À l’occasion de la sortie de l’ouvrage de Jean-Galli-Douani, Clearstream-EADS: le syndrome du sarkozysme, aux éditions Bénevent, je vous offre la primeur d’un entretien avec l’auteur de ce nouveau pavé qui décrit les relations ambigües du sarkozysme avec la haute finance.

C’est l’histoire du pot de terre contre le pot de fer…

Depuis plusieurs années, l’Union des Groupements d’achats publics (UGAP) fait l’objet d’une vaste instruction menée par la juge du pôle-financier, Evelyne Picard.

Au centre de cette tornade judiciaire: un homme, Jean Galli-Douani, entrepreneur niçois, qui affirme avoir été victime de marchés truqués, mais aussi le témoin de la mise en place d’un système de financement opaque, au milieu des années quatre-vingt-dix, impliquant plusieurs dirigeants de l’époque…

 

Sa société, Sud Accueil, a mis sur pied un système de centrale de réservation hôtelière pour les déplacements professionnels des fonctionnaires. Le principe est simple : Sud Accueil achète en gros des nuits d’hôtel à de grandes chaines et les revend aux administrateurs en prélevant au passage un bénéfice.
Pour Jean Galli-Douani, ce marché représente une véritable manne. Pour l’État, il permet de faire des économies substantielles, surtout que Sud Accueil applique les tarifs du décret de 1990, qui fixe strictement le montant des indemnités de déplacement des fonctionnaires.

Mais voilà, en avril 1993, la gauche perd les élections législatives. Édouard Balladur devient Premier Ministre, Charles Pasqua investit le ministère de l’Intérieur et Nicolas Sarkozy celui du Budget. La donne change…

Désormais Jean Galli-Douani doit traiter avec l’UGAP pour seul intermédiaire. Je vous fais grâce de ce chapitre : au final Galli-Douani refuse le deal. Sud Accueil ne peut que constater que le marché profite à Carlson Wagonlit (filiale américaine du groupe Accord, qui pourtant pratique des tarifs environ 30 % supérieurs à ceux de son entreprise…).

Fin 1997, Galli-Douani saisit la justice pour corruption passive et se porte partie civile….

En 2001, une ordonnance de non-lieu sera rendue sur ce chef d’accusation. Les faits, datés de plus de trois ans, sont prescrits !

Jean Galli-Douani refuse de baisser les bras. Il accède à son dossier d’instruction… Il découvre, noir sur blanc, le contenu de la convention passée entre l’UGAP et le ministère de l’Intérieur de l’époque. Mais aussi les conditions dans lesquelles Carlson Wagonlit a remporté le marché, surtout cette étrange rémunération du ministère qui s’octroie, de fait, 50 % du bénéfice d’exploitation. Le Code des marchés publics n’a jamais prévu qu’une société verse une part de ses bénéfices, « c’est totalement illégal, » surenchérit Galli-Douani !

Où sont passés les fonds collectés illégalement par l’UGAP ?

Pour Jean-Galli-Douani, il ne fait aucun doute que les ministères exerçant une autorité de tutelle sur l’UGAP (Budget, Intérieur et  Éducation Nationale) étaient non seulement au courant du système, mais en étaient les organisateurs…

Place à l’entretien.

Bonjour, qui êtes-vous Jean Galli-Douani ?

J. G-D – En ma qualité de prestataire de l’État, pour l’hébergement et le transport des fonctionnaires en mission, j’ai dirigé la société Sud Accueil au début des années 1990, j’ai institué une central de réservation destinée principalement aux ministères.

Que pensez-vous de la politique sarkozienne ?

J. G-D – En règle générale, la politique de Sarkozy s’appuie sur un système de réseaux qui symbolise la dérive des institutions républicaines :

• absence de gouvernance au gouvernement ;

• parlement clientéliste ;

• centralisation des pouvoirs par l’Élysée ;

• népotisme et relations douteuses avec la haute-finance ;

• absence totale de contrôle institutionnel indépendant.

Sarkozy… le financement de campagne… En 1995, dans le cadre de la campagne Balladur, Sarkozy avait organisé un système de rétro-commissions via les marchés du ministère de l’Intérieur. Des commissions versées par un groupe américain qui gérait les déplacements de toutes les directions du MIAT – le ministère de l’Intérieur et de l’aménagement du Territoire – ainsi que d’autres ministères et des groupes français à la pointe de la technologie. La présidente de ce groupe se voyait attribuer la Légion d’honneur par David Levitte, conseiller diplomatique de Nicolas Sarkozy. De plus cette société américaine détenait des comptes dans la société luxembourgeoise Clearstream [Ndlr. Clearstream Banking, société de clearing, de compensation financière]. Des documents détenus par un ancien prestataire du MIAT, judicieusement occultés par la justice, confirment ce système de corruption, et un magistrat au fait de ces réseaux révèle leurs existences (la vidéo se trouve à la fin de l’article : « Caisse noire au ministère de l’Intérieur »).

Nicolas Sarkozy pourrait-il se voir inculper ?

J. G-D – Malheureusement, une inculpation de Nicolas Sarkozy n’est envisageable qu’à la conclusion de son mandat présidentiel. Pour autant, il est certain qu’au-delà de sa présidence et compte tenu de sa grande implication dans des affaires de corruption et de détournements de fonds publics, on peut s’attendre à des poursuites judiciaires devant les juridictions compétentes. Pour ma part je remettrai, à la justice et aux médias, des documents et des informations impliquant directement Nicolas Sarkozy, Claude Guéant et Mr XXX(actuel… Michèle Alliot-Marie).

La corruption est-elle partie prenante dans le monde politique ?

J. G-D – Voir Sarkozy et la caisse noire du ministère de l’Intérieur.

Sarkozy, ministre du Budget, Mr XXX… du MIAT et Claude Guéant à la DGPN, la direction générale de la Police nationale, mettaient en place un système de rétrocommissions des marchés publics

Comment et à qui étaient-elles destinées ?

J. G-D – Le SCPC (Service central de prévention de la corruption) et la comptabilité publique concluaient à la création d’une caisse noire.

Aujourd’hui le président de la République, le secrétaire général de l’Élysée et le directeur-adjoint du cabinet de MAM semblent maitriser l’appareil judiciaire… à l’image d’autres affaires de financements politiques comme celles de Woerth, Bettancourt et du Karachigate…

Que pensez-vous en général de la classe politique française ?

J. G-D – La classe politique française est envahie par la corruption (voir le rapport du SCPC, le Service central de la Prévention de la corruption), dirigée par le pouvoir et l’argent, où le népotisme règne en maître, principalement au sein de l’UMP, basée sur ce système. Ce qui peut bien évidemment concerner certains partis de l’opposition. Les systèmes de réseaux ne peuvent qu’engendrer la corruption.

Les médias sont-ils corrompus, voire censurés par le gouvernement de Nicolas Sarkozy ?

J. G-D – La majeure partie des médias était soumise, il y a peu encore, au pouvoir de Nicolas Sarkozy, ce qui était le fondement de sa stratégie électorale. La communication réglée et maitrisée par ces réseaux a souvent mis en évidence cette stratégie. D’une part des médias – propriétés de l’industrie de l’armement et des BTP, dont les dirigeants trop proches du Président –, ont soutenu financièrement son élection et d’autre part, il y a une presse totalement soumise, voire écrasée par le pouvoir. Généralement les liens souvent amicaux et intéressés entre le président et la presse ont généré un système de communication propagandiste.

Que faites-vous actuellement ?

J. G-D – Devant ces constats alarmants et après avoir subi, ma famille et moi, de multiples menaces et pressions, j’ai décidé de quitter la France jusqu’en 2012, tout en continuant de dénoncer la perversité du sarkozysme, médiatiquement et judiciairement.

Le débat est ouvert.

Pour conclure la vidéo:

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