C’est peut-être pour vous les vacances, mais moi, des vacances, je n’en vois que les devoirs – telle la poursuite de la mise au point d’un Guide de la Petite Russie en Île-de-France et une conférence sur la typographie  – et je trouve donc normal que les Vieilles Gloires vous en proposent un, de devoir. Qui donc est le type à moustache sur la photo avec la célèbre… Euh, non, justement, là, il vous est demandé de trouver le nom de cette célèbre actrice qui donna tant la réplique à Charlie Chaplin, enfin, à sir Charles Spencer, knight of the British Empire…

Vous, vous êtes vraiment en vacances. Alors, vous pouvez bien vous abstraire de faire la cuisine pour toute la famille, de préparer les tenues de bain et les seaux à sable pour toute la marmaille, de préparer les lits pour les Dugommier qui vous font le plaisir de débarquer à l’improviste, et de remplir les caddies pour ces messieurs qui sont à la pêche ou ces dames partie en commando lèche-vitrines. Vous avez donc le temps de nous donner en commentaire(s) le nom de la charmante personne aux lèvres peintes qui agrémente sa villégiature par la visite d’un moustachu. C’était dans… Non, je ne vais quand même pas vous mettre sur la voie.
 
charlot_un.pngOr donc,  Sir Charles Spencer, papa de Géraldine Leigh Chaplin et époux de sa maman, Oona O’Neill, Lady Chaplin († 1991). La maman de Géraldine n’était point encore majeure, en juin 1943, et Sir Charles avait 36 printemps de plus qu’elle. Donc, papa O’Neill, le prix Nobel et Pulitzer, s’était fâché tout rouge.C’était une vraie héroïne et aventurière Oona. La preuve : quand Charlot est suspecté de sympathies communistes, il est banni des États-Unis. Oona, fin 1952, prépare l’installation de la famille (ils ont déjà quatre enfants sur les huit qu’ils feront) en Suisse et subrepticement ou presque, tandis que le F.B.I. fait mijoter les domestiques et l’entourage californien, elle vide tous les comptes étasuniens. Son vison s’alourdit de billets de mille dollars cousus à la doublure. Et rentre à Vevey. Et renonce à sa citoyenneté étasunienne.
 
La descendance des Chaplin semble bien assurée artistiquement par Kiera Sunshine Chaplin (née en juillet 1982), mais on ne trouve guère de successeurs à Charlot. Quoique. Certains « Charlots » de l’époque du muet étaient-ils vraiment plus subtils que Borat ou Bruno ? Oui, sans doute, car on devait se méfier de la censure (tenez, plus tard, Cyd Charisse dira que, sur ses plateaux, les censeurs se juchaient sur des escabeaux pour voir, lors des portés de Gene, par exemple, si elle était bien vêtue décemment). Et puis, même si certains laissent à désirer, sur 83 films, on peut avoir un peu de semi-déchet, non ?
 
Revenons à notre donzelle. Serait-ce cette pionnière du cinéma, Mabel Normand, scénariste, réalisatrice et actrice, à laquelle, finalement, nous devons beaucoup de la carrière de Charlot ? Ou Alice Davenport ? Minta Durfee ? Olga Edna Purviance ?
 
Allez, bon courage, il y a environ 161 000 images sur Google pour « Charlot » (et désormais celle qui accompagne le corps de ce texte). Au fait, quel est le nom du film ?
Vous l’avez trouvé ?
Ainsi soit-il…
(chanson de Louis Chedid).

D’ailleurs, c’est pour elle que Chedid a composé ces fortes paroles :

 
Comme il est dit dans l’scénario
Gros plan de toi dans ton berceau
Comme il est précisé dans le script
Lumière tamisée flou artistique

Ainsi soit-il
Tel est le nom du film

Sur la bande son les cloches qui sonnent
Fondu enchaîné sur la cour d’une école
Un lièvre une tortue ou trois mousquetaires
Et plus tard
Les Fleurs Du Mal de Charles Baudelaire

Ainsi soit-il
Tel est le nom du film

Autre séquence autre scène
Oui champ contre champ gros plan sur elle
T’as raison y a qu’lamour qui vaille la peine
Demande à l’éclairagiste qu’il éteigne

 
Ou pour une autre… Plutôt une autre.

Ce sera la question subsidiaire pour départager les gagnantes et les nominés.
Pour quelle actrice Louis Chedid a-t-il fait sa chanson Ainsi soit-il… ?

Par actrice, entendez aussi une vedette de kinflicks, de vidéos familiales.
Bref, je ne vous met pas sur la voie.
Et je ne mets pas à votre place : Quand quelqu’un s’en va un autre prend sa place… Ainsi soit-il.
 
Cela étant, cette rubrique des Vieilles Gloires dorées vise à vous faire vous remémorer des films, des actrices et acteurs, des personnages, des anecdotes, des eskimaus-choco-glassés qui tombent sur la barboteuse ou la cravate, &c.
 
C’est en voyant les films de Chaplin beaucoup plus tard, bien après les séances du patronage de Saint-Joseph ou Saint-Maurice ou Saint-Serge (paroisses ou écoles angevines), qu’on s’aperçoit que le burlesque n’était qu’un des aspects. Charlot n’a pas fait que des films comiques, ou du moins, burlesques à la Laurel et Hardy et consorts, même bien avant. En plus, dans Her Friend the Bandit, je serais bien en peine de vous dire ce qui se passait entre lui et Mabel (Normand) et le comte de Beans (Charles Murray, seigneur des pois chiches).  C’est le seul film perdu de Chaplin.
 
Au patro, les sièges en bois claquaient, on hurlait, trépignait les jeudis après-midi. On voyait un Charlot. Parce que, après Pour gagner sa vie (1914), tous les titres français de films avec – ou, inclusif, de – Charlot ont eu un titre débutant par « Charlot ». ou avec du Charlot dedans. Mais avec des exceptions pour L’Émigrant ou Le Vagabond avant 1918. Les titres originaux sont peu en rapport (sauf pour The Tramp et The Immigrant, évidemment) avec les intitulés aux pancartes en français. Eh oui, parfois, entre deux prises, apparaît un carton. Et dans les salles de province, on passe un disque au phonographe pour se substituer aux pianos des grandes salles.
 
Saviez-vous que L’Opinion publique est le titre français de A Woman of Paris ?  Et que le titre américain de Monsieur Verdoux est… Monsieur Verdoux ? Der Frauenmörder von Paris, aussi connu comme Der Heiratsschwindler von Paris, ou Ritari Siniparta, ou O Barba Azul, est un cas d’école de traductologie.

C’est aussi un tournant dans la carrière de Chaplin et les affiches proclament : Chaplin changes! Can You? Hysterical Laughter! Haunting Romance! Schocking Drama! The story of a Modern French Bluebeard.

 
Ah bon, il est de Barbe Bleue autre que français ?  Il y aurait un autre Gilles de Rais ?
Le « Barbe bleu de Gambais » (localité proche de Rambouillet), a sa plaque proche de son ancien appartement parisien, face à l’avenue Trudaine, proche de Barbès.
 
Monsieur Verdoux, c’est Landru, et Chaplin considérera qu’il s’agit – alors – du film « le plus intelligent et le plus brillant » de toute sa carrière d’acteur et de réalisateur. Il paiera 5 000 dollars à Orson Welles, qui pensait tourner le sujet, pour faire ce film. Nous sommes en 1941. Mais il prend quatre ans pour débuter le tournage. Chaplin dit s’être inspiré de Landru, mais aussi de Thomas Wainwright. C’est peut-être Wainwright qui lui inspire les répliques au sujet des meurtres massifs que sont les guerres – que le doyen des vétérans britanniques, décédé à 113 ans, considérait pour tels, des crimes fomentés par des politiciens et industriels – et les conflits armés. « Avec des millions de meurtres, on est un héros, » dit Monsieur Verdoux. Le Breen Office, la censure interne d’Hollywood, condamnera le film. Mais concédera la diffusion… après que toutes les scènes suggérant qu’un mari puisse partager le lit de sa femme ou qu’une femme puisse être une gourgandine aient été coupées pour le montage étasunien.
 

Roger Florey assiste Chaplin en toutes circonstances et c’est peut-être lui qui le convaincra de se laisser pousser, pour la première fois, une vraie moustache.

Le film ne sort à New York qu’en 1947 et lors de la conférence de presse, les journalistes ne lui parlent que de ses opinions politiques. Cela le dissuadera de demander la nationalité américaine. Seul le critique James Agee défent fièvreusement le film, l’un des « meilleurs jamais réalisés ». Agee dira à propos du film et du traitement « à la Julien Coupat » ou presque qui est réservé à Chaplin, et que Chaplin évitera en s’enfuyant, qu’il croyait que si « une démocratie ne peut supporter toute forme de virulence, ce n’est plus une démocratie ». En 1947, la « démocratie » étasunienne fabriquait de la virulence, l’inventait au besoin, et générait des exemples de damnés pour décourager toute opposition, toute critique.

Allez, encore un petit jeu ou encore un petit Le Gendarme au Cap Nègre pour vous distraire ?

Que tout cela ne vous dissipe pas dans vos recherches : quelle est l’actrice, et quel est le nom du film ?