Une belle fin, le film d’Uberto Pasolini

C’est un film sur la Faucheuse qui surprend ces anonymes noyés dans leur solitude, conséquence de l’individualisme forcené de notre époque. Seuls des indices improbables comme par exemple l’odeur de cadavre en putréfaction alertent souvent le voisinage. John May, (Eddie Marsan) est ce fonctionnaire scrupuleux, un Colombo d’un autre genre qui enquête autour des connaissances du défunt, histoire d’organiser une parodie de funérailles : intrusion dans ces logis où suinte de partout la mort  pour tenter cette sorte de datation au carbone 14 sur les traces de vie récoltées sur place… 

Sa tâche est ardue car pour ne pas être seuls, ces oubliés de la société vivaient souvent avec un chien, un chat ou encore quelques vieux souvenirs stockés sur des photos jaunies. Sans plus. Leurs histoires anciennes que le temps assassin a fini par effilocher n’ont presque plus de témoins. Uberto Pasolini s’est passé de la lourdeur des mots pour dénoncer les ravages de ce fléau qu’est la solitude forcée ; sa caméra se contente de filmer ces lieux de vie d’une infinie tristesse ; elle s’attarde en plans fixes sur les faits et gestes réglés au métronome de John May, lesquels se répètent invariablement jour après jour sans jamais lasser le spectateur. Le tout sur fond d’une bande son magnifique qui sait se faire discrète aux bons moments. 

John May lui, n’est ni beau ni moche, ni grand ni petit. Il est introverti, parle peu et crève carrément l’écran. A force de fréquenter les cimetières, de rédiger des oraisons funèbres, de collectionner ces photos ayant appartenu à des disparus sans famille, sans amis, la mort se met à le hanter. Il  y a cette scène troublante où dans un cimetière, il choisit sa place et s’allonge dans la position des gisants. Un peu comme celle de Michel Bouquet dans le rôle inoubliable de François Mitterrand dans le "Promeneur du Champ de Mars". 

Dans ce monde déshumanisé, ce fonctionnaire au grand coeur ne pouvant répondre aux critères de rentabilité, fera l’objet d’un licenciement économique, à sa grande déception. La Boîte lui fera la gentille faveur d’une rallonge non payée pour lui permettre de boucler ce dernier dossier concernant son voisin de quartier qui lui tenait à coeur. Comme tous les autres qui l’avaient précédé d’ailleurs…

Une belle opportunité s’offrira à John May à l’heure même où son détachement du monde venait d’atteindre son paroxysme et le destin s’en mêlera… La fin du film est absolument bouleversante surtout la dernière scène. Tellement bien filmé, tellement bien interprété ce film so British qui fait écho à des problèmes de société mérite vraiment le déplacement. 

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