Terminé le temps de la cueillette, de la chasse ou de la pêche. Les autres s’en occupent pour que je puisse me gaver de téléréalité, parler de mon attirance envers ma soeur à mon psy ou boire des verres dans le carré. La survie physique n’existe plus ces temps ci, à mon âge, et dans ce genre de civilisé pays. Elle fut remplacée par la survie mentale (qui n’est plus qu’une forme de loisir, en fait) et qui demande d’avoir des amis, une jolie copine et un statut social élevé qui me permet de les sortir au Queens ou de l’emmener au restaurant au moins deux fois par semaine. 

L’argent a remplacé le pain. Les temps changent, les moeurs passent. Et sur ce point, nous ne sommes pas (nés) dans la même barque. Il y a ce type qui passe à la télé et qui est le seul à avoir jamais gagné à Euromillion, la soeur d’une connaissance d’un oncle éloigné (cette femme est la même pour tout le monde) et qui reçoit 2000 euros par mois -merci WfL- en plus de son salaire, ou ces enfants stars déjà millionnaires. S’ensuivent les hommes politiques, les parieurs sportifs, la famille royale, la voix française de Pitt, et j’en passe. Enfin, il reste la classe moyenne, salariés ou ouvriers, en couple ou non, grands ou petits. Je parle des gens qui se plaignent du prix de l’essence, les plus influençables par la publicité, ceux qui suivent des cours de flûte "pour le plaisir". Ce sont eux (ou nous, plutôt) qui rêvent de devenir.

Et bien sachez que le secret réside dans les projets. La vision d’un soi meilleur, dans un endroit plus calme, avec un job qui lui plait, ou mieux, avec une liberté constante de mouvement, se construit d’un seul coup, si le projet en question tient la route et est minutieusement préparé. Ne nous voilons pas la face, jamais votre nom ni le mien n’apparaîtra dans le dictionnaire, vous ne serez pas célèbre et probablement que votre vie ne changera jamais. Cet article est terre à terre, ou réaliste, ou autre chose, mais il ne parle pas d’espoir. Il n’y a pas d’espoir à avoir lorsqu’on s’aperçoit que les jeunes humains ne veulent plus aller travailler. Ils veulent étudier à tout prix, dénicher un job d’été pour se fringuer à la mode de chez nous, et puis ils manifestent contre une société ingrate avec les mêmes arguments que leurs parents avant eux. En première année, ils veulent tous tenter l’université. En deuxième, ils ratent et se dirigent vers l’Art, et puis ils finissent cadre moyen, s’énervent dans les bouchons et regrettent de ne pas pouvoir tout recommencer. 

Bref, je m’égare. Ou pas tout à fait, puisque la conclusion reste identique. Peu importe la distance qui vous sépare du fond du trou, il faut parsemer sa vie d’ambitions à concrétiser. Par exemple, un ouvrier qui travaillait sur le chantier sept avec moi s’est tout d’un coup retiré de la boîte. Il a offert une bouteille de vin au patron, nous a vaguement expliqué son projet personnel (auquel, disons le bien, nous ne croyions point), puis s’en est allé. Cela fait deux ans déjà, et il n’est toujours pas revenu. Un divorce, un salaire de Q1 et un prêt de 150.000 euros, voilà ce qu’il avait. Il a acheté un terrain, a construit le plus qu’il pouvait dans sa maison, et l’a revendue deux fois plus. Ainsi aboutit son projet, et il en a d’autres du même ordre. Aujourd’hui, disons la vérité, il est riche, mais ce n’est pas ça qui le rend heureux. Et inutile de stipuler la raison, elle est assez claire. 

Nous somme tous comme lui, des rêves dans la tête, mais en général rien ne sort. Le risque? Aucune idée.
-"Hey, chérie, il faut qu’on parle. Cela fait plusieurs mois que j’y pense… Alors qu’en dis tu?… Oui, je vais le faire."