Le rap est considéré simultanément comme relève de la tradition des paroliers Français et comme moyen de secouer les consciences. Pourtant, à l’écoute de certaines œuvres, il paraît difficile de faire la part entre une volonté de combattre les préjugés et leur expression complaisante.

 

Ce 24 novembre sort l’album d’un rappeur très en vue, « o.9 », de Booba, album précédé de quelques semaines par le single « Illegal ». « Evénement hip-hop de cette fin d'année, le nouvel album du controversé Booba, 0.9, arrive dans les bacs [..]. Déjà disponible, le premier single, Illégal, se donne à voir dans un clip forcément spectaculaire et son making of indispensable », nous prévient-on sur le site « Attention Musique Fraîche »…

Les personnes très éloignées de cet univers poétique n’auront pas pu échapper au single « Illegal »… Et pour qui a des oreilles fines, le texte est éloquent ! De quoi est-il question ?

« J’me lave le pénis à l’eau bénite.

J’vais rentrer au pays,

Marié, quatre grognasses qui m’obéissent. »

L’intro du nouveau single de Booba ne fait pas dans la dentelle. Les fans, sur les différents sites où il leur est donné d’exprimer leur opinion, rappellent combien toute personne un tant soit peu choquée par les propos tenus est incapable de faire preuve d’humour, d’ironie ou de quelque autre vertu qui rend moins opaque cette entreprise salutaire de provocation. Rendons à César ce qui lui revient de droit : Booba n’est pas le seul à faire dans le goût douteux.

L’histoire du rap en est émaillée : saine provocation pour les uns, démagogie pour les autres, il est difficile de tenir un propos homogène sur la question. Il est vrai, à la décharge de la scène rap, que certains auteurs comme Abd al Malik font des efforts pour échapper aux stéréotypes qui en font des gens violents, sexistes ou autres joyeusetés dont on se passerait bien. Ce n’est pas le cas de tous les rappeurs : il suffit d’écouter quelqu’un comme OrelSan, pour s’en persuader : rappeur peu connu, il n’en représente pas moins un stéréotype que l’on pourrait croire tout droit sorti du cerveau d’un détracteur de mauvaise foi. (Si le cœur vous en dit…http://www.youtube.com/watch?v=_U7V9oZPTWY…attention : c’est spécial !)

 

 

Mais de quelle provocation s’agit-il ?

Nous avons sanctifié la provocation comme une vertu, sanctification sans réserve héritée des temps où il existait un véritable obstacle à la liberté d’expression. Mais il y a déjà quelques lunes qu’il en va tout autrement et l’on assiste, dans les prétoires ou les médias, à une véritable demande du droit de transgression, quelle que soit la provocation en jeu. La société de consommation et sa plus fidèle servante, l’industrie du divertissement, ont aujourd’hui le beau rôle : elles manient le glaive de l’offense et le bouclier de cette fameuse (ou pour certains, fumeuse) liberté d’expression. Les héritiers des grands paroliers peuvent tour à tour si situer dans la posture de l’affrontement et le confort de la protection. La témérité sans le risque.

« Ne me dis pas que je n’ai pas le droit.

Je dois m’en sortir, man je n’ai pas le choix.

Je te prends en levrette, laisse moi mettre le doigt

Perpet’j’connais pas, car j’ai maître Lebraz

Mon cœur est une bouteille de gaz. »

Et les fans d’être transis de cette force née du désespoir et de la fatalité

 

De la dénonciation à la revendication…

Les nouveaux poètes cassent tout dans un flow « forcément spectaculaire »…Car la provocation, avec ces antis conformistes, va de soi !

 « Ma biche, c’est du lourd comme Bernard Henri Lévy.

Bitch, bien sûr je parle anglais (…) »

Nous avons donc le choix entre un machisme déjà bien affiché (voir ses autres exploits puisqu’il est vrai que l’on ne peut juger un auteur à l’aune d’une seule œuvre) et la revendication très affirmée de clichés …pour le moins douteux :

« Sénégalais, j'ai plus d'une corde à mon arc, tu piges ? »

« Pour être dans l'92i faut en avoir une grosse comme Makélélé. »

Comment ?…Ah !… Il nous renvoie à la figure nos propres préjugés sur les noirs (attention : argument réellement entendu) ! Mais les préjugés de qui ? Des fans? Ont-ils seulement ce type d’idées préconçues ? Si tel était le cas, iraient-ils acheter les disques ou les places de concerts ? Ca n’a pas de sens !

Quant aux autres ?… S’ils n’écoutent pas, à quoi bon les haranguer ? Ils ne savent même pas qu’il existe un garçonnet complexé du nom de Booba qui fait de la provoc à leur endroit ! Et, pour la plupart, ils s’en fichent !

Non…Booba s’achète une conduite de provocateur auprès d’un public complaisant qui s’imagine ces Français moisis noyés dans leur a priori ! Et s’il peut le faire, c’est parce que la société est assez indifférente à ce genre de choses pour lui en donner le droit. La provocation a perdu, ici, sa fonction première pour sombrer dans le dénigrement gratuit. On entend parler bien souvent de censure…le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il lui arrive de s’exprimer avec plus de virulence dans d’autres endroits du globe.

 

Faut-il s’en plaindre ?

La censure jouerait son jeu et lui donnerait une importance qu’il n’a pas, lui et tous les autres olibrius de cet acabit, en cherchant à le faire taire. D’un autre côté, il rabaisse les femmes et joue avec des clichés qui n’ont rien à envier à ceux qui ont courroucé l’opinion publique, il y a peu, chez un Pascal Sevran…

 A moins qu’il ne revendique réellement ces présupposés, gloire anatomique légitime puisque issue d’un Français originaire d’Afrique ! Mais que font les amis de monsieur Lozès ? Acceptent-ils un autodénigrement qui rabaisse au passage des personnes qui ne souhaitent pas être confondues avec le garçonnet ? Ou bien manquent-ils un peu de CRAN ?

«Regarde mon gun, j'suis fashion sur Youtube, Dailymotion. »

Si vous voulez vous faire une opinion…et puis qui sait, ça lui fera peut être plaisir !…

BOOBA, Illegal: http://www.youtube.com/watch?v=x_J0NkvDgRg

{youtube}x_J0NkvDgRg{/youtube}

 

Vous trouvez la chose un peu dure? Imaginez ses parents !