Alors que le président américain Barack Obama vient, contre toute attente, de prolonger pour un an au moins l’embargo imposé par ses prédécesseurs contre Cuba, je pense qu’il est bon se rappeler en quoi consiste cet embargo.

En 1917, à la veille de la Première Guerre mondiale, le gouvernement américain promulguait une loi interdisant le commerce avec l’ennemi. C’est cette même loi qu’utilisera Washington pour décréter en 1963 un embargo économique contre Cuba. Ainsi, depuis cette date, il est interdit aux entreprises américaines de commercer avec l’île.

Même si cet embargo fut renforcé en 1992 par la loi de Torricelli interdisant l’envoi d’aliments vers Cuba (en-dehors d’une aide humanitaire) et la loi de Helms Burton en 1996 qui précise que l’embargo ne pourra être levé tant qu’un membre de la famille Castro gouvernera l’île, il faut bien reconnaître que l’importance de cet embargo est bien plus symbolique que réel, d’autant qu’il ne concerne que les investissements américains (de quel droit en effet Washington pourrait-il interdire à d’autres pays d’avoir des relations commerciales ou économiques avec La Havane ?).

Avant de voir quelles sont les relations actuelles de Cuba avec les investisseurs étrangers, il faut se rappeler qu’à la chute de l’ancien régime en 1959, la révolution cubaine avait nationalisé les entreprises étrangères (des accords furent signés avec les entreprises touchées afin de les indemniser), mais depuis 1988 le gouvernement cubain s’est à nouveau tourné vers l’étranger, d’abord timidement à travers des accords dits de coentreprises (dont à surtout profiter le secteur touristique et on a vu fleurir les complexes hôteliers binationaux), et plus franchement lors d’une réforme de la constitution, en 1992, reconnaissant le droit à l’investissement étranger et accordant certaines garanties aux investisseurs.

En 1995, de nouvelles lois ont été votées, ouvrant encore plus le marché cubain aux investissements étrangers. Ainsi, ceux-ci se sont étendus au-delà du tourisme et, désormais, des partenaires de 46 pays sont actifs dans 32 secteurs de l’économie de l’île. Citons, entre autres, la construction, l’industrie, l’exploitation minière, l’agriculture, la métallurgie, la sidérurgie, l’industrie alimentaire…

Si l’on classe les pays par ordre d’importance de leurs investissements à Cuba, selon les chiffres que j’ai pu obtenir, nous trouverons en tête de liste l’Espagne, suivie par le Canada, puis l’Italie et la France qui se place donc en 4ème position, devant l’Angleterre, le Mexique et même devant le Venezuela de Hugo Chavez qui n’arrive que 7ème.

Ainsi, depuis les dernières réformes adoptées par le gouvernement cubain, on a pu constater une augmentation des investissements étrangers de l’ordre de 26 % et une hausse des exportations du pays de 25 % (ce qui représentait, en 2000, 27 % des revenus directs). Il faut noter que les salaires perçus par les 19.800 ouvriers cubains travaillant pour des entreprises internationales en l’an 2000 étaient nettement supérieurs à ceux de leurs collègues travaillants pour des entreprises nationales.

  On peut relever également que depuis 1995 fonctionnent à Cuba des fonds d’investissement dont le but annoncé est d’attirer des capitaux étrangers afin de « dynamiser l’économie cubaine et lui permettre de réaliser les changements structurels nécessaires. »  

Tout ceci prouve donc bien que l’économie cubaine essaye depuis plusieurs années de se tourner vers des pratiques dites capitalistes, pratiques pourtant toujours condamnées et décriées par le discours politique.

Ces chiffres montrent aussi que les investisseurs américains sont les premières victimes de l’embargo imposé par leur pays contre Cuba et que si La Havane regrette les dollars de l’oncle Sam, elle les a depuis longtemps remplacés par des Euros, des Dollars canadiens, des Livres sterling, des Pesos mexicains et des Bolivars vénézuéliens.

Rejeter l’entière responsabilité de l’état de l’économie cubaine sur cet embargo est donc une accusation vide de sens, sans rapport avec la réalité, ne pouvant qu’alimenter la vacuité de certains discours politiques.

Source : El Ministro de las Inversiones Extranjeras y la colaboración Económica, La Habana, Cuba.