Année après année, les ministres de l’Agriculture français viennent claironner qu’ils ont sauvé la Politique agricole commune. Soit, prioritairement, celle qui profite aux gros plus producteurs et éleveurs français regroupés dans la FNSEA, le syndicat patronal. On pouvait penser que le Royaume-Uni, réputé hostile à la PAC, serait le plus en pointe pour la réformer.
Détrompez-vous, claironne George Monbiot, journaliste spécialiste de l’environnement, sur son blogue et dans les pages du Guardian.
La PAC, c’est d’abord et surtout « une subvention étatique massive destinée aux Européens les plus riches : les aristocrates et les ploutocrates détenant les plus gros domaines. ».
Air connu.
Profitant aux plus riches Britanniques aussi : en février dernier, un comité des Commons (la chambre des députés), a non seulement demandé le maintien du système actuel mais aussi le retour aux primes à la tête de bétail, soit à la production des plus gros éleveurs (parfois d’anciens banquiers, voir plus bas).
Pour Monbiot, les riches fermiers et éleveurs européens sont comparables à Bernie Ecclestone, le propriétaire de l’écurie de formule 1 Brabham. La fille de Bernie, Tamara Ecclestone, vient d’ouvrir les portes de son appartement londonien à Channel 5. Piscine, bien sûr, mais aussi une seconde pour les cinq chiens, un ascenseur pour la Ferrari, piste de bowling avec boules à incrustations de cristal et cristal encore pour une baignoire taillée dans la masse. Comme les fermiers fortement aidés, Bernie Ecclestone empoche les profits mais impute les pertes ou les investissements au nations qui accueillent ses circuits. Plus globalement, pour Monbiot « alors que les pauvres sont accablés de toutes parts, le gouvernement cherche encore à transférer leurs maigres ressources vers les plus riches. ».
Je sais, c’est ch…
Faute de pouvoir créer un encadré pour cet article, juste une « incise ». Les plus ignorants des problèmes complexes évitent davantage de s’en informer que les autres, et plus la question est cruciale, urgente (ainsi de la crise de l’Eurozone), davantage on se bouche les oreilles, révèle une récente étude de l’American Pyschological Association. Plus grave : les moins informés sont aussi ceux qui s’en remettent aux déclarations gouvernementales pour se fonder une vague opinion sur les questions dont ils veulent pratiquement tout ignorer. Conséquence : « ces personnes évitent ensuite d’en apprendre davantage sur telle ou telle question car cela pourrait ébranler leur foi dans le gouvernement, » résume Aaron C. Kay, de Duke University.
Ce qui vaut pour les Américains et les Canadiens vaut aussi pour les Françaises et les Français, à cela près qu’il conviendrait sans doute de remplacer « gouvernement » par « majorité parlementaire » ou « opposition », selon les convictions de chacun.
« Moralité », dérangeante, pour les éducateurs et les journalistes : pré-digérer les infos, les rendre encore moins complexes, encore plus accessibles, abonder en exemples locaux, individuels, dans une plus grande proximité avec l’auditoire ou le lectorat. Vu le niveau de vulgarisation à la louche et d’approximation pédagogique déjà atteint par la presse ou l’enseignement (fondé sur le rabâchage « propre » à remplir correctement des questionnaires à réponses multiples), bonjour les dégâts… La crise de l’Eurozone racontée par Jean-Pierre Pernaut et telle que perçue par la manucure de Trifouillis-les-Oies (attention, ce n’est qu’une image : je connais des manucures très instruites et futées, et les Trifouillitaines sont loin d’être des oies), et hop, Sarkozy remonte dans les sondages.
Fin de la parenthèse, reprenons…
Impunité
Matt Ridley ruine la banque Northern Rock (reprise par Virgin Money et Richard Branson) ? Jouable pour Branson, qui se propose de reprendre Northen Rock et 60 agences de la Lloyds, mais guère son passif (25 milliards d’euros d’actifs toxigues), alors que des économistes relèvent que l’opération coûtera au contribuable 1,4 milliard de livres. Pas grave pour Matt Ridley, poursuit Monbiot : il dispose de 4 000 hectares de terres agricoles et touchera donc des subventions européennes en rapport. Du « roc », il a retiré de la terre arable et laissé les déchets et la facture au contribuable, dont il continuera de recevoir des subsides.
Nationaliser les pertes, privatiser les profits, c’est aussi la politique suivie en France avec la bancassurance Dexia… Quand elle sera retapée, on la cèdera de nouveau au privé. Bien sûr, Sarkozy et « son » gouvernement assurent que le deuxième plan de soutien public « pourrait même avoir un impact positif sur le budget de l’État… ». Taratata… Axel Miller et Pierre Richard, qui ont conduit Dexia à la ruine, s’en tirent très bien : Miller est redevenu banquier, Richard coule une retraite heureuse avec 50 000 euros par mois. Leur successeur, Pierre Mariani, conviait encore la presse pour une luxueuse croisière sur le Bosphore au printemps dernier : il croyait pouvoir fêter l’acquisition de DenizBank, devenue filiale turque de Dexia, revendue récemment en catastrophe.
« La Belgique a demandé à la France de renégocier le plan de sauvetage conclu début octobre autour de Dexia. Mais Paris, tétanisé par une possible hausse de sa note de crédit, fait la sourde oreille. Pire : il y a peu, Pierre Mariani, le directeur délégué du Holding Dexia, a demandé aux Belges de maintenir leur garantie plus longtemps que les accords initiaux, » rapporte Le Vif (.be).
Qu’adviendra-t-il de Pierre Mariani ? Au pire, il regagnera le confort de l’Inspection des finances (au minimum, 9 000 euros par mois). Roulez petite vieillesse, votre emploi garanti jusqu’à la retraite durera plus longtemps…
Surpayés, quoi qu’il advienne
Les Britanniques se sont dotés d’un comité bidule, la High Pay Commission (comité sur les hauts-salaires). Mais, une fois n’est pas coutume, ce comité n’a pas conclu que tout allait bien pour les marquis de l’industrie et de la finance. Certains ont vu leur poste se renchérir de 5 000 fois en 30 ans (pour Barclay’s Bank), alors que les salaires moyens n’étaient que triplés (et les plus petits, de fait, souvent régressaient). Les mesures préconisées ne sont pas sévères, le comité ne demande que la transparence (ainsi la publication du ratio entre les moins payés et les plus rétribués). Pas question de légiférer : un autre comité machin prônera l’autorégulation.
L’ancien Pdg de Barclays percevait 69 fois le salaire moyen britannique, celui de Lloyds Bank perçoit 75 fois le salaire de son employé le plus mal payé (progression de l’écart démultipliée par six en trente ans). Le rapport évoque des progressions « stratosphériques ». Et tient pour un mythe le fait que la surenchère aux très forts salaires stoppe la « fuite des cerveaux ».
L’ennui, c’est que, pourquoi voudriez-vous que de petits actionnaires continuent à investir dans des sociétés rémunérant tant des dirigeants qui, trop souvent, les conduisent impunément à la faillite ou à devoir céder des actifs pour l’éviter ?
Certes, des épargnants prennent encore de forts risques. Mais ils se font beaucoup plus rares. D’autant que des mécanismes encouragent le « prends l’oseille et tire-toi » des dirigeants. Le profit à très court terme les enrichit tant que, si le déluge survient par la suite, ils se sont gavés et ont même réussi à se recaser et recommencer.
Au passage, cela enrichit les chasseurs de têtes, rémunérés en pourcentage des payes obtenues par leurs poulains. Au moins, avec les footballeurs, s’ils ne marquent pas de buts, on les remplace. Pas vraiment les dirigeants des très grandes entreprises.
En Grande-Bretagne, une partie des acheteurs (pas ceux des produits de luxe) ont commencé à fuir les marques.
Deborah Hargreaves, qui préside le comité, ancienne du Financial Times (où elle tenait peut-être un autre langage, je ne sais), n’a pas de mots trop durs. Ces rémunérations « corrodent la confiance du public (…) endommagent la société et l’économie. ». Elle ajoute : « nos recherches ont montré très peu de relation entre la performance et les niveaux de rémunération : les dirigeants parcourent le monde en quête de très hauts salaires mais ne sont pas forcément à la hauteur de leurs tâches. ».
Le comité n’est pas hostile aux stock-options, mais libérables sur le long terme, pas à courte échéance.
The Guardian, mais aussi The Independent, d’autres titres, ont monté ce rapport en tête de une, ou au moins en une (cas de The Telegraph) tandis que le Financial Times et le Times le reléguaient en pages intérieures. Pour Brendan Barber (syndicaliste), « cet extraordinaire transfert de richesse de bas en haut n’est pas seulement moralement répugnant, c’est un facteur décisif du désastre économique. ».
Travailler plus pour enrichir davantage
À part cela, David Cameron voudrait que l’Union européenne permette que les Britanniques travaillent au-delà de 48 heures par semaine : normal, les déjeuners d’affaires peuvent se prolonger longtemps. Selon le comité, si la progression des hauts-salaires se poursuit, en 2035, les 0,1 % les plus riches représenteront 14 % du revenu britannique global, « comme dans l’Angleterre victorienne ». Pour ce faire, il serait bon de revenir à la semaine de travail sous la reine Victoria : jusqu’à 16 heures par jour (×6 jours), pour 25 pence la semaine (pour les enfants), soit 11 « new pence » (env. 1,5 euro de la semaine de 96 heures).
La grande distribution britannique « emploie » désormais des « volontaires » de 16 ans et plus pour réapprovisionner les gondoles, laver les sols, &c., jusqu’à deux mois d’affilée pour rien de plus que les 53 livres d’indemnités de chômage (versés par le royaume). Dans un hyper Tesco, un jeune homme, au cours de ses sept semaines de travail, a eu la chance de travailler à la cantine : il était au moins nourri. Le temps de travail est aménagé : seulement 30 heures par semaine. Il n’est pas sûr qu’après le rush des ventes de Noël, les supers et hypers soient tant demandeurs de main d’œuvre gratuite. Parfois, cependant, Tesco embauche. Puis débauchera en temps « utile » ?
Une petite bouffée positive : l’actuel patron de Tesco ne reçoit, en salaire de base, que 1,1 million de livres contre 1,4 annuel pour son prédécesseur (qui empochait aussi des millions en bonus divers). 47 % des actionnaires de Tesco s’étaient rebiffés en mars dernier. Minoritaires, certes, mais écoutés, car Tesco vend directement au grand public.
En France, la majorité UMP à l’Assemblée nationale a repoussé les amendements visant à « taxer de manière dissuasive les retraites chapeaux » et celui prévoyant de surtaxer d’un cinquième les « golden parachutes » (prime de départ). Cependant, Gilles Carrez (UMP) veut créer un taux de taxation supplémentaire pour ces retraites chapeaux, à 10%, en plus de ceux à 7% et 14% (le gouvernement rependra ou pas son nouvel amendement). Marianne conclut sur le sujet : « En 2010, les rémunérations des dirigeants bancaires, sur lesquelles seront calculées leurs retraites chapeaux comme leurs golden parachutes, ont progressé de 44,8 %… ». Champagne, réglé par les petits épargnants… Travaillez plus pour les rémunérer mieux. Et envoyez donc vos enfants faire des stages non-rémunérés, d’« observation », dans les banques.
De L’AFP :
«[i] L’enveloppe de 3 milliards d’euros débloquée par la Caisse des dépôts (CDC) pour les collectivités locales est « déjà épuisée dans certaines régions », a estimé mardi le président de la commission des finances de l’Association des maires de France (AMF), Philippe Laurent (DVD).[/i] ».
Merci Dexia et les autres qui avaient placé des emprunts « pourris » (indexés sur le franc suisse, par ex.) aux collectivités.
Voir demain la presse de Haute-Loire :
L’Association des Régions de France organise ce mardi à Clermont-Ferrand un colloque sur l’avenir de la PAC après 2013. Le président de Région et membre du Comité des Régions d’Europe, René Souchon, particulièrement investi depuis deux ans sur la thématique, vient d’être désigné à l’unanimité par les membres de la Commission NAT, rapporteur pour le Comité des Régions d’un avis sur l’ensemble des règlements qui vont régir la future PAC après 2013.
René Souchon (PS) est un ancien président de l’Office national des forêts (ONF)
Sur Dexia, de [i]Libération[/i] et Nicolas Cori (mais réservé aux abonnés) :
« [i]Une note que [/i]Libération [i]s’est procurée contredit l’ancien patron de la banque : seules des fins lucratives ont motivé la vente de produits structurés aux élus locaux.[/i]
[i]Pourquoi Dexia a-t-il distribué à des milliers de collectivités françaises des emprunts toxiques ?[/i] “Pour répondre à leur demande”, [i]s’est justifié la semaine dernière Pierre Richard, l’ancien PDG de la banque aujourd’hui en voie de démantèlement, lors de son audition par la commission d’enquête de l’Assemblée nationale. La réponse a ulcéré les députés qui sont aussi élus locaux : aujourd’hui, leurs communes regorgent d’emprunts alignés sur le cours du franc suisse ou du dollar… [/i]».
Un commentaire (consigné ailleurs, en commentaire d’un article sur Bruno Le Maire) mais qui a toute sa place ici :
« Sans oublier que +-5% des 11 milliards d’aides PAC sont détournés pour financer les… élections. Agriculteurs, regardez votre déclaration PAC au moment de votre déposition au 30 mai, et vérifiez sur votre compte en banque, en novembre ; la surprise est de +-5% en moins du montant demandé ! Mais personne n’osera faire une réclamation, car le chantage marche très bien ; « on vient te contrôler si tu rouspètes »
Alors il vaut mieux fermer sa G….E. Et sans oublier que depuis 1992, des millions de fermes ont disparu, car pour la plupart, les primes PAC sont supprimées, et sans raison valable ! »
Eh oui, les plus gros subventionnés ont pu absorber les terres des plus petits.
Beaucoup de petits éleveurs, agriculteurs, doivent avoir un job « à côté ».
Pour les très gros, cela va : ils supervisent.