La vie des autres ou l’enfer totalitaire

Si je vous dis Stasi, Berlin-Est, rideau de fer, ça vous parle ? Non ?

Alors n’hésitez pas à pénétrer dans cet univers gris et glauque dépeint par Das Leben der Anderen, La vie des autres en français.

C’est un suspense d’espionnage politique passionnant, intelligent, une réflexion philosophique sur la conscience et la liberté individuelle face à un système totalitaire, presque un documentaire sur les méthodes de la Stasi, la police politique de RDA.

Mais c’est surtout une magnifique leçon de cinéma que nous donne un jeune réalisateur allemand, Florian Henckel von Donnersmarck.

Pour moi qui avait étudié l’allemand seconde langue au collège et vu les images en direct de la Chute du mur en 1989, j’ignorais ce qui se passait réellement en Allemagne de l’Est et ce n’est pas Good Bye Lenine, autre succès allemand de ces dernières années, qui mettait en relief le folklore et la nostalgie d’une époque révolue, qui aurait pu m’informer.

En découvrant La vie des autres, c’est comme si Florian Henckel von Donnersmarck de dix ans mon cadet, m’ouvrait une porte sur la sinistre réalité : une société muselée par le pouvoir de la République Fédérale Allemande.

L’action se passe en 1984, à Berlin-Est. On est en pleine guerre froide, celle qui fit les beaux jours de l’agent 007, alias James Bond pour les intimes.

Gerd Wiesler (joué par l’excellent Ulrich Mühe qui fut lui-même objet de surveillance dans la vraie vie) est chargé de placer sur écoute un auteur dramatique.

Georg Dreyman  suit pourtant la ligne du parti mais il vit entouré d’artistes dissidents et surtout sa compagne actrice est convoitée par un ministre haut placé.

Installé dans le grenier de l’immeuble, le capitaine  Wiesler va écouter, observer la vie du couple puis rédiger des compte rendus qui deviennent de plus en plus fantaisistes au fur et à mesure de l’attachement de l’officier à son sujet.

Toute sa vie est dédiée au service du parti (et au détriment de sa vie privée réduite à néant) quand il commence sa mission. Du  fonctionnaire zélé qu’il est, il va se transformer peu à peu en ange gardien de l’ombre. Décidé à protéger celui qu’il devait faire tomber, il prend le risque d’être suspect aux yeux de son supérieur et voit sa carrière sabotée.

Avec ce premier long métrage (un coup de maître), Florian Henckel von Donnersmark nous montre le fonctionnement des rouages pernicieux de la Stasi, basé sur la surveillance et la délation pour broyer toute velléité de liberté.

Le sentiment amoureux, l’envie, l’émotion que procure l’art (ici l’interprétation au théâtre de l’actrice, la musique, les mots) vont percer la carapace de Wiesler, enfermé dans son idéologie et l’entraîner ce vers quoi il n’aurait jamais pu soupçonner aller seul.

Un fil invisible se tend entre l’artiste et l’officier de la Stasi, né avec les écoutes et développé ensuite grâce à la femme aimée, figure tragique et expiatoire, prénommée si justement Christa Maria.

Grâce à ce film, ce qui n’était qu’un concept, a pris le visage de ceux qui ont vécu l’enfer totalitaire. Combien le vivent encore ?