Voici la plus récente trouvaille de Monsieur Luc Chatel, ministre de l’Education nationale, de la Jeunesse et de la Vie associative, dont la biographie Wikipedia nous apprend qu’il passa sa scolarité (sic) chez les jésuites. Ce qui n’est pas la manière la plus simple de faire l’apprentissage des décisions tranchées (on se souvient de l’anecdote de ce débatteur qui, apostrophant ainsi son interlocuteur jésuite : « Finirez-vous enfin par répondre à mes questions autrement que par des questions ? », ne reçut pour toute réponse qu’un « Eh pourquoi pas ? » laconique).

Même le lecteur le moins averti aura remarqué que j’ai écrit « trouvaille » et non pas « lubie », une façon pour moi de marquer ainsi sans la moindre ambiguïté l’approbation sans réserve que suscite cette décision encore quelque peu en devenir. En effet, je partage le point de vue du ministre : notre société traverse une grave crise morale dont les effets alimentent une actualité chaque jour plus tragique, où l’incivilité n’est que la forme la plus bénigne du règlement de comptes, voire du crime.

Et je partage aussi son diagnostic : il est nécessaire et même urgent de miser sur les générations futures pour mettre un terme à la dérive suicidaire, indispensable inflexion vers un coup de barre tardif mais salutaire ; c’est sur elles et sur nulle autre que les plus lucides d’entre nous doivent fonder leurs espoirs. En effet, le tri sélectif (pléonasme) l’a démontré : seuls les enfants, par leur naïve et obstinée vigilance de tous les instants, peuvent infléchir dans le bon sens le comportement de leurs aînés ; à grand renfort de répétition pédagogique de l’énoncé des bonnes pratiques et à l’exemple de la saine contagion de leur assimilation.

Oui Monsieur Chatel, vous avez raison : il est grand temps en effet de remettre à leur juste place, dans le paysage quotidien de nos chérubins, la noblesse de l’effort, la valeur de l’altruisme, le sens du dévouement,… comme autant d’antidotes à ce monde sauvage et barbare qui nous environne, nous emprisonne et nous empoisonne.

La seule réserve qui me vient à l’esprit, en forme d’interrogation dubitative, concerne le recrutement de ceux qui seront en charge de dispenser ce que l’on ne peut se contenter de nommer de simples cours, tant en la matière il s’agit bien davantage de communiquer des comportements que de transmettre des savoirs, d’inspirer confiance en « transpirant » l’exemple.

Alors qui ? Les enseignants, dont les plus résignés finissent par justifier la rudesse des conditions matérielles à l’école par le fait qu’elles doivent préparer à l’implacable réalité de la vie moderne ? Les parents, englués dans l’individualisme ambiant au point de n’avoir pour leur descendance d’autre ambition que d’obtenir des résultats sans trop se préoccuper des moyens ? Le milieu politique où le « Casse toi, pauv’ con… » tient lieu de manuel de savoir vivre ? Sans oublier que rien n’interdit l’existence d’hybrides, enseignants, parents eux-mêmes et engagés au sein de la classe politique !…

Faut-il les rechercher alors dans la société civile, par exemple parmi les animateurs de jeux télévisés, qui nous expliquent à longueur d’antenne comment d’un simple SMS gagner 1.500 € en répondant à la question : « Quelle était la couleur du cheval blanc d’Henri IV ? » ?

Et ce n’est que le souci de ne pas vous lasser qui m’interdit de multiplier à l’envi les sordides contre exemples. Le silence éternel de ces espaces infinis m’effraie à vrai dire autant que Blaise Pascal.

Alors ? Alors, d’exception en exception, ne restent de crédibles que vous et moi.

Enfin, vous surtout car pour ma part, je viens, j’en ai bien peur, de me vautrer dans l’amoralité (voire l’immoralité) en tournant en dérision désinvolte un sujet qui méritait amplement d’être traité avec le plus grand sérieux !