Avant d’arriver au Croisic pour la première fois, on ne s’attend pas à passer les heures qui suivront au bout du monde, rattaché seulement à la terre ferme par les rochers bretons qui subissent continuellement les assauts effrénés du vent et des vagues, de cette mer verte qui, avant de s’éclater brutalement contre la pierre, envoie d’abord comme éclaireur, la poussière vaporeuse des embruns, une nuée salée et piquante qui vient nous rappeler nuit et jour que sur ce dernier bout de terre, l’océan est le maître.

Car pourtant, la route qui mène à ce port de plaisance est bien calme. En venant du continent, nous longeons la côte d’Amour : Pornichet, La Baule, le Pouliguen. C’est la première plage d’Europe.

Au Pouliguen, la voiture est déjà dans les terres. Il n’y a plus de remblai à longer et les routes de campagnes nous emmènent successivement à Roffiat, Kervalet puis Batz-sur-Mer. Les panneaux routiers et leurs tentations permanentes pour nous détourner du cap, à tribord : les marais salants et comme une promesse, loin après, Guérande, protégée des siècles par ses remparts.

Mais Le Croisic n’est pas fortifiée, et alors qu’à la fin de la route de Saint-Nudec, quand nous entrons dans la ville, et que nous prenons l’avenue Henri Becquerel, à peine faisons-nous deux-cent mètres qu’apparaît soudain, comme une vision de carte postale, comme la vision d’un panorama qui aurai traversé le temps, inchangé depuis des millénaires, car entièrement naturel, la mer ; les vagues se jetteraient sur la route si les rochers ne nous surélevaient pas.

Le choc de la première vision passée, nous trouvons un parc de stationnement et, trépied à la main, l’appareil photo vissé dessus, nous nous engageons sur le dernier chemin du monde, celui qui nous mène le long de la Côte sauvage.

A peine devons-nous nous arrêter car il y a là tant de choses à voir. Dans notre champ de vision immédiat : une plage de rocher sur laquelle joue un enfant. Les bosquets s’affolent sous le vent tumultueux. La nature nous rejette. La côte est sauvage et entend le rester.

Au loin, une tour se dresse face à l’océan Atlantique. C’est comme un combat, un défi lancé à la mer. Un jour peut-être, l’eau naturelle parviendra à faire tomber ce vestige ancien. Un jour où il ne restera rien de nous.

Dans une petite crique, des baigneurs courageux font face à la mer déchaînée. Le soleil, jouant à cache-cache avec les nuages, était aux abonnés absents. Le vent et la fraicheur étaient bien là.

Après cette brave aventure sur la côte sauvage, il était temps de retourner en des lieux plus propices à l’Homme. A quelque distance, nous retrouvons la civilisation : le port de plaisance où le soleil couchant vient déposer sa lumière orangée sur les mâts des bateaux.

Il y a aussi l’église, face au soleil, dominant les rues piétonnes.

Mais il se fait tard et la faim se fait sentir. On est le 14 juillet mais le feu d’artifice, pour cause de mauvais temps, sera reporté à la semaine suivante. Le temps de s’attabler dans une crêperie bretonne et, sitôt restauré, ne reste plus qu’à déambuler dans les rues, d’animations en animations, jusqu’à rentrer, tard et fatigués, mais heureux d’avoir braver le danger de ce dernier bout de terre.

(photos par votre serviteur)