Le cabinet d’Éric Besson, ministre de l’Immigration, a interdit à Bakchich Hebdo de divulguer les documents que le ministre a communiqué à l’AFP ou à cet hebdomadaire. Cette interdiction n’engage évidemment pas Come4News, qui a eu accès à ces documents, et à d’autres, issus des archives de Jean Galli-Douani, auteur du livre Clearstream-Eads, le syndrome du sarkozysme. Le lien entre ces deux jeux de documents ? Carlson WagonLit Travel…
Les explications fournies par Jean Galli-Douani à Nicolas Beau et Jacques-Marie Bourget, de Bakchich Hebdo, au sujet des justificatifs fournis par Éric Besson pour son voyage de noces à Capri, peuvent être fortement sujets à caution du fait qu’ils se fondent sur les pratiques d’une période largement antérieure aux faits récents. Mais ils ont conforté le raisonnement du directeur de la publication Bakchich Hebdo. Il est fort possible que, avec l’arrivée à la présidence de Nicolas Sarkozy, certaines procédures auraient été assouplies (voire durcies, n’en préjugeons pas).
Les voici :
1/ les bons de commandes se font en principe par le ministère ou ses services ;
2/ les paiements ne se font que par virements et correspondent à des factures globales lorsqu’il s’agit de missions ;
3/ les commandes ont eu lieu le 27 juillet 2010, il s’agit de deux billets ;
4/ la commande ne peut en aucun cas concerner le service d’ordre du ministre dans le cadre d’un déplacement privé, car si cela était le cas il n’y aurait qu’un seul bon de commande justifié par service ;
5/ il existe un bon de commande au nom de Torjmane (sic), qui ne justifie pas d’une mission ni d’un service, ce qui est une obligation pour tout déplacement de mission ;
6/ Si M. Besson justifie un déplacement à titre privé, il lui est imprudent de s’adresser à Carlson WagonLit, sauf à vouloir obtenir des tarifs négociés par le ministère dans le cadre d’un marché public ;
7/ dans le cas où M. Besson fournirait un bon de commande privé de CWT, il doit pouvoir fournir un justificatif de paiement « à titre personnel » mais surtout un justificatif de bon de commande par mail – or, dans ce cas, il demeure des traces. Le ministre ne peut en aucun cas établir un bon de commande au nom du ministère et ensuite le régler lui-même à une société étant en contrat avec son ministère (code des marchés publics, cahier des charges du marché). Les marchés publics n’incluent pas les déplacements privés. De plus la mention « ministère de l’immigration » montre qu’il ne s’agit pas d’un déplacement privé ;
8/ l’intérêt de passer par Carlson est que le voyagiste fournit dans ce cas des prestations de luxe à titre gracieux, voire plus, surtout en matière d’hébergement, qui n’apparaissent pas dans les réservations ;
9/ il est tout à fait possible d’établir une commande et un paiement à postériori, antidaté. Seule la traçabilité d’une commande et une facturation sur Internet (site du prestataire) peut contredire un tel document.
10/ pour le cas où les bons de commandes du 27/07/2010 sont authentiques, ils suffisent à crédibiliser les allégations de Bakchich. Je précise que votre document correspond à un « bon du ministère », sauf qu’il manque le nom du service (cela peut être le cabinet) qui a émis la commande, ce qui est une obligation.
On peut penser que Jean Galli-Douani soit celui que cite ainsi Xavier Monnier, de Bakchich : « ”Bref, c’est un service du ministère”, tranche un expert voyagiste. ». Le raccourci est bref, mais, oui, une antenne Carlson WagonLit est domiciliée dans les locaux du ministère de l’Intérieur (voir nos précédents articles sur le sujet pour les détails). Juste un autre détail : CWT était intrinsèquement liée au groupe hôtelier Accor, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui à l’identique, mais nous n’avons pas vérifié si la Villa Marina de Capri était liée à ce groupe ou un autre : CWT possède de nombreuses actions dans de nombreux groupes hôteliers. Ce n’est pas forcément le cas de cet hôtel et spa. La Villa Marina est commercialisée notamment et non exclusivement par Tempting Places, de 2LNET Sarl, société créée par Laurence Onfroy et Laurence Edelson. Carlson WagonLit ne commercialise pas la Villa Marina directement via son site, mais un établissement d’un statut équivalent : le Tiberio Palace (légèrement plus cher).
Magistrats et avocats ont souvent reproché aux investigations du procureur Courroye d’être, notamment dans le Woerthgate, totalement opaques à la défense. Par anticipation, dans le cadre de sa plainte en diffamation, nous communiquons donc courtoisement à Éric Besson des éléments de réflexion qui apparaîtront dans le dossier de la partie adverse. Non, non, pas de remerciements. Mais si le ministre veut faire un geste, il peut toujours signer L’Appel pour une justice indépendante sur le site de Médiapart.
Soyons francs : le voyage de noces d’Éric Besson, on s’en balance. Qu’il ait masqué ou non la vérité, bah, nous n’allons pas lui jeter la première pierre (à peine la suivante… et pas trop fort, vraiment pas trop grosse). C’est un peu comme Liliane Bettencourt, elle fait ce qu’elle veut de son argent, et si elle le planque à Singapour, c’est déplorable car des hôpitaux et des écoles publiques, et non pas seulement des fondations « hospitalières » en auraient bien besoin. Mais les Françaises et les Français en ont vu d’autres, et de bien pires…
Mais pour qui veut prendre le temps de consulter les justificatifs d’Éric Besson, et d’autres documents, signalons :
http://www.scribd.com/doc/38618989
C’est un document Adobe PDF un peu lourd, sans jeu de mots.
Par exemple, les allers-retours des Rroms, les allers simples des expulsés, et leurs implications financières, ne font pas trop bondir la plupart des Françaises et des Français. Revenons-y. C’est certainement plus important qu’un voyage de noces et à la longue, cela représente peut-être des montants plus forts que ceux que Liliane Bettencourt rapatrie de Singapour. Quand donc l’opposition de Son Excellence Monsieur le Président Sarkozy, demandera-t-elle des éclaircissements complets, chiffrés, sur la question ?
L’une des considérations de Jean Galli-Douani dans l’affaire des liens unissant des ministères et des sociétés privées, mais aussi peut-être publiques (la DGA, Direction générale de l’Armement, par exemple, est-elle du nombre ?), à une société privée non-cotée de droit étasunien, CWT, porte sur les possibles « fuites » que cela pourrait impliquer. C’est peut-être un petit peu plus crucial que la question de savoir qui a renseigné la presse sur les relations dans le couple Nicolas Sarkozy-Carla Bruni, ou que les liens David Sénat-quotidien Le Monde.
Pour Jean-Galli Douani, « les articles de l’hebdomadaire Bakchich, sans avoir établi une vérité jusque là soigneusement dissimulée, auront au moins le mérite de dévoiler certaines mœurs de la vie politique française et plus précisément de nos ministres. ». Jean Galli-Douani estime que « profiter d’une agence de voyages implantée au ministère de l’Intérieur, à titre gracieux, 8, rue de Penthièvre à Paris, pour un séjour privé à Capri, relève de l’indélicatesse. » Laissons-lui cette appréciation en relevant que si une antenne de CWT était réellement dispensée de loyer par l’État, ce qui reste à établir de nos jours, cela relèverait de la… délicatesse.
Jean-Galli Douani suppose que CWT gérerait « les expulsions, pour le compte du ministère de l’Intérieur et du ministère de l’immigration. ». Cela peut s’expliquer en raison de l’étroite cohabitation et voisinage entre l’antenne CWT et certains services du ministère se dédiant à la population étrangère.
« Le marché établi entre le ministère et Carlson depuis 1994, dans des conditions plus qu’étonnantes par la Dépafi en collaboration avec le ministère du Budget (Ndlr. celui alors de Nicolas Sarkozy), prévoyait le reversement des bénéfices de cet implant à l’administration centrale, dans des conditions encore plus étonnantes, » précise Jean Galli-Douani. « D’ailleurs le SCPC (Service central de Prévention de la corruption), entendu dans le cadre d’une enquête de la Gendarmerie nationale, déjà en 2001, y voyait des faits de corruption et de détournements de fonds publics à des fins personnelles, envisageant même une création de caisse noire, » poursuit-il. La question qui se pose toujours : la Comptabilité publique peut-elle fournir à l’Assemblée nationale et à la Cour des Comptes tous les éclaircissements relatifs au devenir de ces marchés, sur leur évolution, &c.
Jean Galli-Douani poursuit : « Carlson WagonLit rétrocède-t-elle encore aujourd’hui ses bénéfices ?», et à qui exactement, selon quels mécanismes ? Pour répondre, il serait opportun que les documents relatifs à ces marchés, tous organismes, sociétés publiques ou d’économie mixte, ministères confondus, soient rendus publics. Jean Galli-Douani vient de communiquer un ensemble de pièces à la commissaire européenne, Viviane Reding, et à la direction juridique de la commission de Bruxelles, dans le but d’alerter les instances européennes.
Selon lui, « la saisine des autorités judiciaires françaises serait plus délicate dans la mesure où le directeur de la Dépafi en 1994 est aujourd’hui le directeur-adjoint du cabinet de Michèle Alliot-Marie, Garde des Sceaux. ». Qu’en serait-il de plus si CWT avait passé des accords avec diverses administrations et directions « sensibles » : DCRI (Renseignement et sécurité du Territoire), LRBA (Laboratoire de Recherches balistiques et aérodynamiques) ou encore Airbus industrie-Eurocopter…
En clair : la confidentialité des déplacements des fonctionnaires et des cadres de certaines industries liées à l’armement, quand ils se rendent par exemple en mission à l’étranger (Arabie Saoudite, Émirats, Brésil…) est-elle strictement assurée ?
Ce n’est certes pas à Éric Besson que ces demandes d’éclaircissements doivent être adressées. Souhaitons que Mmes Lagarde et Alliot-Marie, MM Baroin et Hortefeux, soient moins irascibles que le ministre de l’Immigration quand il reçoit Nicolas Beau, de Bakchich, dans son ministère…
[b]Grand Robert[/b] :
« [i]Crime dont un fonctionnaire public se rend coupable en commettant certaines graves infractions aux devoirs de sa charge. | Cas de forfaiture. | Par ses malversations, ses prévarications, il s’est rendu coupable de forfaiture[/i]. »
« [i]Tout crime commis par un fonctionnaire public dans l’exercice de ses fonctions est une forfaiture. Toute forfaiture pour laquelle la loi ne prononce pas des peines plus graves est punie de la dégradation civique.[/i] »
N’exagérons rien… Si Éric Besson avait profité de largesses ou facilités, ce ne serait pas criminel… 😉
Code pén., art. 166 et 167.
De Michèle Alliot-Marie sur Canal+ :
Sur David Sénat :
« [i]Encore une fois, je n’en sais rien. Il est présumé innocent. Je n’en sais pas plus que vous [/i]».
Sur Alexandre Jevakhoff ???? :
« [i]J’ai eu un grand nombre de collaborateurs à qui je fais à priori confiance[/i]. »
Fantastique, Alliot-Marie ne sait pas ce qui se passe dans sa boutique et l’apprend par la presse ?
De Bakchich sur son site (.info) :
« [i]Or que constate-t-on en comparant le bon de commande de ce Paris-Naples, soi-disant à titre privé, avec celui d’un voyage officiel du ministre à New York, du 18 au 22 août, quand Éric Besson dut défendre la politique de la France à l’égard des Roms à l’ONU ? Ils sont identiques ! Même agence de réservation, même intitulé de réservation[/i] (« Déplacements-BDC-Ministre »), [i]même petite main du ministère qui prend la commande[/i]… »
On vous a déjà parlé de cette vidéo, mais elle a été détournée avec des sous-titres imaginaires en français :
{youtube}A_I99qsnAmI{/youtube}
Encore plus hilarant que l’original sous-titré en allemand…
Selon [i]La Croix[/i], sur [i]France 5[/i], « [i]Ségolène Royal a assuré dimanche qu’elle avait refusé d’utiliser lors de sa campagne présidentielle en 2007 un[/i] « pamphlet très violent » [url]fait par Eric Besson, alors dirigeant socialiste, contre le candidat Nicolas Sarkozy, car [/url] »les Français méritaient autre chose ». Euh, truqueur, par exemple, total fortuit, c’est très violent ???
Salut Jef Tombeur, et encore merci pour ton travail remarquable.
Juste une petite question : les sommes sur le relevé sont classées selon un ordre décroissant, alors que mes banques les présente généralement de manière chronologique.
Pour moi, cela constitue une curiosité, peut-être un détail sans intérêt. Quelle est cette banque ?
Ce que, dans cette affaire comme dans d’autres, les Françaises et les Français ne comprennent pas trop bien, c’est le fonctionnement de la justice et de la police.
Comment se fait-il qu’une plainte soit déposée pour que, alors qu’il y a des faits troublants, il y ait ou non enquête de police et ultérieurement action judiciaire.
Vous l’avez constaté dans les affaires boursières : les faits sont sur la place publique, tout le monde est au courant, mais police et justice attendent qu’un petit actionnaire se mobilise et porte plainte. De même pour les affaires municipales et autres. La presse en parle et rien… Quand un citoyen se porte partie civile, si, et seulement si un citoyen ou une association porte l’affaire devant la justice, police et justice entrent en action.
On comparera avec l’affaire Sarkozy/Bruni/Dati et les supposées incartades conjugales du couple Sarkozy-Bruni, et une multitude d’autres affaires rapportées par Le Canard enchaîné et d’autres titres de presse. Dans le Woerthgate, on a attendu la plainte de F. Meyers-Bettencourt alors que « tout le monde » savait de longue date. Un peu comme pour l’affaire Madoff : c’est à présent qu’on se rend compte que des alertes bien antérieures à l’action judiciaire avaient été multipliées. Attendait-on que certains intéressés aient récupéré l’essentiel de leurs billes ? La question peut être posée.
Petit rappel, dû à Claude Mathon, magistrat (SCPC), sur son blogue, de l'[i]ORDONNANCE SUR LA RÉFORME DU ROYAUME PRISE PAR PHILIPPE LE BEL LE 23 MARS 1302.
[/i]
« [i]Les sergents à cheval ne prendront que trois sous par jour, et les sergents à pied dix-huit deniers de monnaie courante, quand ils sortiront des villes, quelques ajournements qu’ils fassent pour différentes affaires et pour des personnes différentes. Et où la Coutume sera de donner moins, elle sera suivie.[/i] »
« [i]Qu’ils ne souffriront pas que l’on fasse aucun présent à leurs femmes, leurs enfants,
leurs frères, leurs neveux, leurs nièces, ni qu’on leur donne aucun bénéfice.[/i] »
« [i]Les sénéchaux et les baillis jureront qu’ils ne recevront des baillis inférieurs, des
vicomtes, etc., aucun gîtes, ni aucun repas…[/i] »
Bon, Carlson WagonLit n’existait pas à cette lointaine époque.
Merci Jeff pour cet article encore une fois du bon travail 😉
La vidéo ci-dessus est poilante ;D
Dom22
La question de la confidentialité de ces pièces a été posée au cabinet du ministre Éric Besson.
Voici donc sa réponse :
« [i]Nous avions demandé à [/i]Bakchich [i]de ne pas publier les éléments émanant du cabinet, car il n’a pas dû vous échapper qu’il s’agissait de documents confidentiels, notamment le relevé de compte bancaire privé du ministre.
Je ne crois pas extraordinaire de demander à un organe de presse ou de ne pas rendre public ce type de document particulièrement personnel et privé.
Cette demande valait pour[/i] Bakchich [i]autant que pour les médias papiers ou Internet.
Par ailleurs, Éric BESSON ne souhaite plus faire aucun commentaire concernant les fausses
informations et élucubrations du site[/i] « [i]Bakchich[/i] » [i]et de son rédacteur en chef[/i]. »
Le premier point est que nous constatons que l’interdiction n’avait été adressée qu’au seul titre [i]Bakchich[/i]. L’AFP, AP, Reutres, UPI et autres agences, qui avaient fait état des dénégations du ministre et de l’annonce de son intention de porter plainte, se seraient certainement fait un devoir de répercuter cette interdiction à l’ensemble de leurs abonnés.
Le second point est que nous respectons la vie privée du ministre, envers lequel nous ne sommes pas animés d’un sentiment particulier, en tout cas personnel, et qu’il est évident que nous avons pris soin de ne pas divulguer d’éléments confidentiels le concernant.
En tant que détenteur de la puissance publique, dépositaire de l’action publique, il peut en tout cas s’exprimer sur les marchés publics qui lient l’État à la société Carlson WagonLit. Tous les documents relatifs à ces marchés, qui ne sauraient être confidentiels, sont certainement à sa libre disposition pour les consulter. Si sa bonne foi, ce que nous lui accorderons volontiers, ne peut être mise en doute sur ce point, il peut fort bien, s’il le désire, comme tout citoyen, s’exprimer à ce sujet. Nul doute qu’il lui tiendra à cœur, pour lever toute ambiguïté, d’éclairer le magistrat qui sera chargé de l’instruction de sa plainte.