Il y a quelques dizaines d'années, notre société moderne avait déjà inventé une nouvelle espèce d'hommes, les néo ruraux.

Les néo ruraux, sont ces hommes de la ville qui désirent quitter leur univers souvent devenu trop étriqué pour eux. Ils sont partis vivre avec famille et souvenirs dans un monde qu'ils considèrent comme meilleur, la campagne.

Depuis les années soixante dix, de nombreux citadins ont quitté leur petit appartement ou leur petit pavillon pour aller s'installer avec plus ou moins de succès dans cette campagne chère à Jean Ferrat. Certains d'ailleurs n'y ont fait qu'un bref séjour, d'autres y sont toujours et font évoluer cette campagne (pas toujours pour le bien des autochtones) tandis qu'une minorité s'est acclimatée et a adopté le mode de vie des vrais ruraux.

Il y a quelques jours, j'ai fait la connaissance du représentant d'une nouvelle espèce que je n'avais pour l'instant pu voir que sur mon poste de télévision.

Il s'agit d'une espèce que seule l'évolution de notre monde moderne pouvait engendrer:

LES NEO-NOMADES.

Le néo nomade est un homme qui a tout quitté pour aller vivre en permanence dans un camping- car.

L'exemplaire que nous avons rencontré était un retraité. 

Après avoir exercé pendant 35 ans la profession de routier, il n'a pas pu se résoudre à l'immobilité d'un petit pavillon. Il avait besoin de bouger, de voir de la route, de sentir le "macadam".

Il lui a fallu plus de deux ans pour décider son épouse qui se plaisait dans leur petit pavillon de province, avec sa routine, sa sécurité, son petit confort. Elle n'osait prendre à soixante ans la décision d'un changement de vie aussi radical.

Une fois la décision prise, ils ont mis en vente leur pavillon, leur voiture, donné ou vendu leurs meubles et leurs objets personnels, leurs souvenirs et ils ont acheté un superbe camping car double essieu. Ils ont placé sur un compte le reste du produit de la vente de leurs biens et ils ont pris la route.

Cette coupure brutale a été pour ce nouveau nomade une sorte de renaissance. Il s'est senti rajeunir. Pour reprendre ses propos, il a eu l'impression d'être léger, de flotter comme ivre de liberté.

Dans son camping car, il n'a plus que le strict minimum utile.

Il a gardé une adresse postale et fiscale au domicile de sa fille.

Cette dernière lui sert de boite postale et reçoit tout le courrier de ses parents avec pour consigne stricte de ne rien conserver sauf les courriers officiels. Il nous a précisé qu'avec le temps, il ne reçoit plus en général que quelques courriers  annuels du trésor public, de son assurance automobile, ses factures de téléphone portable et ses relevés de sécurité sociale ou de mutuelle. Tout étant en prélèvement automatique, il n'a plus que la déclaration d'impôt annuelle à faire.

Pour lui, plus de pub, plus d'EDF ou de GDF, plus d'eau, plus de taxe foncière ou de taxe d'habitation.

Il se sent libre pour la première fois de sa vie, respectant le code de la route et évitant les autoroutes pour ne pas avoir le sentiment de se faire racketter. Il ne paie pas l'octroi m'a t il dit.

Il nous a expliqué qu'il y a encore un an, il tractait une petite remorque sur laquelle se trouvait une motocyclette. Cet engin lui servait à se déplacer car il y a encore de nombreux endroits en France où les campings cars ne sont pas les bienvenus.

Depuis un an, la législation ayant changé, il a pu acheter une petite voiture qu'il tracte directement derrière son engin. Cette voiture est plus pratique que la motocyclette, surtout en mauvaise saison.

Le néo nomade que nous avons rencontré est fier, il ne pénètre pas dans les villes dans lesquelles sont installés des dispositifs anti campings cars. Il nous a expliqué qu'il pourrait stationner son engin et prendre sa petite voiture pour y aller, pour visiter ou faire ses courses mais il a adopté un principe simple. Puisque ces villes ne veulent pas de lui, elles n'auront pas un centime de son argent.

Pour l'instant, il reste sur le territoire français, il profite de son nouveau mode de vie pour visiter toutes les villes qu'il n'avait pu que traverser lors de sa vie professionnelle (de routier).

Il découvre une France étonnante, peuplée selon lui de personnes intéressantes. Partout où il s'arrête, il rencontre des personnes avec qui il discute longuement.

En bon citadin anxieux, je lui ai demandé s'il n'avait pas peur de vieillir, s'il avait pensé à ce qu'il ferait lorsqu'il ne pourrait plus conduire son engin.

Il m'a expliqué, qu"il ne vivait pas en fonction de ce qui risquait d'arriver ou de ce qui allait arriver. Il profite au jour le jour de sa vie.