La Cimade n’est plus la seule organisation habilitée à intervenir dans les Centres de rétention administrative. Le ministère a rendu public le nom de celles qu’il a retenues au terme de son appel d’offres : on y trouve un mystérieux Collectif respect, fausse-barbe de l’UMP !
Le 18 septembre 2008, nous vous entretenions du décret du 23 août, remettant en question le monopole de la Cimade comme association d’aide aux étrangers en Centres de rétention administrative (CRA), surtout pour insister sur l’obligation imposée aux futurs organismes appelés à intervenir dans ce cadre de "faire preuve de discrétion et à ne pas divulguer, en sa qualité de prestataire de l’État, des faits ou des informations sur les situations individuelles qu’il aura à connaître (…) à respecter une stricte neutralité au regard des situations individuelles rencontrées". Et si l’association manque à ce devoir, "l’administration peut résilier le marché sans indemnité". Par ailleurs, elle devra "rendre compte à l’administration, représentée par le préfet, de la réalisation des prestations (…) selon une périodicité trimestrielle". En somme, bâillonnée et sous la menace directe du préfet qui peut mettre fin à sa mission tous les trois mois ! La deuxième régression imposée par ce décret était évoquée en ces termes : "Émietter le soutien des personnes en rétention par une mise en concurrence des associations interdirait toute vision d’ensemble du processus d’éloignement des étrangers. Et ce faisant, affaiblirait, voire rendrait à terme impossible, la fonction d’expertise et de témoignage", prévenait fin juillet Laurent Giovannoni, Secrétaire général de la Cimade. C’est exactement ce qu’avait décidé avec son décret Brice Hortefeux, prédécesseur d’Éric Besson au ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale. Ce manque de coordination entre associations, empêchant toute approche et vision globales, est en outre aggravé par l’inadmissible "devoir de neutralité et de confidentialité". Qu’a-t-on donc à cacher qu’il faille contraindre les témoins à se taire ? Tout simplement que si un centre brûle de temps à autre, ce n’est nullement la faute des militants de la cause des sans-papiers, comme le prétend le gouvernement. Sa politique d’immigration, guidée par l’ordre présidentiel de faire du chiffre, a pour conséquence directe de parquer des centaines de personnes aux abois, dans une situation psychologique épouvantable. Dans ce contexte, la moindre étincelle met évidemment le feu aux poudres (et aux CRA).
Respect de quoi ? Pas du droit des étrangers !
La dernière forfaiture enfin du décret n’était évoquée qu’au détour d’une phrase : la Cimade allait être placée "en concurrence avec "toute personne morale" – y compris par exemple un cabinet privé d’avocats – pour se disputer les centres répartis par huit grands lots géographiques". C’est par là que le ministère de la Persécution des étrangers se rend coupable d’une nouvelle félonie : il a choisi d’attribuer les CRA d’Outre-mer à un mystérieux Collectif respect. Il ne s’agit pas, comme nous en formulions l’hypothèse, d’un cabinet d’avocats. Mais c’est pire ! D’où sort donc cette association ? Sa présentation précise : "Lorsque nous avons décidé de créer Collectif respect, nous étions au lendemain des sifflets contre la Marseillaise au Stade de France, jeunes ou moins jeunes, nous entendions remettre notre République sur ses pieds , reprendre ces trophées abandonnées à l’extrême droite : la Patrie, l’hymne national, le drapeau tricolore. Alors nous nous sommes retroussés les manches pour rassembler le plus grand nombre de citoyens autour des valeurs de la République, pour éviter que notre pays ne sombre dans le chaos." Avec quel succès ! Une pétition a été mise en ligne le 28 octobre 2008 et close le 31 décembre, appellant à manifester son "soutien massif au Collectif respect" et a recueilli en tout et pour tout… trois signatures. Massif, le soutien, en effet ! Ajoutons que l’association dispose d’un site Internet entièrement vide, comme le montre notre capture d’écran ci-contre. Le Collectif respect est donc fantomatique. Mais encore ?
La signature au bas de la présentation que nous citions plus haut est celle de Frédéric Bard, son président – qui a depuis quitté le collectif. Il est vrai que sa présence était un peu voyante : il n’est autre qu’un dirigeant de l’UMP, qui plus est chargé de mission au ministère de… l’Immigration ! Combat pour les droits de l’Homme a réalisé sur le sujet une enquête passionnante, citant les vagues tentatives de dénégation ministérielles : “L’entourage de Brice Hortefeux, le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement, affirmait mercredi soir n’avoir aucune information au sujet du Collectif respect" ; “Dans l’entourage de Brice Hortefeux, on affirme « ne pas savoir grand-chose sur cette association », même si autorisation lui a été donnée de visiter un CRA. Alors que certaines informations, circulant sur internet, indiquent que Frédéric Bard aurait été chargé de mission au ministère de l’immigration, on déclare « ne pas en avoir eu connaissance »." Piquant : le ministère ne sait pas grand chose de l’association, mais il lui accorde quand même en 2008 une subvention de 28 700 euros, nous apprend HNS-info ! Le cabinet de Brice Hortefeux devra bien finalement se résoudre à confirmer que Frédéric Bard est bien contractuel au ministère de l’Immigration. Mais comme il a démissionné de la présidence du Collectif en janvier 2008, ses actuels dirigeants – qui n’ont peur de rien ! – ne craignent pas d’affirmer un mois plus tard, dans une dépêche AFP : “contrairement aux affirmations parues dans la presse, qu’elle est une association apolitique“. Ben voyons !
Ils ont osé !
Voilà donc l’épilogue (provisoire ?) de l’histoire : le nouveau ministre, Besson-le-félon (sur la photo à côté de son glorieux prédécesseur Hortefeux), a annoncé le 10 avril dernier les résultats de l’appel d’offres. Et le Collectif respect se voit attribué l’Outre-mer. Le Monde peut titrer : Un collectif inconnu en matière d’aide aux étrangers va intervenir en rétention. Douze mille expulsés l’année dernière, le plus "juteux" des lots suivant les critères présidentiels, ceux des chiffres, constamment réaffirmés sans complexe. Le plus abominable des CRA, aussi, celui de Mayotte, que la Commission nationale de déontologie de la sécurité avait stigmatisé en avril 2008 comme "indigne de la République". On imagine combien ses étrangers emprisonnés vont bénéficier de l’aide du Collectif respect : sympathisante – pour le moins ! – de la politique d’immigration sarkozyste et de ses quotas d’expulsés, l’association fausse-barbe de l’UMP fera tout son possible pour faciliter la tâche des persécuteurs du charter. "D’autant que la mission d’intervention qui consistait jusqu’alors "à informer les étrangers et à les aider à exercer leurs droits" a été réduite par décret en une fonction "d’information, en vue de l’exercice de leurs droits", précise Le Monde. La LDH Toulon conclut : "Comme le remarque un observateur perspicace, la situation ainsi créée n’est pas sans similitude avec le système judiciaire de l’ex-Union soviétique : la défense y était “assurée” par des avocats membres du parti et le “coupable” devait reconnaitre ses fautes ! Le rôle de la justice et de la défense n’était pas de protéger l’individu contre l’arbitraire de l’État omnipotent, mais de défendre la politique de cet État !" Cette mascarade légale débutera dès le 2 juin.
On pourrait croire qu’un tel scandale allait faire un bruit assourdissant. Nous sommes aujourd’hui le 15 avril : cinq jours ont passé depuis que Besson a révélé la stupéfiante attribution des centre ultra-marins à cette association de paille et rien ne se passe. Ceux qui nous gouvernent peuvent donc bien tout se permettre ? Dans quelle République vivons-nous ?