Grande Guerre : Des Allemandes et des Allemands ont payé !

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En pleine offensive propagandiste réactionnaire, il n’est pas anodin de remarquer qu’El Mundo, quotidien d’un pays dont le sol a le moins souffert de la Grande Guerre, consacre nonobstant une court article journalistiquement correct à la dernière échéance des « dommages de guerre » de l’Allemagne de 1914-1918.

La guerre idéologique est là, toujours présente, illustrée par les récents propos de Luc Ferry dans Valeurs actuelles, et par la glose des ex-nouveaux « philosophes ». Il m’est souvent reproché de ne pas énoncer clairement ce qui pourrait se concevoir aisément. Aisément ? « Mon cul ! », disait la Zazie de Queneau. Toutes celles et ceux qui dénoncent les atrocités de Staline se gardent bien d’exiger de la Russie actuelle le remboursement de « ses » dommages de guerre et de « ses » pillages de « ses » territoires occupés (Allemagne démocratique, Hongrie, Pologne, &c., et, oui, aussi, Roumanie…). Comprendra-t-on aisément pourquoi ? Cela coule-t-il de source ?

 

Près de chez moi, l’enseigne L’Équipement de la Pensée a été remplacée par Mona lisait®. Normal, Mona lisait® est une marque qui compte au moins un autre magasin parisien de livres soldés. Pour prémâcher la bouillie et favoriser la comprenette : chaque enseigne, celle des Halles et celle du quartier Saint-Denis de Paris se confortent l’une l’autre. Penser, c’est se trimbaler tout un barda. Choisir le sien, qui vous est propre, en ces temps d’offensive idéologique, n’est pas simple. La pensée en solde n’est pas pour autant si défraîchie.

 

On peut bien sûr endosser le barda prêt-à-porter d’un Luc Ferry. Il semble léger, car ses réflexions sont frappées du coin du bon sens (non, ce n’est pas celui des ânes à gauche du bureau de la maîtresse d’école ; c’est pire, c’est de l’emporte-pièce). Luc Ferry, c’est : « Staline est mort mais les communistes [Ndlr. –socialistes et autres « centristes » qui ne sont pas de son bord inclus] doivent continuer de payer. ». Bien caricaturé ainsi, vous pigez ? Elle est bonne, ma réclame, ma propagande, mon rata ? C’est bien digeste, cela glisse correct, politiquement correct ?

 

Digression total hors-sujet (bien sûr, bien sûr…) : exemple à ne pas citer dans ce qui n’est plus une dissertation de baccalauréat, mais une régurgitation de la pensée unique, l’article de Sylvain Cypel dans Le Monde intitulé « L’expresso, nouveau baromètre social américain ». Sa conclusion : « la preuve par le jus que la crise a durement frappé les classes moyennes quand certains, mieux assis, ne l’ont même pas vue passer. ». Entre le jus de chaussettes et les bandes molletières des Poilus et de ceux d’« en face », quel rapport ? (3,)14(1)18. Arrondi à la louche. Kabbalistique, non ? Pipi de jus de crâne, plutôt… Mais les mictions de Ferry, c’est vous qui les buvez.

 

De la Première Guerre mondiale et de l’Espagne, les Françaises et les Français n’ont retenu que la grippe « espagnole ». C’est fait pour, c’est pédagogique, c’est du Luc Ferry ou du Bernard-Henri Lévy pour les Nuls et les enfants des écoles. Cela dispense de lire Jean-Marc Delaunay et son Espagne et la Grande Guerre : la neutralité, l’ibéro-américanisme, la colonisation au Maroc, « tous ces facteurs ne favorisèrent, en fait, qu’un cercle réduit d’industriels, de négociants et de financiers… ». Pourtant, l’Espagne perdit 65 unités navales par torpillages, mais elle fut écartée du processus de « paix » : « les navires des nations vaincues, réfugiés dans les ports espagnols, furent partagés entre les vainqueurs. ».

 

L’Allemagne paiera ! Elle a payé. Quelle(s) Allemagne(s) ? Celle qui boit des Nespresso ? Celle qui boit du jus de chaussettes ? La Wessie ? L’Ostie ? (non, pas la rondelle de pain azyme, c’est ici un np. m., sans H, pas une « mussolinienne » non plus). Tous les dommages de guerre ont été remboursés par l’Allemagne (à qui au juste ? aux buveuses de Nespresso ? aux buveurs de jus de chaussettes ?), au terme d’un ultime versement de cent millions d’euros : « les détenteurs des dernières obligations en lien avec les réparations exigées par les alliés toucheront 100 millions d’euros de capital et 1,5 million d’intérêts. » (La Tribune). Qui sont au juste ces détenteurs ? Les sans-logis de 14-18 mutilés ou morts au front sans laisser d’héritiers ? Les détenteurs de portefeuilles ayant racheté des obligations (les bien nommées) aux ruinés et démunis ?

 

Louis Lucien Klotz avait déclaré : « les contribuables n’ont pas à s’inquiéter, l’Allemagne paiera. ». Ce sont des Allemandes et des Allemands qui ont payé. Pas « l’Allemagne ». Tout ce qui précède n’est pas faux, juste « un peu » réducteur. Le raccourci vous a plu ?

 

Un Luc Ferry, un BHL, procèdent de la même manière. Du bien condensé, comme le lait américain des lendemains de la Libération, du clair, de l’aisément conçu.

 

L’Imprécateur (surnom de René-Victor Pilhes, auteur du roman homonyme) décrivait une entreprise dont les fondations se fissuraient. La Vieille Taupe (The Black Dwarf, le nain noir, publication de Tariq Ali, non, pas un islamiste, non plus) désigne parfois les trotskards, les sapeurs du « Vieux Monde ». Je viens de voir que la librairie parisienne homonyme est désormais classée d’inspiration « ultra-gauche » par Wikepedia. Luc Ferry a marqué un point. N’empêche, les fondations s’affaissent un peu, non ? Comme cela tombe bien : selon les néoconservateurs, l’islam tout entier n’aurait que ce cri : « la chrétienté, l’Occident paiera ! ». Pour le moment, ce sont surtout les Yéménites, les Pakistanais, les Palestiniens d’Arabie saoudite et des Émirats qui règlent la note.

 

Rien compris ?

À la prochaine… Sauf qu’on y est un peu déjà.

 

P.-S. – qui voudra s’intéressera à la réception du film Des Hommes et des Dieux (les sept moines de Tibérine et ? et ?). Réflexion d’une correspondante d’un pays ayant « payé » un(e) très lourd tribu(t) (en particulier sa « communauté ») à l’occupation soviétique : « avec les musulmans, on va peut-être mieux comprendre ce que les natifs des territoires “envahis” par les missionnaires chrétiens ont dû ressentir et nous rendre compte que “what goes around, comes around”… ». Comprend qui veut ou comprend qui peut, comme le chantait Boby Lapointe. Ne pas placer dans une « dissertation » du bac’ sur l’Allemagne et les dommages de guerre : total hors-sujet, points en moins. La suite, Hitler, Nasser… Le critique de Valeurs actuelles n’a pas vraiment goûté le film, Arouet le Jeune non plus. Arouet Jr est un peu plus subtil que Luc Ferry, merci à lui…

Auteur/autrice : Jef Tombeur

Longtemps "jack of all trades", toujours grand voyageur. Réside principalement à Paris (Xe), fréquemment ailleurs (à présent, en Europe seulement). A pratiqué le journalisme plus de sept lustres (toutes périodicités, tous postes en presse écrite), la traduction (ang.>fr. ; presse, littérature, docs techs), le transport routier (intl. et France), l'enseignement (typo, PAO, journalisme)... Congru en typo, féru d'orthotypographie. Blague favorite : – et on t'a dit que c'était drôle ? Eh bien, on t'aura menti !

3 réflexions sur « Grande Guerre : Des Allemandes et des Allemands ont payé ! »

  1. C’est chouette, le « nouveau-nouveau » journalisme Ouaibe-tou-ziro. Un article bien senti, plus une ch’tite vidéo et on a tout compris. C’est le schmilblitz-krieg.

  2. PostHeaderIcon Complicités et financements soviéto-nazis (P. de Villemarest)
    [url]http://www.scriptoblog.com/index.php?option=com_content&view=article&id=379:complicites-et-financements-sovieto-nazis&catid=49:geopolitique&Itemid=55[/url]
    peut de gens save se qu’ils c’est reelement passe
    sauve des personnes au contact ou ayant fait des recherche poussées au risque de leur vie telle mr de villemarest
    marsoin

  3. C’est un beau cadeau a se faire pour ses vingt ans : essuyer toutes ses dettes !
    Quant aux dettes des Russes, il faut pas rever ! Les Allemands ont eu besoin de 92 ans. Les Russes ont besoin de devenir Allemands et ensuite on peut commencer le compte.
    Peine perdue, on ne vit pas si longtemps que ca…

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