L’Histoire a ses figures héroïques, ses personnages exemplaires, ses acteurs de premier rôle. Tandis qu’une minorité de protagonistes s’attirent toutes les louanges, que certains ont une existence connue de A à Z grâce aux travaux d’historiens en quête de savoir, que d’autres sont hais, détestés, à cause de méfaits orchestrés de leur vivant, il y a une majorité d’inconnus. L’Histoire est un vaste domaine jalonné de mystères, de trous noirs attirant dans l’oubli la majorité d’entre nous si n’avons pas un haut fait auquel se raccrocher. Une fois les contemporains décédés, si votre nom n’entre pas dans la postérité, vous disparaissez à jamais. Durant la terrible guerre de 1939-1945, on ne compte plus le nombre de héros anonymes, foudroyés par la mort, en pleine force de l’âge. Un de ceux là, se voit enfin, 70 ans après avoir perdu la vie, remis sur le devant de la scène, son nom : Witold Polecki.

 

L’histoire de Witold commence en Russie, à Olonets, en mai 1901. Il vit ses premières années dans l’empire tsariste où sa famille, d’origine polonaise, s’est réfugiée à la fin du XIXème siècle. Il n’a que 9 ans quand son père décide de revenir vivre dans les terres natales, à Vilnius (à l’époque, la ville est encore polonaise). Il y achève ses études de commerce et rejoint les rangs d’une organisation aparentée au scoutisme. Témoignant un grand attachement à son pays, il intègre par la suite, les forces d’auto-défense polonaises. C’est ainsi, lors du premier conflit mondial, c’est sous la bannière blanche et rouge, qu’il combat. Une épreuve qu’il mènera deux années supplémentaires, face à la Russie, lors de la guerre russo-polonaise de 1919-1920. Cavalier émérite, il ne faut pas oublier que l’on se battait encore à cheval, il est maintes fois récompensé et décoré.

 

 

La paix est éphémère, à peine a tel eu le temps d’apaiser les esprits, que les canons recommencent à tirer toutes leur mortelle ferraille. En septembre 1939, des soldats endoctronés par un petit homme fou envahissent son cher pays. Il prend les armes et monte un réseau de résistance à Varsovie, puis dans l’ensemble des grandes villes, il se retrouve à la tête d’une organisation comptant près de 8000 hommes. Witold soumet une idée à ses supérieurs, il désire entrer dans le camp d’Auschwitz afin d’en savoir plus sur ce qui se passe là bas et pour recolter des informations pouvant être utiles à la résistance. Volontairement et équipé de faux papiers au nom d’un certain Tomasz Sarafinski, il est emporté violemment par la Gestapo au cours d’une rafle, avec 3000 autres de ses concitoyens.

 

 

Une fois dans l’aire du prédateur, il monte une organisation sousterraine, composée de 5 cellules étendues à l’ensemble du camp, dans le but de glaner tous renseignement pouvant être d’une quelconque utilité pour lutter contre la Wehrmacht. Alors prisonnier, il a longtemps espéré qu’une livraison d’arme aéroportée soit faite au dessus du camp afin que les détenus puisse s’insurger, une attente restée vaine. Il était certainement trop optimiste, car comment des hommes transformés en squelettes ambulants, harassés par le froid et la faim, aurait pu-t-ils tenir tête à des soldats aguerris ?

 

 

Dans ses multiples rapports transmis à l’armée, il chiffra le nombre de morts et de déportés. Selon ses calculs, en 1942, il y aurait eu plus de 2 millions de victimes. Des propos exagérés selon ses supérieurs, aveugles, ne voulant pas croire qu’une telle barbarie soit possible et pourtant !

 

 

Voyant qu’il n’était pas pris au sérieux, un soir d’avril, profitant d’un moment de négligence chez ces cerbères de sentinelles, il parvint à s’enfuir. En 1944, il prend part à l’insurrection de Varsovie mais l’emeute s’effondre et il est fait prisonnier. Dans la volonté expansionniste d’une armée rouge de sang, les soviétiques s’installent en Pologne. Dans les geoles communistes, il croupit et se fait torturer jusqu’à la fin de la guerre.

 

 

Une fois de plus, un nouvel affrontement se prépare alors qu’un autre vient de se terminer. Le monde se partage progressivement en deux blocs, Witold prend part pour l’Ouest et joue les espions pour sa glorieuse majesté. De retour en Pologne, sa mission est de relever toutes les preuves attestant que des atrocités sont commises. Les services de la Sécurité Intérieure mettent peu de temps pour découvrir la véritable identité de Witold. Il est appréhendé, torturé, jugé lors d’un faux procès, une tradition en URSS, condamné à mort et fusillé.

 

 

Witold Pilecki aurait pu rester un inconnu pour l’ensemble de l’humanité si des acharnés de vérités historiques n’avaient pas travailler corps et âmes pour le réhabiliter. Un homme de courage et d’une grande bravoure, ne pouvait disparaître ainsi. L’honneur est sauvé, tel un phénix renaissant de ses cendres, ce résistant acharné, patriote jusqu’à la fin, est salué comme il se doit.