Par Wicem Souissi – journaliste

Mais que fait la presse? Rien, ou presque. Les récents événements du bassin minier de Gafsa en Tunisie n’ont pourtant pas de précédent. Syndicalistes et jeunes chômeurs viennent de faire plier le régime de Zine Ben Ali, mais les journaux n’en font pas état.

Et pas seulement les médias locaux, qui reproduisent unanimement les dépêches rassurantes, voire euphoriques, de l’agence officielle TAP, qui rapporte au contraire l’adhésion (sic) de la population de ce Sud paupérisé aux choix du chef de l’Etat. A l’exception de quelques dépèches d’agence, la presse étrangère n’a pas cru bon de communiquer des informations à cet égards.

Et pourtant. Laissée pour compte du trop fameux « miracle économique » tunisien, la jeunesse locale reproche, depuis le 5 janvier, à l’entreprise publique d’exploitation du phosphate une politique de recrutement entachée de favoritisme. Elargie à l’échelle nationale, un esprit frondeur s’affichait sur leurs banderoles: « l’argent du peuple est dans les palais, et ses enfants dorment sous des tentes ».

Grèves de la faim et manifestations bon enfant ont, à partir de dimanche 6 avril, pris un tour autrement revendicatif à la suite de l’arrestation massive, et des jeunes et des dirigeants syndicaux.

La veille, les syndicalistes avaient porté leurs revendications au sein de la capitale où des associations de défense des droits de l’homme et l’association des femmes démocrates (ATFD) en son siège de Tunis leur avaient témoigné leur solidarité. A leur retour chez eux, les autorités ont cueilli, au matin, leaders et troupes du mouvement de protestation.

Habitué à en imposer, le pouvoir a cependant dû faire face, dans la sous-préfecture de Redeyef, mercredi 9 avril, à une marche sans équivalent de la population comptant la présence éminemment symbolique des femmes de la ville.

Les autorités ont cédé. Les prisonniers furent relâchés. Les interrogatoires subis furent à l’évidence musclés: les images diffusées sur le Web en font foi.

Les revendications de justice sociale et de dignité n’en demeurent pas moins brandies en étendard. Solidaires, les composantes de la « société civile » tunisienne sont épaulées par les compatriotes vivant à l’étranger, notamment en France.

Hasard du calendrier ou pas, le 9 avril est une date que les Tunisiens ont en mémoire. Soixante-dix ans auparavant, les nationalistes avaient manifesté en masse contre le protectorat français. Prise de conscience aidant, ce fut un tournant décisif de leur lutte pour l’indépendance.

Il n’est pas impossible que, mutatis mutandis, ce soit aussi le cas, cette fois contre les injustices produites par une corruption galopante sous le régime de Zine Ben Ali. Les médias en parleront peut-être, mais a posteriori.

Par Wicem Souissi – Rue89 – 16/04/2008

Par Wicem Souissi – journaliste

Mais que fait la presse? Rien, ou presque. Les récents événements du bassin minier de Gafsa en Tunisie n’ont pourtant pas de précédent. Syndicalistes et jeunes chômeurs viennent de faire plier le régime de Zine Ben Ali, mais les journaux n’en font pas état.

Et pas seulement les médias locaux, qui reproduisent unanimement les dépêches rassurantes, voire euphoriques, de l’agence officielle TAP, qui rapporte au contraire l’adhésion (sic) de la population de ce Sud paupérisé aux choix du chef de l’Etat. A l’exception de quelques dépèches d’agence, la presse étrangère n’a pas cru bon de communiquer des informations à cet égards.

Et pourtant. Laissée pour compte du trop fameux « miracle économique » tunisien, la jeunesse locale reproche, depuis le 5 janvier, à l’entreprise publique d’exploitation du phosphate une politique de recrutement entachée de favoritisme. Elargie à l’échelle nationale, un esprit frondeur s’affichait sur leurs banderoles: « l’argent du peuple est dans les palais, et ses enfants dorment sous des tentes ».

Grèves de la faim et manifestations bon enfant ont, à partir de dimanche 6 avril, pris un tour autrement revendicatif à la suite de l’arrestation massive, et des jeunes et des dirigeants syndicaux.

La veille, les syndicalistes avaient porté leurs revendications au sein de la capitale où des associations de défense des droits de l’homme et l’association des femmes démocrates (ATFD) en son siège de Tunis leur avaient témoigné leur solidarité. A leur retour chez eux, les autorités ont cueilli, au matin, leaders et troupes du mouvement de protestation.

Habitué à en imposer, le pouvoir a cependant dû faire face, dans la sous-préfecture de Redeyef, mercredi 9 avril, à une marche sans équivalent de la population comptant la présence éminemment symbolique des femmes de la ville.

Les autorités ont cédé. Les prisonniers furent relâchés. Les interrogatoires subis furent à l’évidence musclés: les images diffusées sur le Web en font foi.

Les revendications de justice sociale et de dignité n’en demeurent pas moins brandies en étendard. Solidaires, les composantes de la « société civile » tunisienne sont épaulées par les compatriotes vivant à l’étranger, notamment en France.

Hasard du calendrier ou pas, le 9 avril est une date que les Tunisiens ont en mémoire. Soixante-dix ans auparavant, les nationalistes avaient manifesté en masse contre le protectorat français. Prise de conscience aidant, ce fut un tournant décisif de leur lutte pour l’indépendance.

Il n’est pas impossible que, mutatis mutandis, ce soit aussi le cas, cette fois contre les injustices produites par une corruption galopante sous le régime de Zine Ben Ali. Les médias en parleront peut-être, mais a posteriori.

Par Wicem Souissi – Rue89 – 16/04/2008

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