L’instance supérieure indépendante pour les élections et le gouvernement provisoire ont trouvé un compromis sur la date des élections de l’assemblée constituante.
Ce sera finalement le 23 Octobre prochain.
Les acteurs politiques se sont bien rendu compte qu’à la première date fixée, le 24 juillet 2011, il ne pouvait véritablement pas y avoir une élection libre et transparente. Outre le recensement des électeurs, il fallait renouveler bon nombre de cartes nationales d’identité et les conditions sécuritaires actuelles ne vont pas permettre le bon déroulement des élections.
Pendant ce temps les partis politiques prolifèrent et on assiste à des meetings et des tables rondes à l’initiative de ces derniers un peu partout dans le pays. Les tunisiens ont compris la nécessité d’une stabilité permanente pour le redémarrage de l’économie et notamment le secteur touristique déstabilisé par la révolution. C’est chacun maintenant qui veut s’accaparer du mérite de la révolution. Des chefs de partis politiques cherchant la sympathie de la population, aux juges et procureurs friands (maintenant) de justice, le peuple assiste, médusé, à ce nouveau jeu démocratique.
La mascarade du procès « Ben Ali »
Pas moins de 93 chefs d’accusations étaient retenus contre le couple « ben Ali » ? Mais l’engouement populaire recherché le jour de l’ouverture du procès, 20 juin, n’a pas répondu à l’appel, imputable surement à l’absence des principaux accusés, recroquevillés depuis leur fuite du pays dans leur vaste palais de Riyad. Ce procès, qualifié de mascarade par Ben Ali, lui-même, survient selon moi un peu trop tard. Mais vaut mieux trop tard que jamais. S’il aura fallu plus de cinq mois pour l’organiser, ils auraient au moins fait un effort pour rapatrier le couple au pays. C’est à croire que le mandat d’arrêt international planant sur la tête du couple n’est que plaisanterie. La communauté internationale, complice ou incapable de faire pression sur l’Arabie Saoudite, qui, non contente d’avoir offert au couple refuge et protection, continue d’ignorer jusque-là la demande d’extradition tunisienne.
Une mise en scène selon les propres mots du président déchu visant à le discréditer pour donner une certaine légitimité au gouvernement de transition dépassé par la situation du pays. En tout cas, la population est divisée sur le bien fondé de ce procès au verdict sans conséquences. Après tout, quelle importance a-t’on, historique peut-être, à condamner par contumace, un homme qui ne passerait même une milliseconde en prison ? Le peuple a besoin de tourner la page Ben Ali une fois pour toute. Et ce n’est pas en regardant par le passé que nous allons le faire. Ses bourreaux d’aujourd’hui n’étaient-ils pas ses collaborateurs d’hier ? Ces juges ont-ils la mémoire courte ?
Peut-on vraiment même parler d’un procès ? La législation tunisienne ne permet pas à un homme jugé par contumace ne peut être représenté par un avocat. Donc si les deux avocats français et libanais de Ben Ali pourront assister au procès, il ne seront pas en revanche autorisés à prendre la parole et défendre leur client.
Les conséquences du report des élections.
Au lendemain de la révolution tunisienne, les agences de notations ont aussitôt baissé la note souveraine de la Tunisie. A ce qui parait l’argent n’aime pas le bruit. Et les grèves incessantes qui suivirent viendront conforter leur prévision. La situation économique est quasi intenable et ce n’est pas ce report des élections qui viendra arranger les choses. Entre l’augmentation exponentielle du nombre des chômeurs, et la passivité de ce gouvernement dépassé par l’attente immédiate des résultats, les chefs d’entreprises et surtout les investisseurs étrangers (en majorité européens) s’interrogent. Et à l’ombre du procès « Ben Ali », ce sont quelques 300 entreprises, détenus par ses proches et collaborateurs, qui sont dans le brouillard total. Ces entreprises, qui ont pas moins de 5 milliards de dinars (2,54 milliards d’euros) comme actifs et placées sous l’autorité des administrateurs judiciaires, sont presque toutes en difficultés.
Qui dit report des élections pour l’assemblée constituante, dit également report des élections législatives et présidentielles. Il faudra donc moins 1 année voire 2 années à la Tunisie, pour se doter d’une institution démocratique, élue par le peuple. Un délai que jugeront certainement très long les investisseurs, exaspérés par cette instabilité politique et sociale, et qui au final, iront probablement chercher ailleurs, du côté du Maroc peut être. Et Bruxelles aussi s’y mêle. « Nous ne pouvons pas traiter de choses stratégiques avec un gouvernement de transition et un président qui n’a presque pas de pouvoir et en l’absence d’un parlement », explique un ancien ambassadeur de l’UE au Maghreb, cité par Maghreb-intelligence.
La décision de ce report des élections, même si elle est justifiée, ne sert pas l’intérêt de la reprise économique. La situation économique reste très fragile et la Tunisie a énormément besoin du soutien de l’aide de la communauté internationale.