Depuis quelques années déjà Jafar Panahi est dans le collimateur des autorités iraniennes pour sa propension au politiquement incorrect : interdiction pour lui de quitter le territoire national, d’accorder des entretiens à la presse étrangère ou encore de réaliser des films. "Taxi Teheran" est donc le fruit d’un labeur accompli dans la clandestinité au cours duquel le réalisateur dénonce tout en douceur le carcan qui pèse sur la société iranienne. 

Jafar Panahi y tient le rôle principal : ce chauffeur de taxi qui peut écouter à loisir les indiscrétions des uns et des autres dans cette contrée où, dans les transports en commun, la norme consisterait plutôt  à papoter entre passagers. Issus de diverses catégories sociales, les clients donneront à travers les éléments d’une large palette un aperçu du pouls de la société iranienne : un vendeur de DVD, une institutrice, deux  ménagères de bien plus de cinquante ans, une avocate, un blessé et son épouse… 

La vérité sortant de la bouche des enfants, c’est la contribution de la nièce du réalisateur, porteuse du gène cinématographique, qui illustre au mieux les dérives d’un système fondé sur le précoce balisage mental. La prestation de la charmante dame aux fleurs, Nasrin Sotoudeh, militante des droits de l’homme, alter ego de Panahi, est un élégant témoignage de la précieuse valeur du combat des femmes dans l’évolution des us et coutumes.  

Humour, ironie se mêlent à la "gravitude"des propos se voulant spontanés ; les répliques semblent toutefois sorties tout droit d’un kit prêt à l’emploi, ce qui n’enlève en rien à l’absurdité de ces règles en vigueur… Comme s’il suffisait de passer sous silence toutes ces tares qui rattrapent le genre humain et que l’on ne saurait voir pour qu’elles arrêtent d’exister…

Le documentaire-fiction de Panahi, ode à la liberté, tient le haut du pavé cette semaine sans doute aussi pour la crainte que suscite auprès de la communauté internationale ce pays au programme nucléaire controversé,sous le coup de sanctions, sous l’éternel feu des projecteurs…Quand chez les chantres mêmes de la liberté d’expression,  le moindre écart par rapport aux normes fixées par la bien-pensance suscite tollés de tous genres, il ne faut pas trop s’étonner de la rigidité de la politique des Mollahs…