Un rapport du cabinet d’audit Deloitte & Touche publié jeudi confirme que General Motors (GM), le plus grand constructeur automobile du monde jusque récemment, est incapable de payer ses factures et est au bord de la faillite.
En raison des pertes continues de GM, 30,9 milliards de dollars en 2008 et 82 milliards de dollars au cours de ces quatre dernières années, le passif net de l’entreprise et son incapacité à générer les fonds indispensables à la conduite des affaires, les analystes ont déclaré que sans des milliards de prêts additionnels du gouvernement, il y avait « des doutes substantiels » quant à la survie de GM.
Suite à cette annonce le cours de GM, qui il y a seize mois se négociait encore à 43 dollars l’action, a fortement baissé pour clore à 1,86 dollar. La capitalisation boursière du groupe se situe autour d’un milliard de dollars, son niveau le plus bas depuis la Grande Dépression. « Nous croyons que l’action de GM est sans valeur, indépendamment du fait que l’entreprise reçoit des fonds additionnels du gouvernement ou qu’elle dépose le bilan », a dit aux investisseurs le mois dernier Joseph Amaturo, l’analyste de Buckingham Research.
L’audit qui avait été commandité par GM et confié à l’organisme Securities and Exchange Commission (SEC), a été rendu public au moment où le constructeur réclamait que des dizaines de milliers de travailleurs aux Etats-Unis, au Canada et en Europe fassent des concessions plus grandes sur les salaires et les prestations sociales. L’entreprise a aussi simultanément fait peser des menaces sur les retraites et la couverture en matière de santé de près d’un demi-million de retraités et des membres de leurs familles.
Dans le cadre du plan de « restructuration » que l’entreprise a soumis au gouvernement Obama, GM s’est engagé à supprimer au cours des trois prochaines années 47.000 emplois de par le monde et de fermer 14 usines supplémentaires en Amérique du Nord et en Europe. De plus, l’entreprise cherche à réduire ses obligations envers ses obligataires et ses fournisseurs et à soutirer une aide de plusieurs milliards de l’Allemagne, de la Suède et d’autres gouvernements étrangers.
Les avertissements d’un effondrement imminent, ne sont toutefois pas simplement de vaines menaces ayant pour but de soutirer d’autres concessions. Même si les travailleurs de l’automobile acceptaient cette réduction draconienne de leurs conditions de vie qu’on exige d’eux et si les différents gouvernements débloquaient davantage de milliards d’argent public, GM serait tout de même confronté à sa propre disparition ou à une compression massive de personnel qui ferait qu’il ne serait plus que l’ombre de lui-même.
Ce qui mine les efforts faits par l’entreprise pour éviter la faillite, principalement aux dépens de ses salariés, c’est la réalité d’un effondrement mondial du système capitaliste qui accroît le chômage et qui fait plonger les ventes de véhicules et ce alors même que le marché du crédit est gelé et que le système bancaire est en train de se détériorer.
L’écroulement de General Motors est l’expression concentrée de la crise du système capitaliste en général. Le marasme mondial a fait chuter les ventes de véhicules de façon plus drastique que la direction de GM ne l’avait anticipé dans les plans de restructuration qu’elle avait soumis au gouvernement. Rejetant toute suggestion d’une reprise économique rapide, les analystes ont écrit, « Il n’y a aucune garantie que le marché automobile mondial se redresse ou qu’il ne subisse pas une chute encore plus significative. »
Aux Etats-Unis, le plus grand marché automobile du monde, les ventes sont tombées à leur niveau le plus bas depuis 30 ans. Après avoir enregistré une vente de 16 à 17 millions de voitures en moyenne par an au cours de cette décennie, les ventes américaines de véhicules sont tombées à 13 millions en 2008 et l’on s’attend à ce qu’elles dégringolent à seulement 9 millions cette année. Le mois dernier, les ventes de véhicules en Chine ont dépassé celles des Etats-Unis pour la première fois de l’histoire.
Dans le monde entier, il existe une contraction sans précédent des ventes d’automobiles et qui a affecté le Japon, l’Europe, l’Amérique latine ainsi que les marchés chinois et indiens qui jusque-là avaient connu une croissance rapide. Les géants automobiles mondiaux tels Toyota, Nissan et Volkswagen annoncent des réductions de la production, des licenciements et exigent des concessions de leurs travailleurs. Entre-temps, les analystes économiques prédisent une vague de licenciements et de fusions des constructeurs automobiles et des équipementiers afin d’éliminer les soi-disant « excédents » de la capacité de production, un processus qui détruira des millions d’emplois.
La crise de GM et de l’industrie automobile en général souligne l’anarchie et le caractère irrationnel du capitalisme. Le besoin en voitures et en camions aujourd’hui n’est pas moins important que l’année dernière. Et il n’y a pas non plus de carence en matière de technologie, de compréhension scientifique ou de travailleurs disponibles pour produire des véhicules sûrs, respectueux de l’environnement et abordables.
Mais, sous le capitalisme, le seul but de la production est le profit individuel et non pas la satisfaction des besoins des hommes. Certes, le réseau de production et de distribution est organisé mondialement et est dominé par des groupes transnationaux, il reste néanmoins emprisonné dans le cadre étroit et économiquement destructif d’Etats-nations rivaux. En conséquence, des millions de travailleurs sont menacés de paupérisation tandis que les produits invendus de leur travail s’entassent dans les parcs des usines, les gares et les ports partout dans le monde.
L’effondrement de GM, ce géant de l’industrie automobile qui a fêté ses 101 ans et qui pendant longtemps a été l’exemple d’une entreprise moderne de production de masse, est le symbole du déclin historique du capitalisme américain. Il met en relief la transformation, des décennies durant, de l’économie américaine qui a vu sa base manufacturière privée systématiquement de ressources et démantelée en grande partie tandis que de vastes richesses étaient accumulées entre les mains de l’aristocratie financière au moyen de dettes spéculatives coupées du processus de production des valeurs réelles.
Les chiffres suivants montrent ce processus. En 1950, lorsque GM produisait 40 pour cent des véhicules dans le monde, la production manufacturière réalisait 60 pour cent des bénéfices des entreprises aux Etats-Unis et les opérations financières représentaient 10 pour cent. En 2004, le pourcentage était inversé avec le secteur financier représentant 45 pour cent des profits des entreprises et la production manufacturière seulement 6 pour cent.
Le déclin du capitalisme américain est aussi l’expression concentrée de la crise du système capitaliste mondial qui a atteint un stade où les marchés s’écroulent, où la demande à la consommation s’effondre et où de vastes sections des forces productives mondiales sont détruites.
Aux Etats-Unis, les syndicats, y compris l’United Auto Workers (UAW), n’ont pas de solution à la crise. Il n’y a pas de différence essentielle entre leur perspective et celle des employeurs. Le président de l’UAW, Ron Gettelfinger, répète les affirmations de la direction selon lesquelles les travailleurs doivent renoncer aux acquis sociaux qui sont le fruit de luttes des générations précédentes. Le syndicat insiste sur une nouvelle série de concessions en plus de celles déjà accordées en 2007 et qui ont réduit de moitié les salaires des travailleurs nouvellement embauchés. Le but déclaré du syndicat est de réduire les salaires et les prestations de ces membres au niveau de ceux des travailleurs non syndiqués des usines américaines opérées par Toyota et les autres usines étrangères.
Il en est de même pour les autres syndicats de par le monde. Le syndicat des Travailleurs canadiens de l’automobile (TCA) a promis d’égaler ou d’aller au-delà de toute concession faite par l’UAW pour maintenir « l’avantage compétitif » des projets de GM au Canada. En Allemagne, les syndicats d’Opel, filiale de GM, réclament une reprise européenne de l’entreprise en précisant qu’ils imposeraient les réductions de coûts de main-d’œuvre nécessaires pour la rendre profitable.
Les syndicats, tout comme les entreprises automobiles, les gouvernements capitalistes et les médias qui sont sous contrôle patronal, affirment que les travailleurs n’ont « pas d’autre choix » que d’accepter des salaires de misère et le chômage de masse.
C’est faux. Il existe une alternative. La voie pour aller de l’avant commence par le rejet des prémisses du système capitaliste et par la lutte pour une restructuration planifiée, égalitaire et internationale de l’économie dans le but de satisfaire les besoins de la classe ouvrière, la vaste majorité de la société, plutôt que les intérêts d’une riche élite.
Les besoins les plus élémentaires de la vie, un emploi sûr, un logement, les soins de santé et l’éducation, ne peuvent pas être satisfaits sous un système dans lequel la production et la distribution de la richesse créée par les travailleurs sont assujettis à la course au profit d’une infime minorité de la population. L’industrie de l’automobile, qui nécessite le travail collectif de millions de travailleurs, d’ingénieurs, de constructeurs et d’employés, etc., ne peut plus rester entre les mains des PDG et des gros actionnaires dont l’unique but, consistant à accroître « la valeur des actions » et leur fortune personnelle, a réduit cette industrie à néant.
L’industrie automobile doit être nationalisée et transformée en une entreprise de service public subordonnée au contrôle démocratique de la classe ouvrière. Alors que les avoirs des petits actionnaires devraient être protégés, aucune compensation ne devrait être versée au patronat et aux gros investisseurs.
Les décisions quant au choix de la direction et de tout ce qui relève des salaires, des heures et des conditions de travail, doivent être prises par le comité d’usine composé par des travailleurs de base et des professionnels spécialisés qui ont prouvé leur dévouement au bien-être des travailleurs et de la société en général. La semaine de travail doit être raccourcie sans perte de salaire afin de garantir les emplois de tous les travailleurs.
La nationalisation de l’industrie automobile sous contrôle ouvrier est un élément essentiel de la réorganisation socialiste de l’économie tout entière, y compris des banques et des institutions financières de sorte que des moyens financiers puissent être mis en œuvre pour la satisfaction des besoins humains et non du profit.
Les problèmes auxquels les travailleurs américains sont confrontés ne peuvent cependant pas être résolus dans une seule entreprise ou un seul pays. Les défis d’une économie moderne et mondiale ne peuvent être maîtrisés que si les frontières nationales sont abattues qui dressent les travailleurs les uns contre les autres et qui sont la cause des conflits commerciaux et militaires et qui ont abouti au siècle dernier à deux guerres mondiales. Au lieu de cela, l’industrie et l’économie financière doivent être organisées sur la base d’un plan international reposant sur la coopération et la collaboration des producteurs du monde entier.
Aux Etats-Unis, la lutte pour une telle perspective requiert une rupture politique avec les deux partis du patronat et une lutte contre le gouvernement Obama ainsi que l’organisation de la classe ouvrière en une force politique indépendante afin d’unifier ses combats et lutter pour le pouvoir politique.