se serrer la ceinture pour renoncer au crédit (ou le renégocier) et penser à faire pression sur la finance en imaginant d’autres modes de fonctionnement, peut-être retirer chaque mois un maximum en liquide pour ne plus (ou peu) régler par chèque ou carte de crédit, engraisser les banksters le moins possible.
Bref, chacun à son niveau, agir politiquement.

 P.-S. – Je sais, je sais, c’est rédigé premier jet, et comme en atteste au moins un commentaire, très « brouillon ». Cela étant, l’écriture cochonnée doit avoir encore des adeptes (capture d’écran non retouchée, évidemment) :