Dans le département de l’Essonne, la DDSP (direction départementale de la sécurité publique) a annoncé il y a 10 jours l’ouverture d’une boîte email où tous les citoyens du département pourront transmettre à la police anonymement des témoignages, photos et vidéos sur les mésagissements, faits délictueux ou les comportements troublant l’ordre public dont ils ont été victimes, témoins ou ont connaissance (…)


Dans le département de l’Essonne, la DDSP (direction départementale de la sécurité publique) a annoncé il y a 10 jours l’ouverture d’une boîte email où tous les citoyens du département pourront transmettre à la police anonymement des témoignages, photos et vidéos sur les mésagissements, faits délictueux ou les comportements troublant l’ordre public dont ils ont été victimes, témoins ou ont connaissance (…)

Dans tous les commissariats et mairies du département, un dépliant invite la population: »Aidez la police nationale dans son action au service des citoyens. Envoyez vos témoignages, photographies et vidéos »

Jean Claude Borel-Garin, directeur de la DDSP, à l’origine de cette initiative, défend le dispositif comme étant un moyen adapté à la société actuelle qui devrait permettre la réactivité des forces de l’ordre. Il indique aussi que l’objectif d’un tel outil est « de mieux répondre aux attentes de la population, notamment en ce qui concerne les délits troublants la tranquillité des habitants comme par exemple l’occupation des halls d’immeuble, les ivresses sur la voie publique, ou les rodéos de motos ».

Il ajoute: « C’est rapide, efficace et en toute discrétion. Cela désenclave les quartiers sensibles et permet à ceux qui ont peur d’entrer dans un commissariat de se faire entendre »

Bien évidemment le sujet divise: au sein même des forces de police, les deux plus gros syndicats envisagent l’outil sous un œil très différent.

Alliance dénonce: «  C’est une police d’une autre époque et je ne vois pas comment nos collègues pourront faire pour trier les bonnes et les mauvaises informations ainsi recueillies » a déclaré son secrétaire général ajoutant que « cela donne l’impression de réinstaller la police de Vichy ».

L’Union SGP-FO de son côté, se dit « ne pas être choqué par cet appel au civisme ».

D’un point de vue juridique , la mesure est « correcte ». Le droit français reconnaît et distingue la « dénonciation » de la « plainte ».

La première étant le fait de porter à la connaissance des forces de l’ordre des infractions dont on a connaissance mais qui ne vous concerne pas directement; la seconde étant le fait de se porter plaignant auprès de la justice afin de voir son statut évoluer vers celui de victime et donc voir reconnaître que l’on a bien subit les faits que l’on a porté à la connaissance des forces de l’ordre et de justice.

Cependant, Maître Eolas (avocat au barreau de Paris) relève deux points litigieux:

  • la confidentialité ne peut être certifiée aux futurs utilisateurs: si l’information transmise à la police via cette boîte email débouche sur des poursuites judiciaires, le droit français accorde à la défense le droit de confronter son accusateur.

  • L’envoi de photographies et/ou vidéos pose aussi un problème juridique: depuis les épisodes très médiatisés de jeunes filmant -téléphone portable au poing- leurs petites séances de « happy slapping », le 5 mars 2007 a vu naître dans la code pénal français l’article 2222-33-3 qui précise: « est qualifié de complicité le fait d’enregistrer sciemment, par quelque moyen que ce soit, sur tout support que ce soit, des images relatives à la commission de ces infractions »

Sachant que la dite boîte email ne sera « relevée » que deux fois par jour, on peut s’interroger quant à la réactivité de la police lorsque que les messages concerneront des faits qui nécessitent une intervention immédiate.

Par ailleurs, au delà de l’association d’idée immédiate avec les heures les plus sombres de l’histoire, un tel dispositif peut faire craindre des dénonciations calomnieuses ou mensongères…Après tout, sous couvert d’anonymat, certains pourraient très bien assouvir quelques vengeances en propageant de fausses informations (acte passible de poursuites et condamnation).

Jean Claude Borel-Garin assure: « la police ne traite pas la délation, elle agit dans un cadre légal, nous faisons des enquêtes ».

Le dispositif a déjà été expérimenté par le directeur de la DDSP, dans le cadre de son précédent poste dans le département de l’Isère(2004-2007). De même, le département du Var avait adopté le système de la boîte mail en 2007.

Au delà des mini-tempêtes locales que leur mise en place avaient soulevé lors de leur mise en activité, il semblerait que les fameuse boîtes mails départementales soient toujours en activité et que les protestataires se soient tus.

Quant aux résultats obtenus dans les départements pionniers par cet «  outil moderne »…pas de déclaration publique des forces de l’ordre à ce sujet!

(sources: le Nouvel Obs, Le Parisien, Le Point, 91 secondes, Maître Eolas)