Tristan Garcia, l’écrivain tisserand

 

Avec son nouveau roman, Les cordelettes de Browser (Denoël, 2012), le philosophe Tristan Garcia nous livre un récit étonnant au croisement de la science-fiction et de la réflexion métaphysique. Après avoir fait une entrée remarquée dans le monde littéraire avec La meilleure part des hommes (Gallimard, 2008), roman traitant du milieu homosexuel dans les années 1980, et qui a obtenu le prix de Flore, il publie plusieurs œuvres littéraires et philosophiques avant de revenir en 2012 avec le recueil de nouvelles En l’absence de classement final (Gallimard) et Les cordelettes de Browser. Dans ce roman, tout comme ses personnages, qui peuvent, en nouant et dénouant les cordelettes d’une Console magique, changer ce qu’ils désirent dans leur réalité et dans leur propre personne, Tristan Garcia crée un univers original en tissant des liens entre différents genres littéraires.

 

 

Reprenant les thèmes chers au space opera, il les enrichit d’une problématique post-apocalyptique subvertie. Ici la fin du monde n’intervient plus suite à une quelconque catastrophe (guerre nucléaire, invasion extra-terrestre, cataclysme climatique, etc.) mais est comprise de façon littérale : le monde est non pas détruit mais fini, cat le temps, aboli, a laissé place à l’Eternité. A travers plusieurs récits entremêlés, l’auteur suit des personnages qui se débattent dans ce faux Eden où rien ne vieillit ni ne meurt mais où règne l’ennui. Chacun incarne une réponse différent à cet état de fait, pouvant aller du jeu au suicide, en passant par la création d’une vie fantasmée pleine d’aventures ou d’un passé idéalisé. Ils deviennent ainsi des allégories de la lutte de l’homme contre l’absurdité du monde.

La réflexion métaphysique de l’auteur est servie par un style ciselé et imagé qui pourra surprendre le lecteur en quête de simplicité mais qui n’est pourtant pas un signe de prétention littéraire. Les nombreuses métaphores contribuent ainsi à plonger le lecteur dans un monde magique fait de correspondances et de non-contradiction, qui permet le développement d’une philosophie qui suggère sans jamais chercher à démontrer. Jugez par exemple la description de la chambre d’un des personnages : « Sa chambre était un printemps. Le lit s’offrait comme une fleur et tous les murs, tous les meubles frémissaient à la manière de beaux et grands arbres blancs alentour ».

Si vous souhaitez vous laisser surprendre par un récit qui reprend le meilleur de la littérature d’hier et d’aujourd’hui afin de mener une réflexion actuelle sur la place de l’homme dans l’univers, prenez vous aussi en main les « cordelettes de Browser » !