La fronde africaine contre les Ape a été l'occasion de remettre en selle un éléphant blanc : les états unis d'Afrique. Revoilà le mythe ! Cette idée, utopie, délire est soutendue par le raisonnement que si les Usa et l'Europe ont pu le faire, nous le pouvons le faire aussi. C'est afficher une profonde méconnaissance de l'histoire. Les Usa ont en commun une guerre d'indépendance et l'Europe un sanglant passé commun, un fond culturel commun et une interdépendance économique.

L'Europe a du vivre la seconde guerre mondiale, avec ses dizaines de millions de morts et ses monceaux de ruines pour que l'évidence apparaisse : cette guerre devait être la dernière. Il a fallu l'obstination et le courage politique des gouvernants allemands et français pour sceller une réconciliation durable entre les deux peuples et entamer l'union.

Les autres pays européens étaient parties prenantes dans ce processus, tant il est vrai que sous des alliances diverses, tous ces pays ont été, un jour ou l'autre ennemis et alliés. L'union européenne est née d'une nécessité : rendre impossible un autre guerre mondiale prenant sa source en Europe. Cette union s'est faite progressivement entre des peuples unis, dotés d'états fonctionnels, ayant construits des démocraties, imparfaites mais réelles.

Qu'en est-il en Afrique ?

A de rares exeptions près, tous les pays africains ont des problèmes ethniques, les identités culturelles sont si fortes qu'elles rendent difficiles la vie commune.

La quasi totalité des pays africains ne sont pas de réels états dont les habitants se sentent les citoyens.

La démocratie est à construire dans tous les états, la tenue d'élections ne doit pas nous faire oublier que ce ne sont pas les élections qui font la démocratie ce sont les pratiques de pouvoir et l'appropriation par les citoyens de leur destin commun. Les élections sont un des signes de la démocratie, nécessaires mais insuffisants, après tout l'URSS a tenu de nombreuses élections sans que l'on puisse lui donner le nom de démocratie !

Le nombre de conflits internationaux en Afrique est ahurissant, ce n'est pas une union qui changera cet propension à régler les problèmes à coups de canon, ne parlons pas de la facheuse tendance des pays africains à violer les frontières de leurs voisins et à s'immiscer avec plaisir dans leurs affaires internes. Le soutien plus ou moins explicite, pendant de longues années, de la Gambie et de la Guinée Bissau aux indépendantistes casamancais, est là pour nous le rappeler.

Malgré tous les discours sur "les africains tous frères", les réactions xénophobes sont présentes, à des degrés divers dans tous les pays.

Peuples à construire, états à construire, démocratie à construire…

Est-il plus facile de construire ce qui doit l'être dans un pays ou dans une union ?

Posée comme cela, la réponse est évidente : commençons par construire nos pays avant de penser à une union continentale. Car, quand on voit les problèmes ethnico-religieux du Nigéria, j'augure mal d'une union africaine, en l'état actuel.

Plutôt que de s'attaquer au réel, nos dirigants préfèrent blablater sur des utopies fumeuses (aujourd'hui). Il n'en résulte que nouvelle organisation, siège, fonctionnaires internationaux, conférences, experts et Per Diem… et finances gaspillées.

L'Afrique est jonchée d'organisations moribondes, si ce n'est mortes avant d'avoir vécues. Savez-vous que l'Afrique est le continent qui accumule le plus d'organisations, à peu près toutes inutiles.

Des états unis nécessitent pour exister un minimum d'affinités et de points communs. Le fait d'être tous africains ne suffit pas, ne parlons même pas de noirs, les maghrébins et les blancs d'Afrique du Sud ne le sont pas.

Pour qui a un peu lu ou voyagé et observé, il existe autant de différences culturelles entre un zoulou et un marocain du riff qu'entre un cap verdien et berger peuhl. Le fait d'habiter un même continent ne fabrique pas une communauté de vie ni d'intérêts.

Pour terminer, je vous livrerai mon sentiment. Toute proposition, toute idée pronée par nos chefs d'état est pour moi, par définition suspecte. Etant ce qu'ils sont, sachant ce que nous savons d'eux, s'ils s'intéressent (?) à quelque chose ce ne peut être pour le bien des populations. Leur intérêt est forcément ailleurs.