Martin Provost dans son dernier film fait renaître de ses cendres Violette Leduc en retraçant la période de sa vie qui la faisait basculer de l’ombre à la lumière, vers la moitié du vingtième siècle. Sans le remarquable flair de Simone de Beauvoir, Violette (Emmanuelle Devos) n’aurait sans doute jamais converti en prose toute cette souffrance existentielle qui était la sienne.
La romancière d’une grande authenticité puisait son inspiration dans son seul vécu où se mêlaient avortement, mariage raté, misère, solitude, aliénation…. Née d’une relation clandestine que sa mère (Catherine Hiegel) domestique avait eu avec le fils de maison, la « bâtarde » contractera un traumatisme dont elle ne guérira jamais.
Le rejet des hommes qui en découlera rendra encore plus complexes ses relations amoureuses. Les femmes quant à elles trouveront grâce à ses yeux : sa sulfureuse vie sera émaillée de ces passions interdites qui feront scandale, l‘ostracisant davantage. Autres temps, autres mœurs, on était en ce vingtième siècle bien loin des mentalités propres au mariage pour tous où certains tabous pouvaient s’avérer écrasants.
Econduite en amour, la romancière blessée semblait « s’asphyxier » et les mots, les phrases qu’elle couchait sur papier étaient souvent saisissants, de toute beauté : « j’ai peur de mourir, je suis navrée d’être au monde. Je n’ai pas travaillé, je n’ai pas étudié. J’ai pleuré, j’ai crié. Les larmes et les cris m’ont pris beaucoup de temps ». « Le passé ne nourrit pas, je m’en irai comme je suis venue. Intacte, chargée de mes défauts qui m’ont torturée, j’aurais voulu naître statue, je suis limace sous fumier ». « Je suis un désert qui monologue » . « Ma mère ne m’a jamais donné la main » .
L’artiste avant-gardiste qui abolira par ses écrits tant de tabous trouvera en définitive sa véritable planche de salut à travers la reconnaissance que lui confèrera son écriture. Martin Provost filme avec finesse cette évolution du personnage vers une forme de renaissance.
La nature parfumée toute emplie de musique est omniprésente dans le film : des arbres au port altier, espacés, dépouillés de leurs feuilles que le soleil du midi se plaît à irradier d’une lumière diaphane. Même sous la tempête, le paysage à travers le regard de Violette est somptueux comme une ode à la vie.
Un beau film avec d’excellents interprètes parmi lesquels Sandrine Kiberlain et Emmanuelle Devos. L’envie de découvrir ou de redécouvrir « la bâtarde » , « l’asphyxie« , « les ravages » ou que sais-je après ces magnifiques bribes de textes portées à l’écran par la voix off de Violette est inévitable. Rien que pour ça, le film mérite le déplacement…
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[quote]« Sans le remarquable flair de Simone de Beauvoir » [/quote]la spécialiste entre toutes du reniflage …
Reniflage ou pas, Zelectron :-), j’avais adoré « Séraphine » ! Je n’ai pas encore vu « Violette »!