Qui a dû éviter de passer trop près de l’Opéra-Bastille de Paris pour s’éviter d’être assommé par une lourde plaque de parement, qui s’est retrouvé totalement trempé par l’orage à l’entrée de la Grande Bibliothèque émet quelques doutes sur l’architecture contemporaine. Pour l’art contemporain, surtout monumental, on se pose d’autres questions. En témoigne la mésaventure d’une sculpture qui, à Manchester, est partie chez les ferrailleurs au bout de quatre ans… Le coût pour les contribuables à été de 50 000 euros de l’an…
En 2005, la municipalité de Manchester avait acquis pour deux millions de livres la sculpture B Of The Bang pour « ambiancer » les abords du nouveau stade de la ville. Elle a fini par en récupérer environ 17 000 au poids du métal, plus 1,7 millions par décision de justice.
Le « sculpteur » (ou plutôt le concepteur, car ces artistes contemporains se contentent habituellement de lancer une idée et de proposer une maquette), Thomas Heatherwick, a fait réaliser 180 éléments disposés en rayons ou épines, l’extrémité du plus élevé se situant à près de 60 mètres du sol. Les Britanniques sont des adeptes de sculptures monumentales et après avoir planté un Ange du Nord culminant à 54 m (création d’Antony Gormley), Damien Hirst propose un Ange de l’Est qui évoque une sorte de Jeanne d’Arc nue et fortement enceinte brandissant une épée vers le ciel dont la pointe s’élève à environ 55 mm.
Au moins semble-t-elle bien arrimée sur son socle et son ventre, même par grand vent, ne devrait pas la projeter au sol… Ilfracombe, dans le Devon, devrait voir sa baie ainsi gardée l’an prochain, le coût n’ayant pas été dévoilé.
Le B de Bang, qui tire son nom d’une expression du sprinter Lindford Christie qui s’était illustré lors des Jeux du Commonwealth à Manchester en 2002, a été érigée en 2005, puis démantelée en 2009. Pendant longtemps, tous ses éléments, dont le central, ont été stockés en espérant qu’un généreux donateur (par exemple une banque finançant la restauration avec l’argent de ses déposants) se manifeste.
Ce fut en vain puisque, en ce début juillet 2012, une bonne partie du métal a été destinée à la ferraille. Mais les rayons seront encore conservés, sans coût pour la municipalité.
Comme souvent, le coût initial, sur devis, avait été fortement minoré. Il avait doublé au fil de la réalisation… Des voleurs avaient ensuite prélevé, en août 2004, l’un des rayons, puis, en janvier 2005, un autre était tombé au sol peu avant l’inauguration de l’œuvre.
Au fil des mois, d’autres rayons sont tombés ou menaçaient de le faire, et il fallut démonter, à grand frais, en février 2009.
Cet exemple pose le problème de la durabilité des œuvres. Certes, l’art éphémère a ses charmes et attraits, mais à ce prix, c’est pousser un peu loin.
Il y a sculpture monumentale et sculpture monumentale puisque tout œuvre quelque peu encombrante destinée à l’espace public peut revendiquer l’appellation. Certaines ne posent pas problème, mais les gigantesques supposent que des ingénieurs sachant vraiment ce qu’ils font soient appelés à en calculer les contraintes.
Si la statue de Kim Jong-Il (120 m) sur le mont Sokda en Corée-du-Nord semble être destinée à durer autant que le régime de « l’irremplaçable patriote » et de ses descendants directs, d’autres, notamment dans l’ex-Comecon de l’Union soviétique, n’ont pas toutes rejoint des parcs d’attraction.
Le coût de l’entretien est parfois négligé et le Big Rig Jig de Mike Ross à Oakland (deux camions citernes paraissant s’accoupler ou faire du catch, c’est selon), créée pour le festival Burning Man de Black Rock City (2007, Nevada), aura sans doute besoin de quelques couches de peinture pour conserver sa superbe. Il en est bien sûr d’autres.
Certes le gigantisme peut provoquer un choc esthétique. Les plus éphémères, en glace ou sable, posent peu problème, d’autres sont effectivement, au fil des années, « rentables » (cas de la tour Eiffel, par exemple, des présidents nord-américains du Mont Rushmore…), et vouloir que l’art se rentabilise n’est guère une démarche artistique.
Mais quand même : espérons que la sculpture de la Crazy Horse Memorial Foundation (un Crazy Horse de 196 m de haut – juché sur son cheval – dont les travaux ont commencé en 1948 dans les Black Hills du Dakota du Sud) ne perdra sa tête lors de l’inauguration. Apparemment, quelques décennies supplémentaires seront nécessaires pour achever ce projet, qui semble bien conçu.
Au moins que les édiles ou concepteurs soient aussi prudents et avisés que le facteur Cheval dont le Palais Idéal (débuté en 1879, ayant occupé son auteur pendant 33 ans, sans subvention) accueille encore les visiteurs à Hauterives, dans la Drôme.
Cet été, si vous passez à proximité de Neuvy-les-deux-clochers (18), faites le détour pour visiter la cathédrale de Jean Linard, mais il est aussi en France nombre d’autres environnements visionnaires.
Mais il en est certainement d’encore inconnus, si ce n’est du voisinage. Questionnez autour de vous…