On l’a vu : le verdict du procès de Youssouf Fofana a suscité de violentes réactions de la part de la famille d’Ilan Halimi  et de plusieurs associations juives, qui estiment que le verdict frappant les co-accusés de l’assassin du jeune vendeur de téléphones portables est bien trop indulgent.

C’est entendu, je comprends tout à fait leur réaction, et si j’avais été juré dans ce procès, peut-être aurais-je penché pour des peines plus lourdes. Mais je n’étais pas membre de ce jury d’assises, alors refermons la parenthèse et revenons à nos moutons.       

Ce qui gène dans tout cela, ce sont certains propos que j’ai pu lire depuis le verdict du 10 juillet dernier. D’abord, on reproche à la cour d’assises d’avoir refusé un procès public. C’est oublier qu’à partir du moment à certains accusés étaient mineurs au moment des faits, ils avaient le droit de demander la non-publicité des débats, et on ne pouvait s’y opposer.

 Il nous est dit aussi que des audiences publiques auraient permis de faire « Le » procès de l’antisémitisme. Cela aurait surtout été un « show Fofana », pour la plus grande joie des voyous et autres djihadistes banlieusards de supérette ! Quant au procès de l’antisémitisme… celui de l’assassin d’Ilan était rudimentaire (« Les Juifs sont riches, sont solidaire entre eux »), pas beaucoup plus développé que celui des pogromistes imbibés de Vodka de la Russie tsariste, et cette circonstance aggravante n’a été retenue que pour deux accusés (dont Youssouf Fofana)… sur 27.

La plupart de ces tristes individus n’étaient motivés que par l’appât du gain, ce qui ne les excuse en rien par ailleurs. Enfin, il faut dire que l’émotion, même légitime et respectable, n’autorise pas à écrire n’importe quoi : difficile de garder son calme quand Madame Bernadette Capdevielle insulte pêle-mêle les médias « complaisants » – envers les bourreaux d’Ilan ? – la presse qui « donne la nausée », et la France qualifiée de « méprisable », sur le site Primo-Europe. org.        

Au-delà de cette affaire, on pourrait s’interroger sur le déséquilibre de l’article 81 de la loi Guigou du 15 juillet 2000 (complété par la loi du 4 mars 2002) : pourquoi la partie civile ne peut-elle faire appel d’un verdict d’assises comme la défense et l’accusation ? Si cela avait été le cas, l’avocat de la famille Halimi n’aurait pas donné le désagréable sentiment de faire pression sur le Garde des Sceaux pour obtenir un nouveau procès. Celui-ci aura finalement lieu – espérons donc que ce ne sera pas un coup de glaive dans l’eau.        

       De manière générale, faut-il être surpris par ce charivari médiatique ? Pas tant que ça, finalement. Avocat général de ce procès, Philippe Bilger – dont il faut saluer ici les appels au calme après le verdict – a clairement indiqué que tout cela s’inscrit dans une « contestation générale des arrêts de cours d’assises » au micro de France Inter le 13 juillet dernier.

L’actualité récente donne raison à M. Bilger : souvenons-nous des réactions hallucinantes suite à la condamnation à perpétuité d’Ivan Colonna pour l’assassinat du préfet Erignac par la cour d’appel de Paris le 27 mars ! Etat français qualifié d’assassin, accusation de racisme anti-corse, comparaison avec l’affaire Dreyfus, lynchage médiatique de la cour spéciale antiterroriste, assimilée à une « justice d’exception », et j’en passe… Arguments à l’emporte-pièce qui ne valent rien, ou presque. Le dossier Colonna n’était sans doute pas en béton armé, mais il n’était pas aussi vide que d’aucuns ont bien voulu le dire.

 

       Au final, je me permettrai de faire une petite piqûre de rappel : critiquer le fonctionnement de notre institution judiciaire, c’est parfaitement normal, et légitime. La clouer au pilori à tort et à travers, c’est desservir la cause que l’on veut défendre.

 

Pour en savoir plus :

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