Sarkozy se fiche du monde – mais c’est loin d’être nouveau ! Après avoir été chahuté lors de sa visite à Saint-Lô du 12 janvier, il a piqué sa crise en faisant limoger le préfet de la Manche, Jean Charbonniaud, en place depuis six mois à peine. Mais l’Elysée avait nié mercredi qu’il y ait un quelconque rapport entre les deux faits. Voilà maintenant que le Directeur départemental de la sécurité publique (DDSP), Philippe Bourgade, est obligé à son tour de faire ses valises. Cette fois, le Château ne nie plus rien mais parle dans son communiqué d’hier de "fautes professionnelles graves" lors du déplacement du chef de l’Etat. Donc le mercredi, Sarkozy prétend que la mutation du préfet n’a rien à voir avec les manifestations, pour faire volte-face le lendemain, alors qu’on a appris le limogeage du patron local de la police. Quel meilleur aveu du mensonge de la veille ! Il est vrai que personne n’y avait cru, mais tout de même.

Evidemment que ce double renvoi est directement lié aux manifestations qui ont émaillé la présentation de ses vœux aux profs par le président. Sarkozy l’irascible ne supporte pas qu’on manifeste en sa présence. Ce qui a pour conséquence des comportements policiers indignes d’une démocratie, comme par exemple à Vienne (Isère) : on empêche les gens d’approcher, par des cordons bloquant le passage vers le monarque en visite, quand on ne procède pas carrément à des interpellations, soi-disant pour vérification d’identité. On relâche ensuite les personnes une fois que Sarkozy est reparti… Or la liberté de manifestation est garantie à la fois par notre constitution et par la convention européenne, avec une seule exception : les fameux "troubles à l’ordre public". Un concept que l’orgueilleux psychopathe de l’Elysée interprète de façon on ne peut plus extensive : sitôt qu’on le conspue, il y a trouble à l’ordre public. Il confond ainsi avec le crime de lèse-majesté de l’Ancien régime. Bouffi de suffisance, il abhore tout comportement hostile à son égard. On imagine la torture que fut sans doute pour lui la journée de manifestations d’hier : plus d’un million de Français sont descendus dans la rue pour protester contre sa politique, approuvés par 69% de leurs concitoyens ! Là, il ne pouvait l’empêcher. Mais quand il se rend quelque part, interdit d’approcher. Le préfet de la Manche et le directeur départemental de la sécurité publique l’ont appris à leurs dépents. C’est un message à l’intention de leurs homologues partout en France. En attendant, ces limogeages sont qualifiés de caprice présidentiel : "Ça devient une sale habitude, commente ainsi le porte-parole du PS, Benoît Hamon. On avait eu l’épisode Christian Clavier, maintenant on a le préfet de la Manche et le chef de police. S’il faut une démonstration des dérives autoritaires du président de la République, en voilà une autre." François Bayrou, président du Modem, parle de "fait du prince". Mais surprise, les critiques viennent aussi de la droite : le député UMP Philippe Gosselin, à ses côtés durant la visite à Saint-Lô, avait bien remarqué quelque chose : "Très jflclairement, le président a été très énervé le jour de la visite", avoue-t-il. Mais il poursuit : "Dans d’autres villes, ça aurait fini avec des casseurs. Pas à Saint-Lô. Pour moi ces mutations sont une véritable erreur politique." Diable ! Mais la palme de la déclaration la plus offensive, surprenante venant d’un membre de la majorité, revient à Jean-François Legrand, sénateur et président UMP du Conseil général, qui ne mâche pas ses mots : "Je trouve parfaitement lamentable qu’on puisse utiliser un représentant de l’Etat comme si on utilisait un kleenex. C’est scandaleux. C’est une pratique d’un autre temps contreproductive d’un point de vue politique". Il a bien de la chance que Sarkozy ne puisse pas le limoger !

Mise à jour : Le Post a compilé les images d’Itélé, France 2 et France 3 pour résumer toute l’affaire en images. On y voit bien la violence avec laquelle les "forces de l’ordre" – les guillemets ici s’imposent – ont tenté d’empêcher la manifestation. Mais ce n’est pas encore assez pour Sarkozy, qui punit préfet et patron de la police pour n’avoir pu faire taire la colère du peuple.