Retour à la capitale

Samedi 5 à mardi 8/02/2011

 

Samedi : Debout à 4h45. Petit déj rapide, fermeture de la valise. Mon bâton ? Où est mon bâton ? Ah ! Soeur Agnès me l’a mis dans ma chambre pour ne pas que je l’oublie. 5H30, tonton Alio arrive. Je dis au revoir à tout le monde. Géraldine essuie les larmes qui perlent à ses yeux, le petit Aristide me fait un calin tout timide. Il veut devenir docteur. Il est très intelligent pour un petit de 8 ans. Il est toujours dans les mots cachés. Je lui ai dis que s’il travaillait bien à l’école et que plus tard il voulait venir étudier la médecine, qu’il n’aurait pas à se soucier du logement, qu’il pourrait venir chez moi. Oh je crois que j’ai envie de pleurer aussi. Une certaine nostalgie me presse un peu le coeur. C’était bon ces 2 semaines passées à Moundou. Les gens sont si chaleureux…

Allez, une embrassade à tout le monde. Agnès me dit qu’elle n’aime pas les séparations, qu’il va y avoir un grand vide après mon départ.

On arrive à l’agence de voyage. On se dit quelques mots. Tout le monde se sert comme des boudins dans le bus. Allez, on part. Je prends le livre que Sénoussi m’a prêté et je lis pendant deux bonnes heures. C’est « Le Tchad, 15 ans après- Hissène Habré, la lybie et le pétrole » de Pierre Darcourt. Ca commence le 1é décembre 1990 quand Habré fuit la capitale tchadienne après avoir pillé les banques, liquidé de sa main un groupe de prisonniers et mis le feu à sa résidence. Ensuite, Idriss Déby a pris les commandes. Démocratie, pluripartisme, libertés restaurées, ces mots interdits qui reprennent un sens mais qui sans la paix ne veulent rien dire…

Au Tchad, il y a deux cent ethnies qui parlent plus de 130 langues. Dès qu’un chef de tribu n’était pas content, il prenait un fusil, regroupait une poignée de « rien à perdre » et entrait en rebellion. La guerre clanique était devenue un mode de gestion politique. Quelques années plus tard, en 2001, le pesanteur frontalière de la Lybie demeurait.

Pierre Darcout, un ancien correspondant de guerre à l’Express et au Times a vécu sur le terrain et parle de l’enjeu pétrolier, de Khadafi, des complots avortés et raconte l’expulsion des diplomates, le rôle de la DGSE (direction générale de la sécurité) et de la France qui faisait le gros dos pour maintenir son dernier point d’appui militaire en Afrique centrale.

Bref, un document historique qui a permis de démarrer la discussion dans le bus. J’avais remarqué que quelqu’un derrière se penchait pour lire derrière mon épaule et que celui à ma gauche tournait également la tête pour lire les pages que je tournais et puis un jeune s’est retourné pour lire le résumé et quand j’ai fermé le bouquin pour boire un coup, il m’a posé une question sur ce que je lisais. Et alors celui de derrière m’a demandé si le livre venait du Tchad (non de la France), et blabla. Puis on me demande ce que je fais là, d’où je viens et où je vais et je me mis à blablater mon petit parcours. Et là, le message a commencé à passer dans tout le bus :

  • « Elle a fait 3000 km ! »

  • « Non ! Ce n’est pas possible ! Une femme ? 

  • Oui J’ai vu ses attestations ! »

    J’avais montré mon cahier à deux d’entre eux. Un d’entre eux venait de finir ses études dans la police et un autre se rendait à la capitale pour passer un concours pour devenir docteur. Comme il n’avait pas encore choisi de spécialité, je lui ai conseillé la gynécologie en lui disant que je pourrais avoir besoin de lui pour la maternité… Je lui ai donné ma carte. Du coup, tout ceux qui étaient autour ont voulu une carte aussi. Chaque personne qui se présente est pour moi une pièce de plus au puzzle. La fille dont le mari bosse à Airtel, qui sait, peut-être qu’un jour nous pourrions faire un partenariat, genre 1 centime de Fcfa sur chaque carte prépayée pour le projet untel. L’autre,à la chemise bleu, celui qui a un poulet dans son sac, vient de me dire que son frère vit aux Etats-Unis depuis des années et qu’il aimerait me mettre en contact avec lui. Ok, pas de soucis.

    Donc voilà, la moitié du trajet s’est passée à discuter à droite, à gauche, sous la chaleur écrasante qui me trempait littérallement. Même les fenêtres ouvertes, le vent était brûlant.

    J’ai mal à la tête. Sénoussi me donne un anti-douleur. Allez, à la douche ! L’eau n’est plus froide ici, elle est tiède maintenant avec la chaleur. Ce fut agréable de me laver. J’en ai profité pour faire mon linge. C’est dur d’essorer un jeans à la main. En fait, même s’il n’est pas essoré, ce n’est pas grave car en quelques heures, il sèche à la vitesse de l’éclair.

    Ici, les moustiques aiment mon sang car même avec l’anti-moustique, rien à faire, ils viennent me bouffer quand même.

    Dimanche : J’étais si fatiguée hier soir que j’ai eu de grandes difficultés à m’endormir, je n’ai pas fait mes 6h de sommeil. J’ai préparé mon article. J’ai revu Djamal, Madi et un autre tchadien.

 

Lundi : Rendez-vous avec Amour, je lui ai montré quelques photos et quelques vidéos. La vidéo de la salle d’accouchement actuelle au centre Emmanuel, elle l’a regardé deux fois parce qu’à la première, elle a peu ri bien que l’on se rende compte des conditions difficiles dans lesquelles les femmes mettent leurs enfants au monde. Je suis carrément montée sur la table d’accouchement traditionnelle pour montrer comment elles font, la place qu’elles ont. Elles ne peuvent même pas s’allonger en entier ! Pas de place pour souffrir en paix, pas de place pour étendre ses jambes… Si je savais comment on fait, si j’avais assez de puissance internet pour ça, je vous aurais mis la vidéo en ligne. Ce sera pour une autre fois. Je trouverai bien quelqu’un à mon retour pour m’aider.

Amour, c’est la journaliste qui présente les informations au journal du 20h sur TéléTchad, la télévision nationale. Elle m’a donné rendez-vous demain matin avec celui qui va faire le montage vidéo/photos et qui va m’interviewer. Elle m’a dit que j’avais deux minutes d’antenne demain soir au 20h. Ouah ! Ca va me faire bizarre !

Hier soir, Sénoussi m’a fait un cours sur l’introduction aux sciences politiques, de l’état de nature quand les gens se mirent à constituer un premier groupe puis plusieurs, jusqu’à aujourd’hui. C’est intéressant à savoir.

« De toutes les sciences sociales, l’étude des phénomènes politiques est la plus ancienne. Bien avant les Grecs, les Chinois se sont interrogés sur la meilleure manière d’organiser leur société. On s’aperçoit à l’étude de l’histoire des idées politiques qu’au moment des crises il y a une multiplication des réflexions, des écrits pour cerner le meilleur mode de gouvernement. C’est au moment de changements sociaux brutaux, soudains et inhabituels que se multiplient les réflexions sur la politique en général.

Pour les Chinois par exemple, ce fut entre le Ve et le IIIe siècle avant l’ère chrétienne que se sont multipliées les réflexions au moment du passage des royaumes combattants vers la constitution d’un grand Empire. La pensée politique grecque apparaît pour sa part au moment où cette civilisation amorce son déclin. Sensible à cette situation, Platon a été l’un des premiers en occident à essayer de proposer une forme « idéale » d’organisation politique. Aristote va continuer cette quête du meilleur gouvernement possible en s’interrogeant sur la nature des régimes politiques et sur leurs meilleurs exercices. De fait, on se rend compte que la première question d’ordre social à se poser a été politique.

Il était donc normal et logique que l’organisation des rapports gouvernants/gouvernés soit posée

comme le premier problème à résoudre. C’est cette préoccupation qu’on retrouve selon un système de réflexion particulier dans la philosophie politique des Anciens (de l’antiquité à Machiavel)… » (cours de sciences Po)

Je vous parle régulièrement de Sénoussi mais je n’en ai pas trop dit sur lui encore. C’est un jeune de 26 ans qui est parti étudier le droit au Maroc, puis en France.

Il a obtenu un master 2 en droit des entreprises, c’est-à-dire un bac + 5. Avec ça, il pensait travailler dans une banque, dans un cabinet d’avocat ou dans une grande entreprise. Mais non, à chaque fois on lui demandait s’il parlait le français, malgré le curriculum qui l’était ainsi que sa langue qui est la deuxième qu’il parle couramment. Alors comme il faut bien manger, il est devenu livreur de pizza… Ce n’est pas facile pour un « étranger » de trouver un emploi ou ne serait-ce qu’un stage en France. Aujourd’hui, Sénoussi a décidé de revenir vivre définitivement dans son pays natal, le Tchad et je pense qu’il s’y plait bien.

Nous parlions des différences de températures entre nos deux pays. Comme je n’en pouvais plus, je disais que l’avantage avec le froid, c’est que l’on peut se couvrir jusqu’à ce que l’on est chaud, que ce soit par couches de vêtements supperposées ou avec le chauffage. Par contre avec le chaud, on a beau se déshabiller ou se mettre de l’eau dessus, il fait toujours chaud ! Et il me répondit que nous, le froid pouvait parfois nous bloquer jusqu’à nous empêcher d’avancer alors qu’eux, le chaud ne les empêche pas de marcher.

Mardi : J’ai une sensation de tristesse, envie de pleurer. Je ne sais pas pourquoi. Quelques larmes roulent sur mes joues. Je contiens les autres. Moundou me manque bien que je sois bien à N’Djaména, bien que c’était quand même difficile pour moi là-haut. C’était dur mais enrichissant. Et j’étais toujours occupée. Ici, j’ai un peu plus de temps pour moi bien que je vois du monde aussi.

J’ai rêvé de ma fille cette nuit. Elle venait me prendre quelques fringues. Elle avait une nouvelle coiffure qui l’enjolivait encore plus que ce qu’elle est. Elle me faisait un câlin pendant mon sommeil.

Il est midi, et je n’ai pas de nouvelles d’Amour. Je lui ai envoyé un message, j’ai essayé de l’appeler, mais rien… L’après-midi je ne suis pas là. J’ai rencontré Mickael, le fils spirituel de la dame qui m’avait habillé en blanc sur le pèlerinage, celle qui avait pleuré quand je lui avais raconté l’histoire de la capeline blanche, vous vous souvenez ? Cet homme est génial ! Il rigole tout le temps et c’est un chanteur de Gospel ! J’adore le gospel, yeah ! Nous avons visité son studio d’enregistrement il m’a fait un acapela. Si Marie-José avait été là, elle aurait été heureuse comme tout ! Il joue même de la guitare et va bientôt apprendre le piano. Et vous savez quoi il vient même de faire un disque, qui a été monté aux Etats-Unis, waouuuuuuh ! Lui il faudra que je le revois avant de partir, il est trop sympa !

Dans toutes mes connaissances ici, s’il y en a bien un qui comprend ma démarche pour la maternité c’est lui. Il y a deux ans, sa femme est décédée d’une césarienne faute d’une maternité moderne…

Nous sommes allé boire un bon jus de mangue chez « Amandine », un salon de thé tenu par un français et j’ai pu manger une pizza, huuuum ! Je lui ai raconté mon parcours et puis je lui ai dis que si je parlais de trop il fallait me le dire, parce que quand je commence, l’autre n’a pas beaucoup la parole… Euh… Mais non au contraire il avait envie de connaître la suite.

Ensuite, après que Sénoussi se soit joint à nous, nous nous sommes quittés et ce dernier et moi avons voulu aller jouer un billard chez les chinois mais ce n’était que pour les clients de l’hôtel. Tant pis… J’attendrai d’être en France. J’ai envie de jouer au billard. Ca fait longtemps que je n’y ai pas joué.

Comme les parents de Sénoussi m’avaient réclamé pour mes soins qui leur avaient fait du bien, nous y sommes allés et je me suis occupée de leur tête et leurs genoux. Les africains mangent vraiment trop de viande, ce n’est pas bon pour leurs articulations. Nous avons de longues discussions sur la politique du monde avec le père. C’est le gouverneur de N’djaména, il a beaucoup de connaissances. Il m’a dit que j’étais une femme publique, que si je suis persévérante et que je fais de la pub, j’irai jusqu’au bout de mes idées qui sont bonnes pour leur pays. Avant de partir, il me disait que maintenant, j’avais un papa et une maman africaine…

Ah, j’ai oublié de vous dire que j’avais eu des nouvelles d’Amour. Malheureusement, sa petite soeur a dû subir une intervention chirurgicale et c’est pour ça qu’elle n’était pas présente ce matin. C’est donc reporté à demain et cette fois c’est sûr !

Au soir, bien qu’il ait fait nuit, j’ai apprécié ma toilette et pour minuit, j’étais dans les bras de morphée.

Mercredi 09/02/2011 : Grrr, je n’aime pas être dépendante de quelqu’un par rapport à quelque chose. La prochaine fois que je reviens au Tchad, je prendrais mes dispositions autrement. Et déjà, j’aurai ma propre clé 3G car quand il y en a une pour deux et qu’en plus ce n’est pas la sienne, ça ne va pas. Je dois attendre que l’autre n’en ai pas besoin ou qu’il veuille bien la donner. Ca ne me plait pas. Je suis à la fin de mon séjour, je ne vais pas aller m’en acheter et puis je n’en ai pas les moyens. Une clé 3G coûte 50000Fcfa (75€), mais il paraît qu’on pourrait peut-être en trouver à 50000… C’est vraiment le bordel leur système. 1000Fcfa (1€50) pour une heure de connexion sur la clé. Pareil que dans un cyber.

A part ça, la journée fut bien remplie ! Le matin, direction TéléTchad avec Amour qui m’a présentée à ses collègues, directeur, sous-directeur et journalistes. Blablabla, blablabla. Le caméraman arrive et on fait une interview dehors. Quelques questions, et c’est dans la boite. Et paf, il en veut plus… Et voilà qu’à nouveau, blablabla, Compostelle, blablabla, Asie, blablabla, c’est pour ça que je suis là. Ok ! Il est bien possible qu’il prépare une émission d’une heure !

Isaac vient me chercher (connaissance facebook sur la page « Un tour de France pour une maternité »). Nous avons failli avoir un accident de moto. Là, on a eu un coup de chaud tous les deux. Je me demande comment on a fait pour ne pas valser par dessus bord ?! Ouf, on l’a échappé belle ! Il me fait visiter la maison de ses parents où je fais connaissance avec toute la famille. Puis nous allons visiter la sienne avec encore de la famille. Nous y avons bu un bon jus de goyave et papaye et j’ai encore blablaté…

Téléphone qui sonne. Qui ça ? Adolf ? Le frère de celui du bus qui a eu la chance de voyager avec moi… Ooooh ouiiiii ! Vous êtes ? Cadre humanitaire chez UNICEF, de Lyon en France, et vous souhaitez me rencontrer. Oui oui oui, bien sûr ! Quand vous voulez ! Demain matin ? Ok !

Tahir ! Je dois y aller ! Désolée j’ai tellement de monde à voir que je ne peux accorder qu’à peu près deux heures par personne. Et celles-ci peuvent se considérer comme privilégiées… Ca le fait rire quand je lui dis.

Lets go ! Ca bouge ça bouge ! Il y a de l’action, j’aime ça ! Aaaah le pied, c’est tout climatisé ! Ohlalalala qu’est-ce que ça fait du bien ! Je ne décolle plus d’ici moi ! Et en plus il y a la wifi ! Waouuuh ! J’en profite pour me connecter. Et vlan ! Je manque de me tuer ! La chaise s’est écroulée ! Ouille ouille ouille ! Mon coccyx ! Mais c’est pas vrai ! Tahir ne comprend pas pourquoi la chaise est tombée alors que j’étais assise tranquillement dessus ?! Bon, pas grave… On a quand même bien rigolé ! Il a de beaux yeux Tahir, une grande sincérité émane de lui. Il bosse en mer pour les gisements de pétrôle. Je lui ai dit de faire attention que ça ne déborde pas !

2h plus tard, il m’amène jusqu’à Michael. Au moment où j’arrive je casse ma tong qui s’est retrouvée coincée dans la porte de la voiture. Heureusement que ce n’était pas mon pied ! Qué poisse… En 2 mn, Michael m’arrangeait le problème et allait m’acheter une paire orange, ça me met de la couleur aux pieds !

Un peu plus tard, à la maison où je fais connaissance avec son père et un ami à lui chanteur de hip hop et gospel (il paraît qu’il passe à la télé, il s’appelle Chériff), je me vois moi-même sur l’écran. Je pointe le doigt dessus : « Et c’est moi c’est moi ! » Et voilà que je m’entends parler en arabe ! Ah ! Ah ! Ah ! Ca fait trop bizarre ! Je ne savais même pas ce que je disais, ou plutôt ce qui avait été choisi comme phrase parmi mes mots. Je suis repassée 1h après en français.

Michael part pour revenir avec ce qui s’appelle une pomme en cage. C’est un gâteau. Il me dit avoir demandé s’il y avait des oeufs et qu’il n’y en avait pas. Je reste sceptique. Alors il retéléphone au magasin et redemande confirmation. La personne lui garantit qu’il n’y a pas d’oeuf. Bon, si par deux fois ils disent non, je ne vais pas être parano. Ok je goûte un bout. Deux bouts. Il y a quelque chose qui ne va pas. J’ai immédiatement des nausées, ça me fait bizarre dans la gorge. Je dis que je ne suis pas sûre qu’il n’y ait pas d’oeuf, qu’il y a quelque chose d’étrange. Il rappelle et me passe la personne. Le garçon au bout du fil insiste sur le fait qu’il n’y a pas d’oeuf. Je ne le crois pas ce n’est pas possible : « Bon ok, il n’y en a pas, alors dîtes-moi de quoi est composée la crème du gâteau ? » « Euh, je vais demander à mon patron » qu’il me répond. Et il revient au bout du fil en me disant des oeufs et de la vanille. Je l’aurai bien claqué s’il s’était trouvé en face de moi celui là ! Ah là je l’ai engueulé un coup ! Je lui ai demandé pourquoi il dit par 3 fois qu’il n’y a pas d’oeufs s’il ne connait pas la composition de ce qu’il vend. Qu’il y en a qui meurt par allergie et patati et patata. Allez, faut que je rentre et que je prenne un cachet. C’est pas possible ça ! Maintenant, j’ai des nausées et le ventre qui se tord, va falloir contrôler, grrr !

Mais qu’est-ce qu’il se passe aujourd’hui ? Il y a des diablotins qui veulent me faire tomber ou quelqu’un a des pensées négatives sur moi, c’est pas possible, je sens bien qu’il y a quelque chose qui ne va pas. Hier je déprime et aujourd’hui une énergie de basses fréquences veut me tuer. Allez ! Retour à l’envoyeur ! Tant pis pour toi !

Jeudi : Des bonnes nouvelles ! Que des bonnes nouvelles ! Lalalalalala ! Alors le matin, j’ai vu Adolf, le frère d’un des voyageurs du bus sur le trajet Moundou-Ndjaména. Il est cadre chez UNICEF. Je vous l’ai déjà dis ? Il a écouté la petite histoire et m’a dit qu’une fois la maternité terminée, de faire une demande et qu’ils feront certainement un geste en matériel médical ! Youppy !

Ensuite je suis allée voir Preston à NGATO FM où l’émission a été annulée car il y a eu une coupure d’électricité et le tranfo (je ne sais plus comment on appelle la machine qui marche à l’essence et qui donne du courant quand il n’y en a plus) ne fonctionnait pas. Donc c’est reporté à vendredi ou samedi soir de 21h30 à 22h. Si c’est pour demain, j’ai intérêt à vite lui demander !

Il a eu le droit à un de mes massage crânien pour lui arranger un truc… On en a profité pour parler un peu de lui et il s’avère qu’il a des talents autres que pour la radio et le journalisme. Il fait des BD ! Je lui ai donné mon histoire par écrit et il va voir ce qu’il est possible de faire… On va analyser la chose…

Après, j’ai revu Tahir avec lequel nous sommes allés visiter le quartier Amsinene. Quand je dis quartier, c’est plutôt une partie du désert car il n’y a rien ! Nous avons vu le puit qu’il a pu faire construire grâce à un généreux donateur et qui évite à la petite population de faire des kilomètres à pied pour avoir un peu d’eau. Nous avons passé l’après-midi ensemble à papoter. Il m’a emmené dans un petit marché artisanal où j’ai pu trouver une jolie boite à crayon que je vais offrir à ma fille en rentrant. Comme nous étions les seuls visiteurs, les commerçants disaient tous : « Chacun son tour, venez voir mes affaires ! »

Nous sommes allés boire un verre dans un petit restau typique. J’ai pu manger des frites !

 

En fin d’après-midi, j’ai rejoins Michael et Chériff. Je leur ai fait voir mon dvd du chemin et nous avons beaucoup parlé. Ils se sont lancé le défi de me faire une chanson mi-hip/hop, mi-gospel sur la maternité. Ils vont l’écrire, la composer et la chanter. Ils vont essayer de la terminer avant mon départ. Ils sont connus car la sasem les a reconnu. Ca va être bon, je le sens. Ils ont envie d’y mettre tout leur coeur, leurs frissons et leurs convictions. Ils y croient, encore plus que moi ! Que d’espoirs dans leurs mots, dans leurs regards. On arrêtait pas de se prendre les mains. Je leur ai même chanté un bout de chanson d’Eros Ramazzoti et ils m’ont dit aimer ma voix.

Vendredi 11 février 2011 : Génial ! Je suis allée au cours de Myriam, tchadienne rencontrée sur Paris, la soeur de Sylvie chez qui j’avais dormi, vous vous souvenez ? Elle est prof de communication et oh surprise elle a préparé un cours en communication et humanitaire. Moi qui m’attendais à passer 4h au fond de la salle à prendre des notes, me voilà à nouveau à raconter mon parcours, à répondre aux questions des étudiants et même à montrer mes talents de massages crâniens sur deux cobayes !

Alors qu’est-ce que la communication humanitaire ? Et bien c’est une sorte de spectacle car l’action humanitaire a pour fonction de réveiller les consciences publiques et c’est le lien intrinsèque entre humanitaires et médias qui conduit à la scénarisation de l’action. Ooooh alors sans avoir fait de cours à ce niveau, c’est ce qui a commencé à se passer sur mon chemin du pèlerinage et ici au Tchad ! Bon, je n’en suis pas à ce point en fait, mais pour vous donner un exemple, le téléthon est un spectacle humanitaire, comme les restos du coeur qui organisent un concert une fois par an. En clair, ce sont les moyens de récolter des fonds.

La compassion est le respect principal de la communication humanitare parce que c’est ce qui va permettre d’optimiser la visée des fonds publics. Bien sûr, la concurrence est vive entre les différentes organisations afin de captiver l’attention du public et susciter les dons. Un peu de voyeurisme positif peut aider beaucoup de monde…

Les droits de l’homme constitue la référence des organisations prônant l’action humanitaire. Ce sont les support de l’association. Ce peut être l’alphabétisation, l’éducation, l’accès aux information, etc. En principe, ces droits sont multiples et font références aux libertés fondamentales.

Myriam a parlé aussi des dérives de l’association comme le blanchiment d’argent, le trafic d’organes, les enlèvements d’enfants, ou l’ingérence politique, etc.

Je suis contente ! La voix du peuple se fait entendre ! Après la Tunisie, l’Egypte ! Après des années de dictature, plus de 30 ans, le peuple s’est enfin réveillé. Il y aura beau avoir la meilleure technologie du monde, la force de la démocratie, la force des droits de l’homme se lèvent !

Moi je leur dis FELICITATIONS ! Le peuple s’est sacrifié mais maintenant il récolte la victoire et je pense que c’est une bonne leçon que doivent retenir tous les gouvernements du monde ! Ils ont résisté et ils ont gagné ! Quelle révolution ! Merci ! Merci ! Merci ! Merci d’avoir osé, merci d’avoir dépassé vos peurs, merci d’avoir compris que dans la vie, il ne faut pas avoir peur de bouger pour obtenir ce que l’on veut et quand c’est pour la bonne cause, les « héros » gagnent toujours… Et après ? L’algérie ? L’Iran ? A qui le tour ? Allez, on ne va pas s’arrêter en si bon chemin ! Peuple du monde je te soutiens ! Pour l’Amour, la Paix et la Liberté, toujours je te suivrais !

 

… Je viens d’écouter les infos à nouveau sur FRANCE 24. L’Algérie manifeste demain, c’est leur tour ! Et il paraît que des centaines de milliers de personnes en Iran sont dehors pour fêter leur indépendance, que les opposants ont demandé le droit de manifester une journée pour soutenir la Tunisie et l’Egypte et que le gouvernement a refusé. S’il refuse, le peuple finira quand même par faire ce qu’il veut… Qu’on se le dise !

Samedi 12/02/2011 : La journée fut longue et bien remplie. Au matin, j’ai rencontré Mamadé, qui a écrit un essai sur la mythologie Garap au Mayo-kebbi. Cela concerne l’histoire et les civilisations Négro-Africaines. L’heure est vite passée, nous avons bien parlé. Ensuite, j’ai attendu le coup de fil d’Adolf d’Unicef qui n’a jamais appelé. J’étais sensé m’occuper d’une amie à lui malade. C’est qu’elle ne devait pas être si malade que ça… Après j’ai attendu Micka qui est arrivé à l’heure africaine, c’est-à-dire deux heures plus tard. Du coup, tant pis, je n’avais plus qu’une demie-heure a lui consacrer car j’avais rendez-vous chez Amour qui m’avait invité à manger chez elle. Quand je suis arrivée chez elle, oh problème : « Ici, l’heure africaine n’est pas l’heure française » me dit-elle En fait en arrivant à l’heure, je suis arrivée beaucoup trop tôt car le repas n’était pas près et elle n’était pas habillée comme il le fallait ! Bouhouhou !

J’y ai rencontré du monde. Il y avait Roland du Cameroun qui est dans la communication et avec qui nous avons bien parlé des énergies spirituelles. Il y avait Jorio Star, le chanteur traditionnel qui a promis de donner un coup de main pour la maternité. Il est ok pour deux concerts, un en France sur Bourges (on va essayer de faire ça en juillet), et un au Tchad en octobre si je peux revenir. Il a d’autres contacts, notamment des artistes tchadiens qui seront sûrement partant pour la bonne cause de leur pays. J’ai fait connaissance aussi avec Aimé le mari d’Amour. Ce n’est pas magnifique ça ? Quels prénoms ! Ah ils se sont bien trouvés eux ! Amour et Aimé… Et la soeur d’Amour s’appelle Grâce. Waouh moi c’est la maman que j’aurai aimé voir aussi… Ah et j’oubliai Francis, le dragueur de ces dames. Ohlala alors lui, je ne l’ai connu qu’une heure, mais il y a mis le paquet ! Il affirme que si je lui accorde une journée je ne voudrais plus jamais le quitter car il me donnera tout son coeur. Je précise qu’il est marié et ok pour la polygamie. Bien sûr je suis contre, mais pour lui ça n’est vraiment pas un souci, mais alors pas du tout du tout du tout…

Bref, la journée fut vraiment conviviale. A renouveler !

Micka est venu me chercher vers 19h30, le temps est si vite passé à discuter qu’il fut 21h quand panique à bord, vite il m’amena à la radio Ngato FM pour l’émission à laquelle j’étais invitée par Preston. 1/2h d’antenne et me voilà à nouveau.

Dimanche 13/02/2011 : Plus que deux jours et je m’en vais. Dans trois je serais rentrée. Ca va me faire bizarre. Pas seulement à cause du choc thermique, mais aussi avec la différence de culture. Ici, je suis toujours en tongs. En France je vais devoir remettre chaussettes et chaussures. Ici, tout le monde dit bonjour à tout le monde. En France, quand je dis bonjour à des inconnus, bien souvent on ne me répond pas…

Aujourd’hui, je me suis endormie dans l’après-midi, ça faisait longtemps que ça ne m’était pas arrivée. J’ai fait un rêve étrange. Je parlais à un cheval, je lui embrassais le museau. Il a hennit et a disparu. Et puis un homme aux longs cheveux gris est apparu, je savais que c’était le cheval qui s’était transformé. Il me dit que nous allons faire un tour. Je suis sur un stade, il y a du monde. Je m’éloigne. Une caméraman me voit et se rapproche, elle me filme. Je vais m’asseoir sur un banc. Elle me rejoint et pose sa tête sur mon épaule, heureuse. Je pars et passe un genre de péage. Je vois qu’on renvoie, qu’on éjecte un piéton qui a voulu passer. Je sors mes papiers, on me sourit, j’avance. Je me retrouve à avancer si vite que je remarque qu’il manque la tong à mon pied droit. Je suis sur l’autoroute. Les voitures roulent à toute allure de chaque côté. Je sais que je suis fatiguée, je dois monter sur la moto qui arrive vers moi. Je ne sais pas si je vais réussir à sauter dessus en vol, je suis si fatiguée et ça va vite. La moto ralentie, je réussie à monter dessus. Je m’accroche comme je peux mais je ne suis pas sûre de tenir car avec la vitesse je vais peut-être m’envoler car je manque de force. J’y arrive quand même… Et je me réveille.

Il fait tellement chaud, pas loin des 45°. Je me suis mouillée deux fois la tête. Je n’arrête pas de boire.

… Après réflexion, hier je me suis fais draguer par un homme marié. Bien que je lui dise que je n’étais pas pour la polygamie, lui était persuadé qu’après une journée passé avec lui, je n’aurai plus envie de rentrer en France…

Lundi : Encore une journée… J’ai couru partout. L’ambassade de France qui voulait me voir aujourd’hui, m’a posé un lapin. Ils ne m’ont jamais appelé comme promis et quand moi j’ai appelé, ça sonnait dans le vide tout le matin et l’après-midi, c’était hors couverture… Ce n’est pas sérieux… Ensuite, comme Sénoussi était impossible à réveiller, j’ai pris un clando (moti-taxi) pour aller au centre de formation professionnelle où travaille Myriam. Il m’a pris pour une bourrique et m’a fait tourner en rond pendant 1h30 ! Grrr, il ne voulait pas s’arrêter et n’arrêtait pas de se tromper. En partant à 9h40, on est arrivé à 11h !

J’avais rendez-vous avec les élèves. Ceux-ci se sont cotisés et j’ai récolté 7000FCFA. En tout, sur le Tchad, il y aura eu 148000FCFA de dons, ce qui fait 216€. Il reste donc 8784€ sur les 19000 de départ. J’attends encore une promesse de dons de 120€. Je ne la déduirai du montant que lorsque ça sera là.

Mais il y a un hic là. La dernière fois que j’avais annoncé le montant de ce qu’il manquait, ça faisait 9478€. Bon, je vais recontacter Africalor afin qu’il me disent exactement ce qui a été donné depuis le début. Le problème c’est que je n’ai rien noté nul part. Vous êtes mes témoins, vous lecteurs car à vous je vous raconte tout depuis le début, au fur et à mesure. Donc je suis sûre que vous savez même mieux que moi où est-ce que j’en suis…

A 11h30, j’attendais Michael qui devait venir à l’heure française et pas à l’heure africaine ! Il est arrivé à 12h30. J’ai profité de ce temps pour discuter avec les élèves à l’extérieur, pour cibler leurs capacités. Ah ! Voilà un pro de l’informatique ! Super ! Il vient de me virer tous les virus qui s’était mis dans ma clé usb où sont stockés mes photos et vidéos. Ah en voilà un autre qui chante, pas mal ! Tu veux faire partie du concert en octobre ? Yeah ! Tout le monde viendra, tout le monde chantera, dansera ! Ce sera le concert « Pour l’Amour du Tchad », on va le faire ce concert, on va le faire !

Nous sommes allés chercher soeur Agnès au bus. Elle est venue sur la capitale visiter sa cousine malade du vih. Il paraît qu’elle refuse de se soigner… C’est son choix. On a acheté quelques bijoux à revendre sur les brocantes au retour en France. C’est la pro de la négociation soeur Agnès ! Elle m’a fait trop rire : « Allez mon frère, dis-moi le vrai prix, parce que là tu vois l’étrangère et tu exagères. Bon tant pis, c’est que tu n’as pas besoin d’argent alors, je vais ailleurs » Et moi qui renchérit : « Oh mon frère, tu ne sais pas ce que fait ta soeur avec la vente de tes bougies, c’est pour pouvoir donner des soins, aider ta femme, ta mère, tes soeurs ! C’est pour l’humanité qu’elle travaille, alors si tu l’aides tu t’aides toi, donc sois honnête mon frère ! » Et hop il a réduit le prix de la moitié…

Ensuite, je suis montée pour la première fois dans un taxi jaune. ça j’avais pas vécu comme ça. Quand le taxi s’est arrêté, sur le coup quand j’ai vu 2 personnes derrière et 2 devant, j’ai dis « Pas de place », et soeur Agnès qui me pousse à l’intérieur en me disant « mais si il y a de la place ! » On était à 4 derrière, serrés comme des boudins. Ah ça m’a fait rire, encore plus quand un autre est monté devant, ce qui faisait 3 à l’avant. S’il avait fallu tirer le frein à main, ça aurait été impossible ! Du coup ça a fait rire tout le monde, c’était sympa !

 

Bon je vous transmets ces dix derniers jours. J’écrirais un autre article pour raconter mon dernier jour au Tchad et mon premier jour en France : choc thermique, le choc des cultures et du temps.