Voyages : revenir aux Travelers cheques ?

Pour voyager, notamment à l’étranger, se procurer du numéraire, sans emporter trop de liquidités, la plupart des voyageurs se fient à leurs cartes de retrait ou de crédit (Visa, Master Card, Cirrus, &c.). Oui, mais… Du fait des fraudes généralisées et des mesures pour les contrer, on peut se retrouver bloqué dans une ville, et rater son train ou son vol. Faut-il en revenir aux bons vieux chèques de voyages, en usage depuis 1871 ? Oui, mais sous condition…

Un dicton napolitain veut que si on n’a pas été volé à Naples, c’est qu’on n’est pas allé à Naples. Je ne l’ai pas vérifié sur place, mais l’un de mes amis a constaté que les banques le prennent très au sérieux, et l’appliquent préventivement.

L’anecdote est authentique : ayant retiré de l’argent à Venise, un ami britannique a vu sa carte de crédit (une National Westminster), systématiquement refusée à Naples, tant par les terminaux des commerçants que par les distributeurs de billets. Ce n’est qu’à son retour qu’il a compris que sa banque, ou plutôt un organisme interbancaire, avait pris la mesure drastique et unilatérale, de bloquer sa carte, sans le moindre avertissement préalable.

 

Voyageant beaucoup, cet ami s’était accoutumé à trouver, à son retour, des lettres de sa banque lui demandant de rappeler d’urgence un numéro d’appel, pour fournir des précisions au sujet de l’utilisation de sa carte bancaire. Généralement, il revenait d’un ou de plusieurs pays de l’est européen, et avait fini par obtenir que le service considère qu’il fréquentait couramment ces destinations. À Naples, surprise, surprise : premier essai en DAB, premier refus, première tentative chez un hôtelier, second rejet, &c.

 

Dans divers pays, il arrive fréquemment qu’on ne s’inquiète pas trop du rejet de sa carte par le terminal d’un commerçant ou d’un hôtelier. Dans les localités un tant soit peu importante, un distributeur est souvent disponible à proximité. On met donc le dysfonctionnement sur le compte du terminal du fournisseur. Oui, mais…

 

L’une des causes les plus fréquentes du refus des transactions est la règle dite des « trente jours glissants ». Il s’agit de jours calendaires décomptés à partir d’une certaine date d’utilisation. Certaines cartes de retrait ou de crédit plafonnent le montant des retraits hebdomadaires (le plafond est variable, plus la carte est chère – Gold, Premier, &c. –, plus il est important) et appliquent aussi cette règle : si, au bout de sept ou trente jours « glissants », selon votre convention d’utilisation, vous avez dépassé un certain montant de retraits, la carte n’est plus utilisable. Elle le redevient, de manière automatique, selon des modalités assez claires, mais qui vont évidemment vous échapper avant de régler votre hôtelier, par exemple la veille au soir ou au matin de votre départ en avion…

 

Bien évidemment, si vous utilisez des compagnies aériennes « low cost », vous avez toutes les chances dans ce cas de rater votre avion et… de devoir réserver un autre vol. Oui, mais avec quoi au juste et quand ? D’où l’intérêt, pour les grands voyageurs, de se munir toujours d’une seconde carte. Ce qui implique évidemment des frais : deux fois une quarantaine d’euros par an pour les cartes les plus courantes et les moins chères.

 

La question de l’utilisation des cartes se complique avec la montée en puissance des fraudeurs. Ma carte bancaire s’est retrouvée bloquée à l’étranger. J’ai eu recours au retrait d’argent avec ma seconde carte, et heureusement, je n’avais pas dépassé mon plafond. De retour en France, il me fut aimablement expliqué que c’était en raison de mes pays de destination que la carte avait bloquée, mais que cela s’arrangerait sous deux jours. Effectuer divers retraits dans divers pays étrangers à des dates rapprochées est devenu très suspect. Or, quand vous passez, par exemple, en voiture, de Tchéquie à Slovaquie puis en Pologne ou Hongrie, puis Ukraine et Roumanie, à moins d’avoir trouvé à changer des devises, vous vous retrouvez souvent devoir retirer des devises, ne serait-ce que pour payer votre stationnement (bizarrement, dans certains pays, les préposés sont beaucoup plus présents que les « pervenches » à Paris…). Attention : danger… de blocage de carte !

 

En fait, l’affaire fut beaucoup moins simple. Ayant réglé un plein d’essence dans l’un de ses pays (ou peut-être un autre achat), j’aurais été victime d’une indélicatesse : la communication de mes données personnelles à on ne sait qui… Lequel était en relations avec des escrocs en Thaïlande qui ont aussitôt, dès réception, dupliqué mes données sur une carte bancaire falsifiée. Avec l’Internet, ce transfert va très, très vite, et dès le surlendemain, ma carte était durablement bloquée. Il m’a été conseillé de maintenir l’opposition automatiquement effectuée sur cette nouvelle carte, et d’en attendre une toute nouvelle : sous un délai d’une petite semaine (jours fériés décomptés, bien évidemment).

 

L’acceptation des cartes de crédits par les fournisseurs (commerçants, hôteliers), n’est déjà pas facilitée par la zone géographique dans laquelle vous pérégrinez et le type de carte que vous employez. Certaines sont plus « chargées » que d’autres, le fournisseur répugnant à accepter un paiement qui sera grevé d’une commission plus ou moins lourde. Pour les retraits, outre les commissions de change, diverses commissions (assorties de prélèvement de TVA selon les pays d’émission des cartes), vous sont facturées. Certaines banques, à succursales et agences multiples, comme par exemple HSBC, ne facturent rien… à condition d’utiliser leurs DAB, leurs guichets. Le choix d’une carte et d’une banque doit être soigneusement étudié en fonction de son réseau (certaines filiales de la Société générale, très présente dans le monde entier, fonctionnent de manière autonome : s’adresser à elles n’avantage en rien), de la fréquence de ses déplacements à l’étranger, de la criminalité ambiante des zones visitées (mieux vaut ne pas se munir de trop de devises, qu’elles se trouvent dans ses bagages ou sur soi, dans certaines villes ou pays, dans certains aéroports…).

 

Faut-il en revenir aux chèques de voyage. Oui, et… non. Ceux-ci ont bien des avantages, notamment celui d’être libellés dans les grandes devises internationales (USD, Euros, Yen…) et d’être, en cas de vol, tout de même honorés (selon certaines conditions). L’ennui, c’est que de moins en moins de commerçants et prestataires les acceptent, et qu’il vous faudra souvent, soit trouver une agence de l’émetteur (American Express est dominant, présent dans la plupart des capitales), soit une agence bancaire ouverte. Une commission par transaction est souvent demandée (de l’ordre de cinq euros par transaction : autant changer beaucoup à chaque fois). Tout comme la carte American Express, ou la Diners Club, ces chèques seront facilement acceptés dans les grands magasins, certains magasins de luxe des capitales, les grands restaurants, les très bons hôtels. En revanche, les produire (en garantie), dans certains petits hôtels, par exemple, peut faciliter les choses. On vous les acceptera peut-être en gage de caution d’un paiement différé.

 

En revanche, en cas de problème, les groupements émettant des cartes, comme ceux émettant des chèques de voyage, disposent de numéros d’appels pour tenter d’exposer sa situation. En dernier recours, cela peut être un argument de négociation avec le commerçant, l’hôtelier, voire une agence de voyages (du genre Thomas Cook, ou autre réseau vraiment international). Un conseil : prévenez votre banque quand vous partez à l’étranger. Cela ne vous permettra pas grand’ chose en fin de semaines ou les jours fériés, mais cela peut vous faciliter des négociations ultérieures.

 

Cela vous paraît incongru, pensant que « cela n’arrive qu’aux autres » ? Essayez de faire une recherche sur l’expression « carte de crédit bloquée », via un moteur. C’est assez instructif. Mieux vaut prévoir que guérir, et penser à diverses solutions de dépannage à l’avance. Parfois, disposer d’un compte PayPal (selon les pays visités), peut faciliter les choses. Bref, si l’aventure commence près de chez soi, songez qu’il en est de même beaucoup plus loin de votre domicile, et qu’une voyageuse ou un pérégrinant en vaut deux, à condition d’être averti, un peu prévoyant, et… réactif.

 

Auteur/autrice : Jef Tombeur

Longtemps "jack of all trades", toujours grand voyageur. Réside principalement à Paris (Xe), fréquemment ailleurs (à présent, en Europe seulement). A pratiqué le journalisme plus de sept lustres (toutes périodicités, tous postes en presse écrite), la traduction (ang.>fr. ; presse, littérature, docs techs), le transport routier (intl. et France), l'enseignement (typo, PAO, journalisme)... Congru en typo, féru d'orthotypographie. Blague favorite : – et on t'a dit que c'était drôle ? Eh bien, on t'aura menti !