Voyeurisme sur l’anorexie

L'artiste Yvonne Thein diffuse sur son site une série de photographie intitulée "Thirty two kilos" (32 kilos).

 

Ces photographies mettent en scène des mannequins particulièrement maigres dans un cadre qui se veut artistique.

L'exposition a de quoi choquer. Sur son site, l'artiste présente cette démarche comme une sensibilisation face à la réalité de l'anorexie, une sorte de réaction à une communauté pro-Ana qui défend les vertus de l'anorexie au profit du jeune public.

 

En France, la proposition de loi n°781 du 3 avril 2008 déposée par la député Boyer est en cours de discussion. Elle vise à réprimer certains comportements tendant à encourager l'anorexie. Le principe même du dépôt de cette proposition de loi montre bien le malaise face à une incitation à ce type de phénomène, en particulier auprès du jeune public. Ce n'est pas sans rappeler l'émoi face aux comportements de provocation au suicide.

 

L'exposition de la photographe a donc largement de quoi choquer. On peut se demander si le prétendu but de mise en exergue d'un phénomène est bien un but légitime qu'un artiste peut poursuivre. Où est la représentation ? Est-on encore dans le cadre artistique ? Ne s'agit-il pas plutôt d'une démarche engagée parmi tant d'autres ?

Et surtout, inconvénient du poids des images, est-on encore dans le débat quand on vous oppose des images-chocs ? La problématique de l'attrait des jeunes pour des comportements anorexiques ne devrait-elle pas faire l'objet de démarches d'information et de sensibilisation afin de montrer comment ce phénomène peut se développer ? Car le plus important dans cette histoire est de comprendre pourquoi des jeunes filles souhaitent maigrir et maigrir toujours plus. C'est-à-dire de comprendre pourquoi elles sont réceptives au modèle féminin véhiculé par des photographies montrant des mannequins très maigres.

En son temps, la légisaltion réprimant la provocation au suicide n'a pas résolu le problème sociologique fondamental du suicide. Elle a simplement voulu en limiter le phénomène. Aujourd'hui, on peut parfaitement, en allant chercher son train, avoir le malheur de croiser le regard d'un homme désespéré qui se jettera, deux secondes plus tard, sous les roues d'un train.

Un courant artistique s'est même développé aux Etats-Unis qui consiste à photographier la mise en scène de personnes s'étant donné la mort…

 

Bref, le rôle de l'artiste dans la société, la méthodologie même qui a été adoptée (montrer des images chocs plutôt qu'informer), tout ceci pose fondamentalement question.