Franchement, qui se souvient que le narrateur du film Paris Secret était Romain Bouteille ?
Et qui se souvient de ce nanard ? Moi, en particulier…

C'est bien parce que j'ai déjà placé l'image dans le répertoire de C4N, car elle illustre un autre article, consacré au vrombruissage® (buzz), que je vous reparle ici de ce navet. Autant qu'elle serve deux fois. Quoique, un navet, quand il s'agit de Super Vixen, par exemple, ou d'un Mon nom est personne, ou de Malicia (vous pouvez en citer d'autres en commentaire), c'est un document d'époque bien plus important que ce qu'on peut voir habituellement en cinémathèque. Je vous entretenais je ne sais plus quand du grand critique de cinéma Jean-Louis Bory qui se gaussait des grandes vadrouilleries (au sujet du film de Tati dont l'affiche s'est vue amputée d'une pipe à la Magritte, mais en plus droite, et c'est vous dire à quel point on peut se réfugier dans son passé, suivre les actualités, et faire du vrombruissage™ en mentionnant un fait-divers pas trop archi-usé déjà). La Grande Vadrouille n'en marque pas moins son époque.

Paris Secret aussi. Regardez bien l'affiche. Soit il s'agit d'une affiche de premier tirage et c'est pourquoi la mention « interdit aux moins de… » n'y figure pas, histoire de ne pas avoir à retoucher si l'interdiction venait à être levée. Soit le film n'a pas été interdit aux mineurs de moins de seize ou dix-huit ans.
C'est un film de 1964.
Une raffarinade, au passage ?
1968 a été précédé par 1964.
C'est une année où les beatniks, dont je suis, ne sont pas toutes et tous devenues des hippies. Mais les thèmes de l'amour libre et les délires raëliens sont déjà diffus, et diffusés. On n'a pas encore les pavés, mais on a déjà la plage. Le Club Med', qui remonte à 1950, devient l'endroit où il fait bon flirter, à Palma, en particulier.
Et ce film, catalogué « érotique », n'est pas vraiment un film licencieux. Étienne Logereau a trouvé le prétexte du documentaire bidonné (que la télévision recréera bien plus tard, en faisant jouer des scènes plus ou moins réelles par des comédiennes et des acteurs recréant un fait-divers tout à fait réel). Certaines scènes sont vraiment prises sur le vif, et les adorateurs du nombril, secte inoffensive qui ne fait pas tourner des tables mais imagine que la contemplation de ce qui reste de l'ombilic permet de remonter le temps jusqu'au mythe de l'Éden (à l'est, sans doute), eh bien, ils ont vraiment existé. En revanche, si vous croyez vraiment que tous les naturistes ou nudistes ou amatrices et amateurs de druidisme plus ou moins dévêtu sont comme sur l'affiche, vous vous abusez.
Certaines scènes ont été recrées.

 Séquence nostalgie…

Cette rubrique des Oldies but Goldies n'est pas faite pour vous y déverser mes souvenirs mais pour vous inciter à vous remémorer des vedettes du grand écran, des films, qui vous disent encore quelque chose, qui vous ont marqué et marquées. Par ricochet, ce film m'a vraiment marqué. J'ai dû le voir à sa sortie. Je ne me souvenais pas que Romain Bouteille en était la voix, le narrateur. CityVox résume : « La camera se promène dans des endroits baroques, avec des personnages et des coutumes insolites : monstres de Bouglione, championnats réels de catch, clochards, prostituées, cabarets d'homosexuels… ».
Vous croyez vraiment que c'est en raison des personnages du cirque Bouglione que les salles se remplissaient ? Si c'était le cas, le livre de photos de Rodolphe Trouilleux et Jacques Lebar (pour les éds Parisgramme), serait beauoup mieux vendu. Et on trouverait une Carla Bruni dénudée au Bois de Boulogne ou de Vincennes (elle, ou une autre, moins fortunée ou encore plus en mal de notoriété, à ses tout débuts). En 1964, Brigitte Bardot est encore sulfureuse.
En 1994, Malicia, film de Salvatore Samperi, après quand même quelques Fellini ou Pasolini, est le premier film que le boucher-charcutier et sa bourgeoise, l'étudiant boutonneux, la jeune goudou acnéïque, et un peu tout le monde, peuvent aller voir sans se cacher, en longeant les murs, pour rejoindre Le Beverly, ou plutôt Le Bikini comme cette salle s'intitulait alors. Ce rescapé d'une autre époque abrite de nos jours des soirées poétiques (de lectures de poésie érotique).
Entre 1964 et 1994 se situe, je vous le raffarine en un mot comme en cent, 1968.
Et en 1969, à la fac de droit de Nantes, dans les préfabs, il y a travaux pratiques. Tout au fond de la salle, il y a une jeune femme dont j'ai oublié le nom qui vient d'avoir un enfant et on parle de Piaget. Et le chargé de TD, un grand brun en cravate et costume noirs et chemise blanche tente de nous intéresser à la personnalité juridique. Question, « le corps fait-il partie intégrante de la personnalité juridique au même titre que le nom De France ou de France ? ». Et tout à coup, il nous sort le cas de la jeune starlette de Paris Secret. Elle a 17 ans lors du tournage, et on vient de lui prélever le petit bout de peau qu'elle avait dans la région des lombes et on le vend aux enchères lors de la soirée de lancement du film (le vernissage, avec des critiques éméchés, des écornifleuses, et un peu de beau linge pour créer des opportunités photographiques). J'éclate presque de rire, je pouffe. Le chargé de TD le remarque et en fait part aux autres et toutes et tous mes condisciples se retournent vers nous, interloquées. Je n'ai plus jamais fréquenté une fac où tant de gens pouvaient discuter gravement d'une telle scène sans au moins en sourire.


Et vous, Paris Secret ? Cela vous évoque Sheily « parisienne trentenaire et superficielle, qui chronique avec humour et naïveté ses premières fois (et les suivantes), car la vie est une addition de premières fois » ou quoi ou qui ? Le Blogue-Notes de Sheily, promeneuse et photographe, s'intitule ainsi.
Votre Paris secret ?
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