Tunisie : deux bonnes nouvelles ; France : le poids du silence

Au lendemain (ou presque) de la démission de Monsieur Mohamed Ghannouchi et de plusieurs autres membres du gouvernement provisoire, les radios viennent tout juste de nous rapporter la décision prise par le président de la République par intérim, Monsieur Fouad M’Bazzaâ, relative à l’organisation des futures élections. Cette décision se caractérise par deux bonnes nouvelles, sur la forme et sur le fond.  

Sur la forme, d’abord : la date choisie, le 24 juillet, correspond à la veille de la Fête de la République tunisienne. Un symbole des plus heureux !

Mais le fond n’a rien à envier à la forme puisqu’il s’agira d’élections législatives pour la formation d’une Assemblée constituante. Plus qu’une bonne nouvelle, une grande nouvelle : la révolution du jasmin se place dans le sillage de la révolution des œillets, au Portugal. C’est un heureux présage aussi organiser une élection présidentielle, comme on pouvait le craindre, aurait conduit à faire la double impasse sur la nécessaire réforme du Code électoral en prélude à celle de la Constitution, « miroir des aspirations du peuple et des principes de la révolution ».

L’échéance retenue est donc proche mais pas précipitée. Les cinq mois à venir pourront donc être mis utilement mis à profit pour élaborer, sans l’improviser, ni le bâcler, « un nouveau code électoral par une instance qui regroupera des personnalités nationales, des représentants des partis politiques et des composantes de la société civile » ; il « devra être fin prêt au maximum avant fin mars prochain ».

A ce jour, nombreux sont les partis politiques ayant une existence légale en Tunisie. Dans la foulée de la fuite de Zine Ben Ali ont été reconnus le 17 janvier le Parti Tunisie verte, le Parti socialiste de gauche, puis le 19 janvier le Parti du travail patriotique et démocratique tunisien, suivis le 20 par le Mouvement de la tendance islamique, ex-Ennahda, le Parti communiste des ouvriers de Tunisie et le Congrès pour la république et enfin, le 22 janvier par le Mouvement Baâth.

Une autorisation a été émise le 9 février pour la constitution du Parti El Wifak, suivie d’une deuxième vague le 3 mars pour celles du Parti du centre social, du Parti de la dignité et de l’équité, du Mouvement des unionistes libres, du Parti des jeunes démocrates, du Parti de la justice et de l’équité, du Mouvement de la réforme et de la justice sociale et du Mouvement national pour la justice et le développement.

Ces nouveaux venus viennent rejoindre les 9 préexistants : Rassemblement constitutionnel démocratique, Mouvement des démocrates socialistes, Parti de l’unité populaire, Union démocratique unioniste, Mouvement Ettajdid, Parti social-libéral, Parti des verts pour le progrès, Parti démocratique progressiste et Forum démocratique pour le travail et les libertés.

Au total, pas moins de 45 demandes de visas ont été déposées, dont l’examen se poursuit, ce qui relativise les protestations démesurées suscitées par la légalisation d’Ennahda et la ramène à ses justes dimensions et à son juste poids.

Au fait, ça n’a rigoureusement rien à voir avec ce qui précède, mais avez-vous entendu parler d’une tentative d’immolation à Paris ? Pour ma part, c’est une information subliminale que j’ai perçue subrepticement sur les ondes de France Inter, un certain jour de la semaine passée.

Sur le moment, j’ai entendu évoquer, mais de manière très fugace, le palais de justice de Paris et je m’attendais à entendre des développements de cette information dans des éditions consécutives du journal ou dans d’autres médias. Et puis, rien ! Rien ! Rien !…

Reste donc à sonder Internet, pour être conduit au blog du photographe Nicolas Richoffer sur lequel se trouve une photographie assortie d’une légende qui me confirme que je n’ai pas eu la berlue :

En début d’après-midi [le 21 février], un homme s’est immolé… devant le palais de justice de Paris. Aucune indication sur son état de santé ni sur les raisons de son acte n’a été communiqué(e). À mon arrivée sur les lieux, la police réalisait des prélèvements qui n’apporteront sans doute rien d’important à l’enquête.

Le Monde précise de son côté : « Un camion de pompiers et une ambulance étaient toujours stationnés lundi vers 14h30 devant le palais de justice, où des restes des vêtements calcinés de la victime étaient également visibles ».

Les jours de cet « homme d’une quarantaine d’années » « secouru par les gendarmes et les pompiers » sont-ils en danger ? A-t-il succombé à ses brûlures ? Quelles étaient ses motivations ? Le bilan de ces interrogations, dix jours plus tard, reste à l’identique : rien ! Rien ! Rien !…

Mais ce n’est pas tout : la recherche renvoyait à une seconde référence (Europe 1) en date du 24 janvier, celle-là : « Un homme a tenté de s’immoler… samedi sous l’Arc de Triomphe à Paris en marge d’une manifestation de soutien au peuple tunisien, empêché in-extremis par des policiers alors qu’il s’était aspergé d’essence, a-t-on appris lundi auprès de la préfecture de police de Paris.
L’homme s’apprêtait à s’enflammer lorsque des policiers sont intervenus in extremis pour empêcher son geste. Il a été interpellé et conduit au commissariat du VIIIe arrondissement. Les débuts de la révolution tunisienne avaient été marqués par l’immolation par le feu de Mohammed Bouazizi, le 17 décembre 2010 à Sidi Bouzid, et depuis, les tentatives d’immolation se multiplient dans le monde arabe
 ».

Décidément, Internet est sans complaisance avec les pays où les informations sont filtrées et c’est à juste titre qu’Anne Roumanoff nous serine qu’« on ne nous dit pas tout ».