Retenez la date : 22 octobre 2013. Celle de la diffusion des enregistrements (chansons, conversations) de Woody Guthrie au bénéfice d’Alan Lomax, musicologue, et de la Bibliothèque du Congrès étasunien. Sortiront donc, sous le label Rounder Records et le titre général American Radical Patriot, pas moins de six CD, un DVD et un vinyle 33 tours. Je crois que je vais me laisser tenter…  

Je ne sais plus quand, mais sans doute au début des années 1970, je détenais, enregistrées sur mon Uher de reportage à bandes, pratiquement toutes les chansons de Woody Guthrie (et de son fils, Arlo, ainsi que la plupart des chansons de Dylan). C’était ma période folk-blues (au fait, si quelqu’un retrouve mon vinyle Coputalin’ Blues, jamais rendu à Maryse T.-B. ou fourgué par l’un de mes enfants en douce, merci de me l’enregistrer…).

Les chansons de Woody Guthrie, je les connaissais presque toutes par cœur et j’imagine que, si quelqu’un me siffle la mélodie d’une, je peux poursuivre. Avec le temps, question paroles, ne me reviennent plus que des bribes ou le refrain de Who’s Gonna Shoe Your Pretty Little Feet (I don’t need no man (bis) Sister’s gonna kis my red ruby lips). Certes pas la plus fameuse, ni plus mémorable (sauf pour moi, peut-être). Bon, quand même “This land was made for you and me”, Billy The Kid, Do Re Mi, et les divers « Dust Bowl » (des blues). 

C’était ma période beatnik-hobo-auto-stop et les Guthrie meublaient l’attente. Interminable, parfois, ce qui me faisait entonner un truc d’un chanteur noir, du style (pas sûr que je n’ai pas transformé les paroles…) :

Travelin’ man, oh I’m so blue
(…) – euh, là, ça m’échappe
One day I’ll lay my head
On the fastest railroad line
And wreck my troubl’d minndddd

Si quelqu’un retrouve le titre (essayé, pas réussi), merci de me le signaler en commentaire.
Toute une époque.
N’empêche, je m’étais plutôt bien documenté sur Guthrie et cela m’a aidé à traduire le World’s End de Tom Corraghessan Boyle (que j’aurais voulu titrer Aux Diables Vauverts, mais cela faisait trop frenchie pour la maison Grasset).

Pensez, cinq heures d’enregistrements de Woody ! C’était en 1940, il avait 27 ans, et pour le moment, seulement trois heures avaient été gravées (en 1964 et 1998). En bonus, Dylan chantant VD City en 1961, avec, en fond lointain, Guthrie chantonnant Biggest Thing Man Has Ever Done.

Guthrie était formidablement célèbre. Auprès des syndicalistes, des écologistes avant l’heure, de divers protestataires. Mais le gouvernement a aussi fait appel à lui pour des chansons patriotiques et la prévention des maladies vénériennes. Agitateur social, pas trop opposé au Parti communiste, mais plutôt libertaire, Woody aimait passionnément l’Amérique du Nord, les voyages et les rencontres. Pete Seeger, Bruce Springsteen, tant d’autres, lui doivent beaucoup (et réciproquement pour les plus anciens). Emmylou Harris en est sans doute la continuatrice au féminin la plus connue.

Woody Guthrie, né en Oklahoma, en 1912, fut une sorte de Lil’ Abner musicien itinérant. Sa notoriété débute en 1940, subit une courte éclipse en 1943 (il est alors marin) et 1945 (mobilisé), redémarre fort en 1954 (grâce à Pete Seeger), est marquée par diverses maladies, et devient vraiment internationale au début des années 1960. Il s’éteint en octobre 1967.

Son fils, Arlo, avec sa chanson Alice’s Restaurant Massacree (et le film subséquent, d’Arthur Penn, en 1969), et le festival de Woodstock, auront fait beaucoup pour sa postérité posthume. En route pour la gloire (d’Hal Ashby, 1976), le remémore à de plus jeunes générations. À présent, mis à part Hugues Aufrey (interprète de Stewball, qui avait été repris par Woody) et quelques autres artistes français vieillissants, peu s’en souviennent avec une réelle ferveur. Il était à la chanson américaine ce que le journaliste Studs Terkel était à la presse radiophonique (j’ai dévoré Studs Terkel, mort en 2008).

Cela étant, l’album Note of Hope (From Beyond the Grave) n’est pas si vieux (sept. 2011). Il s’agit d’un hommage de 13 interprètes dont Lou Reed. Mais cela n’a guère passé l’Atlantique.

Arlo et Nora Guthrie (voir woodyguthrie.org) perpétuent sa mémoire. Your Smile (still) Cure, Woody.

Si vous habitez Carcassonne, je ne sais pas trop si l’exposition lui étant consacrée est toujours présentée, en cette fin août, à la chapelle Saint-François-Xavier. C’est le plus récent item en français que j’ai pu dénicher. Si vous êtes du côté d’Haifa les 29 et 31 prochains, passez peut-être la soirée avec la comédie musicale Woody Sez (Woody dit, titre de sa rubrique pour le People’s Daily World) de David Lutken. Ce sera à l’English Theater. On retrouvera les mêmes à Cleveland (le 13 sept. à la Play House). Quant à Christoph Weiherer, il interprètera sans doute du Guthrie au Paul-Theater le 20 septembre, à Straubing (All.). Ce n’est pas là écrire pour Google, juste signaler à qui le nom de Woody Guthrie n’inspirerait rien que ce dernier n’est pas tout à fait oublié, en Europe et dans le monde. 

Mais il se trouvera encore des interprètes pour l’adapter en français, j’en suis quasiment sûr. Pensez peut-être à ses chansons pas niaiseuses du tout plus ou moins destinées à être reprises par des enfants (et enchantant les parents). Pour des musiciens, le répertoire de Woody (1 400 chansons selon certaines sources, 3 500 selon d’autres), cela reste Pastures of Plenty, corne d’abondance, et pour encore longtemps.