C’est depuis mes jeunes années,

Qu’on me l’a répété.

Tu n’en fais qu’à ta tête,

Tête de mule !

En aurais-je les oreilles ?

Dieu merci, elles n’ont pas progressées.

A une longueur correcte,

Elles se sont calibrées.

Il semblerait pourtant

Que le labyrinthe de mes idées

Evacue dans quelques virages,

Tout ce qui ne fait son adage.

Entre ces deux appendices,

C’est là que se trouve le vice.

De la forme précisons,

Car le mal ne fait partie,

de ma juste raison.

Mes coups de sabots,

De cet animal affectionné,

J’ai hérité.

Mais les retours

M’ont bien calmée.

Le harnais dont on me dote,

Bien souvent, me fait renâcler.

Animal docile,

Quand on me laisse tranquille,

Boudeuse et drôle de mine,

Quand on m’oblige.

Peu importe si on me modère,

Si on me dit velléitaire.

On ne m’a pas demandé,

Dans quel champ,

Je voulais m’évader.

Du caractère de cet ongulé,

Peut-être, je suis dotée,

Mais en chemins droits,

J’avance, sans trop peiner.

Eviter sur les cailloux,

Me tordre le pied.

 

Mon pelage grisonne,

Mes sabots s’usent.

Mon pas va plus traînant,

Mes ruades, plus capables.

Au fond de mes yeux flous,

D’où coulent mes remous,

La pupille étincelle,

Mais ne s’est pas endormie,

La vieille !

Je porte dorénavant

Mon joug très allégrement.

C’est ma charge

Qui me fait avancer.

M’allège le pas,

De ce que je n’ai voulu porter.

Je rejoins docile,

De charmants compagnons,

Dont j’envie l’humeur souple

Et le caractère doux.

Ils me disent qu’ils admirent,

Mes ruades, mes escapades.

Alors je leur réponds,

A ces tendres lainés :

De quelque façon,  on soit nommé,

On finit tous, dans le même pré.