Grande affaire de la dernière rentrée, le décret du 30 juillet 2008, applicable au 1er octobre suivant, avait modifié l’article R416-19 du Code de la route en créant l’obligation de posséder dans l’habitacle de sa voiture un gilet jaune fluo – pardon, auto-réfléchissant – et un triangle de présignalisation, précisant ainsi l’usage de ce dernier : "Lorsqu’un véhicule immobilisé sur la chaussée constitue un danger pour la circulation, (…) le conducteur doit assurer la présignalisation de l’obstacle en faisant usage de ses feux de détresse et d’un triangle de présignalisation." Mais voilà que ces crânes d’œuf qui nous gouvernent n’avaient pas pensé aux autoroutes ! Chacun sait en effet qu’un piéton est en grand danger dès lors qu'il se trouve sur la bande d’arrêt d’urgence, ce qui a conduit hier la Société des Autoroutes Paris-Normandie à publier un communiqué qui "déconseille l’utilisation du triangle de présignalisation lors d’un arrêt sur la bande d’arrêt d’urgence", au motif qu’elle "constitue une mise en danger manifeste de la vie du conducteur". L’Obs.com précise : "La société s’appuie sur une note récente de la Délégation à la Sécurité et à la Circulation Routières qui estime que l’utilisation du triangle "ne s’applique pas s’il y a mise en danger manifeste de la vie du conducteur". Or, selon les concessionnaires, c’est toujours le cas sur la bande d’arrêt d’urgence. L’Association des sociétés françaises d’autoroutes a jugé cette "position fondée" et attiré l’attention des autorités sur le sujet. "Nous expliquons aux automobilistes qu’il est dangereux de circuler, en voiture ou à pied, sur la bande d’arrêt mmd’urgence, il n’est donc pas cohérent d’utiliser le triangle sur cette bande", a expliqué un porte-parole des Autoroutes Paris-Rhin-Rhône". Réaction de la déléguée interministérielle à la sécurité routière, Michèle Merli : elle juge le communiqué de la SAPN "un peu trop général. Nous comptons sur le bon sens des conducteurs. Si le véhicule est complètement sur la bande d’arrêt d’urgence, il n’est pas sur la chaussée, il n’y a donc pas d’obligation. S’il est en partie sur la chaussée, il faut apprécier la situation. Globalement, sur autoroute, il est plutôt dangereux de le mettre", a-t-elle confié à l’AFP. Déclaration particulièrement stupide : si la voiture se trouve en partie sur la chaussée, elle "constitue un danger pour la circulation", ce qui rend précisément l’utilisation du triangle obligatoire d’après le texte du décret. Plus la partie empiétant sur la chaussée est importante, plus grand est le danger pour la circulation, donc plus nécessaire est l’usage du triangle. Mais dans le même temps, plus il est alors dangereux pour le conducteur de s’aventurer à pieds 30 mètres avant sa voiture pour y déposer son triangle ! Or Merli dit qu’il faut dans ce cas "apprécier la situation", tout en concédant la dangerosité en général… C’aurait été tellement compliqué de préciser que le décret ne s’appliquait pas aux cas de pannes ou accidents survenant sur l’autoroute ? Au lieu de cela, la déléguée interministérielle compte sur "le bon sens des conducteurs". Une grande première : depuis quand décide-t-on d’appliquer une loi suivant sa propre appréciation ?

En résumé, l’utilisation du triangle est obligatoire… ou pas.