C'est un article assez court, en regard des perspectives qu'il offre. Aronovich et son équipe viennent de publier une proof of concept, une preuve de la faisabilité, du traitement des maladies monogèniques par transplantation de cellules embryonnaires, n'ayant pas atteint leur maturité immunitaire. Ils ont réussi la transplantation de cellules de rate d'un embryon de cochon sur une souris déficitaire en Facteur VIII, donc hémophile.
Utiliser un modèle d'animaux hémophiles pour cette étude n'est pas anodin. En effet, la protéine déficiente chez les malades, le facteur VIII dans le cas de l'hémophilie A étudiée ici, circule partout dans l'organisme, et peut être synthétisée par un grand nombre de types cellulaires. Des expériences avaient deja été menées pour démontrer qu'on pouvait rétablir son expression, par transfert de gène, chez l'humain[1]. On considère le foie comme la principale source de facteur VIII. Des transplantations de cet organe avaient deja conduit à observer des niveaux augmentés de facteur VIII chez le receveur.
La transplantation d'une rate avait deja été décrite, dès 1969, par l'équipe d'Hathaway. Le taux de facteur VIII avait augmenté chez le receveur, de manière assez forte, mais le tissu avait été attaqué par son système immunitaire, et n'avait pas survécu. Par la suite, de nombreuses transplantations de ce type ont été réalisées, une seulement conduisant à un maintien d'un niveau de facteur VIII élevé 5 mois après l'opération.
Le principal obstacle à la transplantation dans le cadre du traitement d'une maladie génétique est connu sous le nom de GVHD, Graft Versus Host Disease[2]. Dans le cas GVHD, les LT (lymphocytes T, cellules du système immunitaire) de l'hôte sain attaquent les tissus du patient malade. Cette complication est potentiellement létale.
Grâce aux connaissances apportées par la biologie du développement, on sait que les LT ne sont pas présents dans le tissu au 42° jour. L'idée de l'équipe de Aronovitch a donc été d'utiliser des cellules venant d'un embryon dont la croissance a été arrêtée avant le stade ou les LT sont présents, et de les transplanter chez un hôte malade, espérant ainsi éviter le GVHD. Le choix du 42° jour n'est pas innocent : il correspond au meilleur compromis entre croissance du tissu et absence des LT.
Les auteurs de ce papier ont réussi la transplantation de cellules de rate de cochon chez des souris correctement immunes[3]. Ils ont aussi établi le proof of concept de la correction de l'hémophilie par cette méthode dans des souris immunodéficientes n'exprimant pas le facteur VIII[4]. La condition SCID (Immunodéficience combinée sévère) des souris est initiée pour maximiser les chances d'implantation du greffon chez l'hôte, en évitant le rejet. Tant il est vrai que le greffon peut attaquer le receveur, il ne faut pas négliger que l'échec d'un grand nombre de greffes vient d'une agression du système immunitaire de l'hôte vers le greffon[5].
Parmi leurs résultats, on notera qu'ils ont mis en évidence le fait que seules les cellules venant du greffon expriment le facteur-VIII. Cependant, en examinant la dispersion de ce facteur au cours du temps, il apparait clairement qu'il diffuse dans l'organisme, en relation avec la croissance du greffon. Le résultat le plus spectaculaire est probablement celui obtenu en mesurant les taux de survie après avoir entaillé la queue des souris, transplantées ou non. Sur les 21 animaux transplantés, 21 ont survécu, soit un rare taux de survie de 100%. Dans le cas des individus non transplantés, le taux de survie est inférieur à 5%. De manière assez étonnante, les auteurs ne communiquent pas le nombre d'individus étudiés, ni dans la description des résultats, ni dans cette partie de la figure. Le comité de lecture n'aurait pas dû laisser passer l'article en l'état. Quoiqu'il en soit, les résultats obtenus sont très significatifs.
La thérapie est encore loin. Cependant, en apportant la preuve que cette approche porte ses fruits, les auteurs lui ouvrent la voie. De manière plus générale, comme ils l'expliquent, cette approche pourrait être valable pour toutes les maladies monogèniques, c'est à dire n'impliquant qu'un seul gène muté. Parmi ces maladies, on trouve un grand nombre de maladies du métabolisme, caractérisées par des mutations dans le gène codant une enzyme indispensable à la vie. Le développement de cette méthode, ainsi qu'un diagnostic précoce de ce type de pathologies, serait à coup sûr une percée fondamentale dans le domaine de la santé.
Précision ultérieure: Yair Reisner, directeur de l'étude, est assez bien placé dans Tissera, Inc, qui a financé cette étude. Tissera est une entreprise de Biotechs spécialisée dans la transplantation.
Source
Correction of hemophilia as a proof of concept for treatment of monogenic diseases by fetal spleen transplantation
Aronovich et al.
PNAS 103 (50): 19075
Notes
[1] Connelly, S et al., 1998, Tiede, A et al., 2003, Van Damme, A et al., 2003
[2] Maladie de la Greffe contre l'Hôte
[3] c'est à dire avec un système immunitaire fonctionnel
[4] Factor-VIII KO SCID mice
[5] un exemple particulièrement violent et rapide de ce phénomène est l'HyperAcute Rejection, expliquée sur WikiPedia, ou sur le site de l'UPMC (pas Jussieu, mais celle de Pittshurgh)
anonyme
un peu compliqu
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