Viandes avariées : le prêt à manger Flunch

Nous le signalions sans la moindre arrière-pensée dans notre « Avis consommateur » d’hier (sur le prix du sandwich jambon-beurre) : le plat du jour du 28 février vanté sur le site Flunch, c’était des boulettes (pas à la viande de cheval). Idem ce jour, alors que, selon Le Parisien, depuis fin 2012, la chaîne aux 200 restaurants self-service est sous le coup d’une enquête portant sur une affaire de viandes avariées remontant à décembre 2008.

Quand la viande est avariée, on ne réagit guère chez Flunch ; quand cela finit par se savoir, non plus.

Conserver ce jour, sur le site de Flunch, alors que le scandale de la viande de cheval perdure (car c’est loin d’être fini), une magnifique photo retouchée de boulettes de viande, ce n’est guère faire preuve d’une prompte réactivité.

Le consommateur aura tôt fait cette fois d’établir une relation qui, pour être sans doute (aucun ?) parfaitement injustifiée, lui laissera imaginer que les boulettes de viande de cheval retirées des rayons a été recyclée chez Flunch. Évidemment, ce n’est pas le cas. Pour de multiples raisons de faisabilité.

Comme au plus fort du scandale de la viande de cheval, on nous assure à présent qu’il n’y a pas lieu de s’inquiéter pour sa santé. La viande avariée (au besoin « rafraîchie ») n’est pas forcément toxique mais elle peut éventuellement provoquer des nausées et des allergies qui se traitent bien.

Déjà, en 2007, alors que l’affaire de Covi dans le Choletais impliquait déjà Arcadie Sud-Ouest (et Lur Berri), Le Parisien pointait du doigt la Sorovisa, de Saint-Sulpice-de-Royan (Charente-Maritime), qui importait de Pologne et Allemagne des viandes de second ou troisième choix. Déjà, des viandes d’origines différentes finissaient dans les mêmes lots et la gendarmerie constatait la présence de viandes noires et nauséabondes. C’était un salarié qui avait donné l’alerte.

Dans le cas de Flunch, c’est un ancien directeur qualité de Castel Viandes, de Chateaubriand en Loire-Atlantique, qui avait tenté de faire retirer des lots impropres à la commercialisation. Il fut licencié fin décembre 2008 après avoir découvert des lots de viandes qui avaient fait l’objet d’une opération de remballe un an auparavant. 

Les lots avaient été dans un premier temps fourgués à Auchan, qui les a retournés : Auchan ne confirme pas. Puis Flunch est preneur, mais constate des intoxications de clients et retourne à l’expéditeur : Flunch ne confirme pas. Au lieu de détruire ces lots, Castel Viandes les remet dans ses frigorifiques ou congélateurs.

Chez Castel Viandes, tout est réfuté, comme chez Sorovisa à l’époque. « Tout est faux », indique Véronique Viol-Lévesques pour le groupe. Cela ne peut être exclu.

Mais le 12 février dernier, des perquisitions étaient menées chez Castel Viandes, dans les bureaux de la direction départementale des services vétérinaires à Nantes, et chez l’inspecteur chargé des contrôles pour la zone de Chateaubriand.

Sulfite de soude ou acides pour l’étal, épices et sauces pour les préparations, retards d’expéditions chez Chronoviande (via Groupon), avec des colis livrés périmés depuis deux-trois jours, et on se souvient de l’affaire Buffalo Grill en 2004 : toutes les affaires qui se suivent ne se ressemblent pas tout à fait, mais cela commence à faire beaucoup trop.

Récemment, sur Rue89, un ancien intérimaire témoignait. Le minerai de viande(s), composé de bas morceaux est décongelé en barattes, à l’eau bouillante, puis brassé avec adjonction, en trois malaxages, de graisse, plèvre, cartilages, collagènes. La purée est ensuite tassée puis stockée en palettes de 70 caisses de dix kilos. Ensuite, le parcours commence.
Pour de la viande manifestement avariée, on fait la part du feu, mais dans l’usine en question, il fallait en sauver au moins 40 %. Croyez-vous qu’après ce témoignage, les autorités sanitaires aient à tout prix voulu contacter l’auteur ?

On fait trois-quatre constats : des salariés ou ex-salariés qui n’osent pas parler ; des consommateurs qui, parfois, tentent d’obtenir des compensations (voire exercent un quasi-chantage) ; des autorités sanitaires qui n’ont plus les moyens de vraiment contrôler ; des affaires depuis des lustres à l’instruction… Et puis, de temps en temps, un scandale, vite oublié.

Et puis, hormis dans le cas de la chaîne Roumanie-Draap-Spanghero-Comigel et des contrôles faits tout d’abord en Irlande, chaque cas reste isolé, à une région, un pays. Les petites affaires sont ou non révélées par la presse régionale, les plus importantes restent confinées au pays touché.

En novembre 2006, c’était un entrepôt de Bezons (Val d’Oise), reconditionnant des viandes, qui était perquisitionné. Les viandes (30 tonnes) étaient écoulées sous des appellations fleurant bon le terroir, la France profonde : « Comptoirs fermiers d’Auvergne ». Déjà, le syndicat FO du ministère de l’agriculture dénonçait : « Certaines entreprises peuvent agir quasi impunément faute de contrôles suffisants à tous les stades de la filière alimentaire. Les effectifs des techniciens supérieurs et contrôleurs sanitaires dans les services vétérinaires sont notoirement insuffisants dans la région Ile-de-France. Les missions, faute de moyens, sont ciblées et limitées. Malgré tout, le gouvernement et le ministre de l’Agriculture continuent à baisser les effectifs. ».
La baisse des effectifs s’est poursuivie en 2007 et amplifiée en 2008 alors même que diverses affaires retentissantes alimentaient les chroniques (après les assiettes).

AgraPresse Hebdo résume : « L’agriculture malade de son agroalimentaire ». On pourrait ajouter aussi des lobbys et de la complaisance d’écoute des parlementaires et des gouvernements.

L’information est de même saucissonnée. En début d’année, on signalait que la Cofida livrait les crèches parisiennes avec des denrées périmées. Puis l’histoire de la viande de cheval a estompé cette affaire. Tout comme celle des 200 kg de viandes avariées dans une boucherie halal de La Réunion. C’est loin, les îles…

Il y a ce que l’on sait, et ce que l’on tait : parfois des affaires dénoncées aux autorités ne valent qu’une belle lettre indiquant de se rapprocher d’une association de consommateurs ou de s’arranger avec le directeur d’un hypermarché.

Toutes ces affaires dévoilent aussi autre chose dont les consommateurs se doutaient : marques et enseignes ont pratiquement toutes les mêmes fournisseurs, la traçabilité est un élément davantage curatif (on remonte plus vite à la source de la viande avariée ou trafiquée) mais non un remède. Pour le moment, on ignore encore l’origine (plutôt : les diverses origines) des viandes présumées avariées. Viendraient-elles des éleveurs bretons, normands ou angevins, manceaux, que cela ne changerait pas grand’ chose, finalement.

À grands coups de publicité sur de nouveaux labels, marques et enseignes vont tenter de nous faire oublier.

La direction de Castel Viandes a porté plainte pour « dénonciation calomnieuse » et déclaré avoir licencié son cadre pour « insuffisance professionnelle », rapporte Ouest-France. Spanghero a porté plainte pour « tromperie » auprès du parquet parisien (on s’attendait à ce qu’une plainte vise les ministres ayant évoqué l’affaire, elle n’est pas venue). Rappelons que la Comigel fournissait des viandes passées chez Spanghero à près de 30 entreprises, marques, enseignes réparties dans plus d’une douzaine de pays. Pour Castel Viandes, on ne sait : il y aurait eu Auchan, Flunch, peut-être (ou pas, en attendant mieux informé), mais qui d’autre ?
On fait beaucoup de bruit autour de La France Orange mécanique (de Laurent Obertone), beaucoup moins autour de « la France viandarde mécanique ». Ou plutôt la planète viandarde, le monde viandard.

Sur Atlantico, Bruno Bertez élargit le propos : « le système encourage le glissement vers une qualité de plus en plus basse, comme le saumon chinois pourri de vers et d’antibiotiques , afin de contenir le coût de la vie des salariés, afin de contenir les indices de prix, afin de maintenir des valeurs ajoutées et des cash-flow sur lesquels la finance et les gouvernements peuvent prélever. ». Ainsi, explique-t-il, les chiffres de l’inflation sont manipulés. Car « les prix ne correspondent nullement aux produits tels que vous les avez connus et tels qu’ils devraient être en toute honnêteté. ». En fait, en raison de la baisse de la qualité, le pouvoir d’achat régresse.

Sa conclusion : « pour continuer de mettre en valeur le capital fictif et les dettes irrécouvrables, la classe kleptocratique et les gouvernements sont alliés, et ils sont complices pour vous faire bouffer de la m…. . En attendant, ils vous nourrissent au Canigou comme des toutous. ».

Ah, au fait, on aimerait connaître le contenu des assiettes de Barthélémy Aguerre (Spanghero) et de Véronique Viol-Lévesques (Castel Viandes) et leurs bonnes adresses : sans doute les cantines Auchan ou Flunch ?

Auteur/autrice : Jef Tombeur

Longtemps "jack of all trades", toujours grand voyageur. Réside principalement à Paris (Xe), fréquemment ailleurs (à présent, en Europe seulement). A pratiqué le journalisme plus de sept lustres (toutes périodicités, tous postes en presse écrite), la traduction (ang.>fr. ; presse, littérature, docs techs), le transport routier (intl. et France), l'enseignement (typo, PAO, journalisme)... Congru en typo, féru d'orthotypographie. Blague favorite : – et on t'a dit que c'était drôle ? Eh bien, on t'aura menti !

2 réflexions sur « Viandes avariées : le prêt à manger Flunch »

  1. pour le controle de l’inflation vous avez oublié le poids net du produit qui diminue pour que le prix reste le meme

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