Le Woerthgate, c’est comme une chanson populaire. Cela revient en premières pages des journaux et des hebdomadaires. Pas immédiatement, bien sûr. Dommage pour le Canard enchaîné, brûlé par Libération qui publie un entretien avec Claire Thibout, ex-comptable de Liliane Bettencourt. Édifiant. Cécilia Sarkozy, l’ex-Première dame, était aussi de la partie…

Le Luxembourg-pif du Canard enchaîné est certes bien vu, mais ce jour, si je n’avais que le prix de Libération en poche, c’est ce dernier titre que je choisirais. L’hebdomadaire circulant dans les rédactions le mardi soir a peut-être fait état de déclarations de Claire Thibout, l’ex-comptable de Liliane Bettencourt (et d’un certain de Maistre), mais ses propos recueillis par Violette Lazard, pour Libération, valent de s’y attarder. C’est intitulé « Des enveloppes et des hommes ». C’est postérieur aux mallettes de la République, moins garni, et le titre semble peu féministe puisqu’il semblerait que Cécilia Sarkozy (Ciganer-Albaniz) était aussi de la partie.
Il est aussi question de la nomination de Florence Woerth, l’épouse d’Éric Woerth, celui « à la tête d’honnête homme ». Bref, comme le titre Vincent Giret, c’est « Avalanche ». Courchevel déferle. Vincent Giret s’est peut-être un peu avancé en statuant que « nul n’a oublié que l’actuel président fut la victime principale d’une affaire crapoteuse… ». L’affaire crapoteuse, c’est peut-être Clearstream I et non II (à moins que… l’épisode II ait été monté ailleurs qu’on veut nous le faire croire).
J’en profite pour signaler au passage l’article circonstancié de Denis Robert, dans Le Monde diplomatique, intitulé « Ma victoire dans l’affaire Clearstream ». Denis Robert conclut : « des centaines de milliers de citoyens européens attendent, eux aussi, la suite. ». La suite du Woerthgate intéresse certes moins (de monde), mais on n’a pas fini d’entendre reparler des listings de Clearstream, et les condamnés en appel de Clearstream II se sont pourvus en cassation.

 

Immoralité
Vincent Giret dénonce très fort l’immoralité et « le niveau de corruption et la captation de l’État par des dirigeants publics et des intérêts privés. ».
Mais la corruption suppose le blanchiment. Tout est lié.
Ce n’est pas que « la plaie Bettencourt » que rouvre Claire Thibout. À Bordeaux, loin de Nanterre et du procureur Courroye. « Trafic d’influence, financement illicite de parti politique ou de campagne électorale… ».

De parti et de campagne électorale seulement ? Pas la moindre déperdition, pas la moindre évasion de fonds destinés principalement à un parti politique ?

Éric Woerth recevant, selon Claire Thibout, 50 000 euros de Patrice de Maistre, c’est bien peu. C’est combien de sacs Vuitton ou Hermès, 50 000 euros ? Une trentaine, une quarantaine, ou une soixantaine ? Tout dépend de la taille de la « mallette ». Cela couvre des frais de bouche, quelques voyages, un détour par Courchevel en allant ou revenant de Suisse.

Mettons que Pierre Messmer, autres temps, autres mœurs, ait été plus fiable pour le RPR que d’autres pour d’autres formations. François Léotard ou Renaud Donnedieu de Vabres, on ne sait.
Claire Thibout assista aussi à la ou aux visites de Nicolas Sarkozy et de son épouse, Cécilia. Cette dernière, qui choye les Françaises et Français des États-Unis, sera-t-elle aussi bavarde que d’autres ex-épouses de très proches du président ? Florence Woerth, dont l’embauche aurait été faite derrière le dos d’André Bettencourt et sans doute de Liliane Bettencourt, va-t-elle rester coite ?
Ou déjà tenter de prendre langue avec, par exemple, Anne Sinclair, histoire de préserver l’avenir, un avenir qui, en cette fin de règne, ne semble guère propice ?

Pressions
Les enquêteurs qui ont traité Claire Thibout « comme une accusée » vont-ils aussi retourner leur veste et donc évoquer ces « gens très hauts placés » qui « étaient à la manœuvre » ?
Eh, peut-être convient-il de faire patte blanche en prévision.

Claude Guéant veut « faire confiance à la justice ». Oui, mais laquelle ?
Celle qui a obtenu toutes les promotions désirées ou celle qui a été moins bien servie ?
Dans ce qui n’est pas du tout une autre affaire, Daniel Schneidermann évoque d’autres types de pressions. «  Le sujet du jour, c’est qu’un contrôle fiscal de Takieddine, d’après le dernier PV des déclarations de l’ex-madame Takieddine publié le jour même par Mediapart, ait été annulé “à la demande d’une autorité supérieure”. Si Ferrari était journaliste, c’est sur cette actualité du jour, qu’il faudrait interroger l’ancien ministre du Budget Copé : “étiez-vous au courant de l’interruption de ce contrôle fiscal de Takieddine ?” ».

Il est bien Guéant. Interrogé sur la manière dont Brice Hortefeux apprend ce que l’épouse de Thierry Gaubert a pu raconter aux enquêteurs, il dit ne rien savoir : « l’instruction le dira ».
Que Guéant ne converse plus fréquemment avec Éric Woerth, on veut bien le croire. Mais avec Hortefeux, à d’autres, non ?

Dans la fange

Sud-Ouest rapporte « Affaire Bettencourt : une magistrate proche du pouvoir nommée à Bordeaux ». Il s’agirait de Martine Valdès-Boulouque. Elle est proposée par Michel Mercier, Garde des Sceaux, elle faisait dans l’immobilier, avec (Alexandre Jevakhoff et ?) Nicole Guedj, secrétaire d’État aux programmes immobiliers de la Justice. Elle fut promue par Rachida Dati. Rien sous Michèle Alliot-Marie ?

Les titres étrangers sont moins prudents que les français pour évoquer ces affaires.
« Thibout incastra Sarkozy » (Lettera43) ; "Bettancourt financio con 150 000 euros en negro » (ABC.es) ; avec des intertitres comme « la fange » ou « le mur de la police et des juges », &c. Pour 20 minutes, édition suisse, « La valse des enveloppes de billets confirmée ». Pas de conditionnel.

Bon, pour le moment, il n’y a que Geneviève de Fontenay à être arrêtée par les gendarmes (de Haute-Savoie, pour téléphoner au volant). Mais finalement, les gendarmes l’ont escortée à destination, à Gaillard. Elle est gaillarde, celle-là. Elle ne devait pas transporter de mallettes.
En revanche, l’ancien Premier ministre gabonnais, Jean Eyeghe Ndong, confirme que même Jean-Marie Le Pen aurait reçu des mallettes. Omar Bongo aurait confié avoir eu « quelques gentillesses avec le président de l’extrême-droite française (…) “ce monsieur, pourtant il est raciste, mais il n’empêche que je lui ai fait cette gentillesse des valises d’argent“ ».
Pour le moment, le Front national n’a pas encore réagi aux déclarations de Claire Thibout. Carl Lang, ex-FN, qui veut se présenter à la présidentielle, non plus.

C’est peut-être « parole contre parole », comme dans l’affaire Strauss-Kahn, mais l’opinion est plus ou moins faite. Enfin, beaucoup davantage que beaucoup moins. Vite un bébé de Carla Bruni pour passer à autre chose. Au fait, Éric Woerth, il sera convié avec madame au baptême ?

L’actualisation suit… en commentaires, ci-dessous…