Nous vous entretenions dimanche dernier de la polémique opposant Bertrand Denanoë et Ségolène Royal à propos de l’usage du mot "libéral". Transmise par notre ami et conseiller général des Bouches-du-Rhône, Alexandre Medvedowsky, une intervention magistrale du député européen PS Vincent Peillon, au micro de RFI, rappelle de façon limpide les rapports entre socialisme et libéralisme. 

À la question "Libéral, c’est un gros mot chez les socialistes ?", Peillon répond : "Pour répondre à cette question, il faut opérer un détour par l’histoire des idées. En 1830, la devise du mouvement socialiste, alors en pleine éclosion, était "Plus de libéralisme impuissant". Le libéralisme – entendu comme la doctrine de l’émancipation de la personne, des droits de l’individu, de 1789 – se voyait en effet contesté par ceux-là même qui avaient mené, depuis une trentaine d’années, le combat pour les libertés. Pourquoi une telle évolution ? Parce que ces intellectuels se sont rendus compte que revendiquer uniquement les libertés ne suffisait pas : seuls quelques-uns jouissaient des libertés acquises quand une majorité en était écartée. Ces militants des libertés ont ainsi jugé nécessaire de compléter la doctrine libérale par la notion d’égalité. Or, le socialisme, ce n’est rien d’autre que cette même idée. Ce n’est rien d’autre que le constat qu’il faille créer les conditions de la liberté pour que chacun puisse être réellement libre. Autrement dit, c’est précisément pour réaliser ces libertés qu’on a construit le socialisme ! Sans l’intervention de la puissance publique, les politiques d’éducation de masse, etc., nous serions dans ce que Maurice Merleau-Ponty appelait la "mystification libérale" : les libertés pour quelques-uns et pas pour les autres. Le socialisme n’est ainsi en rien l’antithèse du libéralisme, mais son dépassement. Je l’ai souvent dit, il ne faut donc pas laisser les libertés aux libéraux : ce serait une erreur majeure, tant stratégique qu’historique ! Malgré cela, cette doctrine – qui inclut la visée des libertés mais qui n’oublie pas que, pour que les gens soient libres, il faut mettre en œuvre un certain nombre de choses – porte un nom : et ça s’appelle le socialisme ! Il n’y a donc pas de raison de s’appeler aujourd’hui "libéraux" : c’est une question qui a été réglée en 1830… (…) tant que l’on ne répondra pas dans notre société à la demande d’égalité – notre problème majeur depuis 30 ans -, on restera dans la mystification de libertés qui ne valent que pour quelques-uns : est-il nécessaire de rappeler que seule la moitié des enfants partent en vacances, que le système éducatif est en échec, … ?"

 

Olivier Bonnet est journaliste indépendant, blogueur de Plume de presse et auteur de Sarkozy, la grande manipulation (Editions Les points sur les i, mai 2008).