Or donc, c’est par la presse, mais aussi Me Canoy (défenseur de petits actionnaires), que j’apprends que Daimler AG allait s’expliquer avec la justice française au sujet de l’affaire EADS (hausse du cours, vente d’actions, mauvaise nouvelles pour l’Airbus un petit trimestre plus tard, chute de la valeur EADS). Tout comme Lagardère avait pris les devants pour annoncer avant le parquet sa mise en examen, c’est via le Sueddeutsche Zeitung que Daimler a annoncé que le groupe coopérera et ne doute pas d’une issue favorable pour lui, un peu comme si, à l’instar de la cloture de l’enquête de l’Autorité des marchés financiers, elle était courue d’avance. Rien n’est moins sûr.
Daimler, à la suite du groupe Lagardère, sera-t-il placé en examen et non pas seulement en tant que témoin assisté dans le dossier EADS par les juges Serge Tournaire et Xavier Blanc, dès ce mercredi soir 9 février 2011. Je ne saurais en présumer, et la lecture des reprises du Sueddeutsche Zeitung ne saurait faire de moi un oracle.
Florian Martens, porte-parole de Daimler, a donc assuré la presse allemande de la volonté du groupe de coopérer avec la justice française et s’est déclaré confiant que l’issue sera conforme à celle donnée par l’AMF, soit une mise hors de cause de Daimler et Lagardère.
J’en doute, et ce n’est évidemment pas la porte-parole du parquet de Paris, la magistrate Agnès Labregère-Delorme, qui éclairera ma lanterne. Voici quelques jours, ne pouvant la joindre par téléphone, je lui avais adressé un courriel à ce sujet, courriel dont j’attends encore la réponse.
Je l’avais excusée d’avance : la magistrature manque de moyens, les greffes et les juges croulent sous les dossiers.
N’empêche, au moment où la Social Media Week insiste sur le rôle des réseaux sociaux, de la presse dite d’information citoyenne, &c., on se demande si les institutions françaises n’ont pas un train de retard par rapport à leurs homologues nord-américaines quant à la transparence de l’information.
La mise en examen n’implique pas automatiquement une comparution devant un tribunal. Les charges peuvent être abandonnées en cours d’instruction.
Le problème, dans cette affaire, comme le souligne Me Canoy à propos de l’affaire Vivendi, mais aussi par exemple de l’affaire des emplois fictifs de la mairie de Paris du temps de Jacques Chirac, et de bien d’autres, c’est le devenir en France des class actions (mobilisations de petits actionnaires pour obtenir des compensations). « On ne veut pas que mes recours fassent jurisprudence, » résume Me Canoy.
On se souvient que Jean-Paul Gut, proche d’Arnaud Lagardère, et ancien d’EADS (remplacé à son poste par Marwan Lahoud), mis en examen dans cette affaire, avait vigoureusement contre-attaqué, citant un petit actionnaire en justice, mais aussi l’hebdomadaire Marianne. Il arguait : « Les allégations mensongères qui ont été publiées, sans enquête ni vérification sérieuse, me portent gravement préjudice… ». Clearstream Banking n’avait pas soutenu autre chose pour obtenir des condamnations contre le journaliste Denis Robert qui, après avoir obtenu satisfaction devant la Cour de cassation, se retoune en appel contre la chambre de compensation Clearstream.
Pour le moment, outre le groupe Lagardère, diverses personnalités ont été de nouveau mises en examen. Il s’agit de Noël Forgeard, ancien coprésident exécutif d’EADS, Jean-Paul Gut, de l’ancien président d’Airbus Gustav Humbert, et de son vice-président d’Airbus Olivier Andriès ainsi que d’Andreas Sperl et de John Leahy.
La donne aurait-elle changé ? Verra-t-on Marianne se retourner contre Jean-Paul Gut ?
On verra ce qu’il en sera avec la reparution (après abandon de la diffusion par le premier éditeur, Bénévent) du livre de Jean-Galli Douani, Clearstream-Eads, le syndrome du sarkozysme, aux éditions belges Oser dire. Rappelons que, dans ce dossier EADS, Jean-Galli Douani avait été entendu et avait remis une pièce, qualifiée de « cruciale et fondant le motif matériel » par Me Canoy, à la juge française Xavière Siméoni en juin 2007. Il avait aussi été entendu par la brigade financière allemande, agissant pour le parquet allemand, en novembre 2007.
En parlant de mise en cause de l’AMF, voici un nouveau cas, tout aussi préoccupant, celui de Belvédère : http://www.continentalnews.fr/actualite/finances,165/belvedere-prochain-scandale-economique,10788.html
Daimler va d’autant mieux collaborer que :
« Daimler a été mise en examen à Paris pour « délit d’initié » dans l’enquête sur les mouvements de titres suspects du groupe européen d’aéronautique et de défense EADS en 2006, (source Reuters) Les juges instructeurs pôle financier, Serge Tournaire et Xavier Blanc, l’ont signifié à la société allemande. »