Il va bien falloir que l’Élysée trouve le moyen de dégager Mister Woerth du bourbier des affaires du docteur de Maistre. Un scénario possible serait celui que pourrait monter la fédération PS de l’Oise pour se dédouaner des agissements du Cantilien (gentilé de Chantilly) Denis Bonnisseau, et sauver le soldat Guillaume Fauchoix, ancien dircab’ du maire de Creil, Jean-Claude Villemain (qui ne se serait pas livré à des jeux de vilain). Toute ressemblance avec des personnages existant ou ayant existé serait purement fortuite…


Dans l’affaire de la fédération socialiste de l’Oise, on peut s’en donner à cœur joie. Pas besoin de changer les noms. Traiter, ici pour les seuls besoins de la démonstration, un expert-comptable de Chantilly de « pourri », « ordure », « escroc », n’exposerait guère à des poursuites pour injures publiques. Peut-être que, comme dans l’affaire du « boucher » et des bouchers de Lyon (Klaus Barbie et les artistes persilleurs du cru), risquerait-on des remontrances de l’Ordre des experts-comptables. De même, pour se retrouver poursuivi en diffamation, il faudrait y aller vraiment très, très fort. En 2006, rappelle Pascal Mureau (« il ira loin, ce grand », aurait pu dire de lui Siné), du Courrier Picard, « Denis Bonnisseau  a été condamné dans une affaire d’escroquerie à Savraouint-Maximin ». On peut en général « lâcher les chiens » sur de moindres personnages, sans trop s’exposer à la basoche et aux « chats faisant la chattemine » de la magistrature. De même, à moins d’aller incendier tous les cabinets de comptables, difficile d’encourir une peine pour diffusion de fausse nouvelle, si jamais on allait – faussement – répandre l’idée que le comptable aurait organisé la « gabegie » qui régnait selon lui dans la gestion de la fédération de l’Oise afin d’empocher partie des 12 000 euros versés annuellement à un cabinet d’avocats lyonnais ou fraction de la plus-value de 54 000 euros réalisée lors de la vente de l’ancien immeuble de la fédération PS à Creil. On croit que ces dispositions visent à protéger la presse des foudres de la justice : il s’agit surtout de faire en sorte que les politiques ne se retrouvent pas si facilement poursuivis dès lors qu’ils traitent la presse ou partie de l’opinion de mots d’oiseau…

 

En revanche, dans le Woerthgate, on marche sur des œufs. Un mot de travers et… les époux Woerth, par exemple, sortent le carton jaune ou rouge de la disqualification. Et finalement, s’ils s’appellaient Mister and Misses Vort, ils pourraient être fondés à s’inquiéter de la manière dont ils ont été piégés, et dont on a sali leur réputation en les faisant passer pour des naïfs, des amateurs, des incompétents.

 

Or donc, toute ressemblance avec des événements passés ou récents étant l’effet du hasard, narrons ce conte pour grands enfants. Il était une fois le docteur Temestre, un chargé d’affaires, gestionnaire de patrimoine. Comme le dira un chroniqueur littéraire ancien journaliste à La Tribune sur son blogue-notes, il alimente des comptes dissimulés. son auxiliaire médicale, dame Bouthit, lui sert de factotum (« cela signifie que les sommes en liquide retirées par la comptable des B*** ont fini, au sens propre du terme, dans des comptes occultes. Rien n’indique, en revanche, qu’il s’agisse de comptes occultes d’un parti politique. »). Entendez ici par « comptable » l’adjointe du dr. Temestre, praticien des B***. Très balzacien, et même stendhalien, le bon docteur déniche dans son entourage le jeune Porto, qui deviendra vite indispensable dans la campagne de prise de pouvoir du future Empereur Narközy, et sera placé au cabinet du très intègre ministre Vort. Le jeune Porto est proche de la famille Temestre, qui comprend, en pièces rapportées, les jeunes Ranault, enfants de Madame Temestre, issus d’un premier mariage. Toute la duplicité du docteur Temestre consistera à se faire voir le plus possible en compagnie des Vort. À l’insu du plein gré de Mister Vort, le voilà qui prend au service de la famille B*** la sémillante Misses Vort. Toujours pour compromettre Mister Vort, il s’affiche en sa compagnie, tant dans des estaminets qu’à son ministère, où son confident, le jeune Proto, mène une carrière à la Rastignac.

 

Lorsque, les yeux dessillés par Misses Vort, Mister Vort vient s’inquiéter des menées du Dr Temestre à l’intéressé, celui-ci lui répond : « Qui tient qui par la barbichette ? ». Effrayé, l’intègre Mister Vort s’épanche dans l’antichambre de l’empereur Narközy qui lui tient à peu près ce langage : « nous sommes faits, et dans le même bateau, si tu me pinces, nous tombons tous deux à l’eau. ». En effet, le Dr. Temestre a remis des enveloppes farcies de chèques d’un montant similaire à celui qu’on glisse au bedeau lors des fêtes patronales de charité. Mais tout le monde croit qu’elles étaient bourrées de billets, de guineas, de maravedis, de lettres de change…  et d’ordres de virement passés sur des comptes en Patagonie. Voila que la « vie parisienne » et le Tout-Paris fredonnent les airs d’Offenbach aux basques des époux Vort. Que faire ? Nier tout en bloc, intime l’empereur Narközy, lui aussi piégé par l’abominable Dr. Temestre. Et le souverain de peser le pour et le contre. Déballer tout le contenu de sa cassette sur la place publique ? Démontrer qu’il n’a reçu que des aumônes et que les picaillons ont filé ailleurs ? La populace, la plèbe, voudrait le consigner dans sa résidence de La Lanterne, car en dépit des évidences, elle gobe ce que narrent les gazettes du complot. Rien ne fera démordre la rue de ses préjugés. Il ne reste plus qu’à pousser de hauts cris, à se frapper la poitrine, et à tenter de dissiper ces remugles en s’en prenant aux « voleurs d’enfants », aux gitans, aux romanichels, qui viennent de défier la maréchaussée. Cette garde suisse, amalgamée aux archers de l’empire depuis peu, a encore les faveurs de la plèbe. Ces pandores sont encore populaires dans les chaumières. « Corneguidouille ! » s’exclame l’empereur Narközy. La mère Larca, sa compagne, lui suggère d’accorder des largesses au commun. Mais la cassette est vide. « Ça ne m’amusait guère de vous donner des promesses, mais vous savez, c’est la Mère Larca qui a voulu. Au moins, promettez-moi de bien payer les impôts… », commente l’empereur dans les étranges lucarnes, lors d’une allocution fameuse. Le « voiturin à phynances » doit pourtant être rempli. Qui d’autre que le bon Mister Vort pourrait résister au Bougre las d’une opposition qui proteste mollement, ne voulant mêler ses voix à la fange du peuple ?

 

Trêve de plaisanterie. Le fait qu’Éric Woerth ait été « mouillé » par Patrice de Maistre n’est absolument pas établi. Le fait que la communication de l’Élysée n’ait pas tenté de faire appel à ce type d’angle l’est parfaitement. Pas question d’admettre que le gouvernement, dans son ensemble (Xavier Bertrand, nouveau trésorier de l’UMP, avait déclaré : « nous sommes tous des Éric Woerth ! », et c’est significatif), pourrait être composé de gens manipulés par les plus grandes fortunes, ce qui serait plus dommageable que le déni. La perception du Woerthgate s’axe sur cette présomption, à tort ou à raison, et sa réception, du fait des axes de communication de l’Élysée, fait que les parallèles tendent à se rejoindre. Le déni, qui est la marque de cette com’, est peut-être « suicidaire », mais c’est peut-être le seul ressort encore disponible, toute autre approche pouvant être estimée encore plus catastrophique…  Passer pour Ubu roi, passe encore, mais pour le valet Matti de Brecht, ce serait trop voyant !woerthgate__sarkozy-valet.png