"C’est à lui que je dois le fait d’être ici avec mes enfants. Je suis admirative de son audace et de son intelligence", a déclaré à propos de Nicolas Sarkozy Ingrid Betancourt après sa libération, dans une interview accordée à RTL. Manifestement, sa détention a gravement altéré son discernement ! Remarquez, elle dit aussi avoir été libérée grâce à dieu et la vierge Marie…

Sa gratitude va également à Jacques Chirac et Dominique de Villepin, ce que Le Figaro ne saurait relayer : l’ami Birenbaum présente sur Le Post la vidéo originale de l’intervention de l’ex-otage et celle mise en ligne par le quotidien de Serge Dassault. La version de la Pravda sarkoziste n’a pas seulement coupé le passage sur l’ancien président et son Premier ministre pour raccourcir le sujet, ce qui eût pu, à la rigueur, se justifier, en finissant sur le remerciement à son prophète : elle a conservé la fin originale de l’allocution de Betancourt ("je suis à vous, merci la France"), en opérant donc un grand coup de ciseaux manipulatoire entre l’hommage à Sarkozy et la fin, pour squizzer son prédécesseur et Galouzeau. Le directeur adjoint de la rédaction du Figaro, Yves Thréard, livre la parole officielle dans une autre vidéo, en ligne ici : à la question de savoir s’il s’agit d’une victoire personnelle pour Nicolas Sarkozy, il répond sans hésiter : "Oui, incontestablement". C’est du reste le titre de la page : Une victoire personnelle pour Nicolas Sarkozy. Thréard justifie cette position par le fait que le président français avait annoncé dès son élection vouloir travailler à la libération de la députée franco-colombienne et qu’il y a mis "tous les moyens". Certes, mais son appel télévisé solennel à Manuel Marulanda, le chef des FARC aujourd’hui décédé, lui demandant de libérer Betancourt, a-t-il été couronné de succès ? Absolument pas. Et l’avion médicalisé envoyé par Sarkozy pour ramener l’otage est-il rentré avec son précieux chargement ? Pas plus. Pour Thréard donc, il suffit que Sarkozy ait vainement tenté de faire élargir la prisonnière pour que sa libération, obtenue sans qu’il n’y joue un rôle quelconque, devienne pour lui une victoire personnelle : l’affaire a beau se dérouler en Colombie, c’est tout de même un peu fort de café, caramba  ! 

Voilà la réaction que l’on put avoir à chaud : tempêter que d’aucuns attribuent le uribemérite de la libération de Betancourt à Sarkozy sans que ce dernier n’ait en fait rien à voir avec l’opération couronnée de succès. Mais il apparaît ensuite que la version livrée au public par le président colombien, Alvaro "Escobar" Uribe, d’une infiltration des FARC par l’armée, serait une pure invention, à en croire Médiapart. Dans un article titré Libération d’Ingrid Betancourt : ce que ne dit pas la version officielle, le site d’Edwy Plénel revient tout d’abord sur l’exécution du négociateur de la guerilla marxiste, Raul Reyes, en s’appuyant sur le témoignage livré aux services spéciaux équatoriens par deux membres des FARC rescapés de l’attaque du camp : "Ces deux guérilleros ont décrit la précision de l’attaque qui a détruit ce camp, attaque à la laquelle ils ont échappé parce qu’ils s’étaient éloignés de quelques centaines de mètres. Ils ont raconté que cinq bombes ont frappé simultanément la vingtaine d’hommes qui y vivaient depuis quelques jours. Selon plusieurs sources, ces bombes ou missiles n’ont pas été largués par des avions colombiens mais par des appareils américains volant à haute altitude. Ils ont été guidés par le faisceau d’ondes émis par l’un des téléphones satellites utilisés par Raul Reyes. Ayant réussi à se procurer quelques jours auparavant le numéro de ce téléphone, et en accord avec le gouvernement colombien, les responsables américains ont estimé nécessaire de mettre un terme à la négociation qui était sur le point d’être finalisée. La libération d’Ingrid Betancourt était alors programmée pour le 8 mars, journée internationale de la femme. L’objectif de cette attaque, toutes les informations et les adolf uribeindices l’indiquent, était de remettre en cause la libération d’une otage médiatique. Car, dans ces conditions, cette libération aurait redoré la réputation d’une guérilla en perte de vitesse ; elle aurait été porté au crédit de l’Equateur, du Venezuela et de la France." Voici comment, avec l’assistance empressée de cet humaniste de George W. Bush, le président colombien, responsable des escadrons de la mort massacrant paysans réputés proches des FARC, syndicalistes et militants de gauche – ce qui lui vaut d’être représenté par certains opposants sous les traits d’un clone d’Adolf Hitler -, a sciemment empêché la libération de Bétancourt ! Ce qu’avait du reste vigoureusement dénoncé le président équatorien Correa : "Regardez la bassesse d’Alvaro Uribe, il savait qu’en mars douze otages allaient être libérés, parmi eux Ingrid Betancourt. Il le savait et il a utilisé ses contacts pour monter ce traquenard et faire croire au monde qu’il s’agissait de contacts politiques et pour lancer un écran de fumée sur son action injustifiable".

Comment Betancourt a-t-elle finalement été libérée ? Voici ce que raconte Médiapart  : "Il n’y a eu, en dépit de la version officielle, aucune infiltration des services spéciaux militaires. Simplement, avec l’aide logistique (et notamment le support de drones) américaine, le groupe a été suivi jour après jour pendant que se préparait par radio et par l’intermédiaire d’un émissaire, le scénario de reddition. Scénario reposant, comme l’a expliqué Ingrid Betancourt, sur une évacuation de sécurité par une ONG imaginaire. De quoi faire admettre, à ceux qui n’étaient pas dans le secret, l’arrivée de plusieurs hélicoptères, puisque les FARC ne disposent pas de ce type de moyens aériens. Il a évidemment fallu plusieurs semaines pour qu’un maximum de chefs du groupe soient convaincus. La condition de ce groupe des FARC étant d’abord l’impunité promise et l’assurance qu’aucun coup de feu ne serait tiré. Le contrat a été respecté. Vers le 15 juin, le gouvernement colombien a fait demander à la France si l’offre d’accorder l’asile aux rebelles, offre faite tant par Nicolas Sarkozy que par François Fillon, tenait toujours. La réponse ayant été positive, la phase finale de l’opération a été mise en route sans que les rebelles aient à se déplacer, les otages étant à peu prés désormais « présentables ». Il ne restait plus, au moment du dénouement, qu’à accréditer l’invraisemblable version d’une opération militaire surprise résultat d’une opération d’infiltration. La réalité est moins glorieuse pour l’armée colombienne."

marinaIl apparaît donc que Sarkozy a finalement bien joué un rôle dans la libération de l’otage : celui d’avoir offert l’asile aux guerilleros. Rejoignons alors le camarade Fontenelle qui observe sur son blog : "Le gentil Sarkozy l’a répété hier : il est "prêt à accueillir tous ceux qui accepteraient de renoncer à la lutte armée". Durant que des polices traquent dans nos rues les sans-papiers : le gentil Sarkozy répète que tou(te)s les repenti(e)s qui laisseront les Fuerzas armadas revolucionarias de Colombia (FARC) trouveront chez lui un refuge sûr et douillet. Dans le même temps, exactement : un autre Sarkozy, moins directement souriant, laisse extrader vers l’Italie de son ami Berlusconi une femme qui a depuis longtemps renoncé à la lutte armée." Libérez Marina Petrella !

Mise à jour de 15h : selon nos confrères suisses de RSR, qui confirment la thèse de la mascarade de l’intervention armée, la libération des otages aurait été achetée pour vingt millions de dollars par les Etats-Unis.