Le saviez-vous ? Même à Paris vous trouviez encore naguère (soit, hier, en juin 2014) des hôtels sans étoile ou dotés d’une maigre étoile, pas aussi borgne que vous l’imagineriez, facturant 30 euros une chambre… double. Parfois même 29,50 euros, taxe de séjour (d’un euro cinquante cents maximum, de 20 à 40 cents pour les hôtels et résidence sans étoile) incluse. Dès septembre prochain, la même chambre, en Île-de-France, pourrait passer à 40 euros. Cela pour tenir compte de deux amendements votés par la majorité dite socialiste portant la taxe de séjour par personne à huit euros hors région parisienne et à dix d’Étampes à Sarcelles, de Rambouillet à Provins et au-delà… Bousculades nocturnes à prévoir au-dessus des grilles d’aération du métropolitain… 

Il m’arrive encore de jeter un œil sur les tarifs des hôtels parisiens. J’en vois, certes assez centraux, qui n’ont pas un caractère luxueux particulier, affichant des 400 euros par nuit. Mais comptez plutôt 90 à 120 euros pour la plupart des petits hôtels (souvent des deux étoiles). Dès septembre prochain, ce tarif s’augmentera de dix euros par nuit et par personne, du fait de deux taxes hôtelières. L’une s’applique à toute la France, l’autre, déposée par Olivier Faure (PS), de deux euros, destinée à financer le Plan de mobilisation du Syndicat des transports franciliens…

Entre 400 et 420 euros pour un couple (ou 6 000 et 6 020 euros pour une chambre dans un hôtel un peu cossu), la différence n’est pas énorme. Les Dugommier, venus de Carpentras saluer un bon coup en bourse aux Folies-Bergères, ne vont guère s’émouvoir.

Pour celles et ceux qui passent dans les travées des voitures du métro, quémandant de quoi payer l’hôtel et rester propres, pour les routards, les demandeurs d’emploi venus à Paris et sa banlieue trouver un job, pour des étudiantes et étudiants de province inscrits dans des universités franciliennes mais ne pouvant se payer une soupente, c’est une catastrophe.

Encore jeune, j’ai logé un peu partout à Paris. Surtout dans des auberges de jeunesse, des hostels (des hôtels proposant des dortoirs), des sols de cuisine, d’entrées, ou coincé entre le matelas de l’hôte ou de l’hôtesse et le seul meuble de la chambre autrefois de bonne. Plus tard, même chichement défrayé, dans des hôtels que pratiquement tout un chacun, disposant d’un revenu proche du salaire minimum, qualifierait de « minables ». En tout cas désuets, avec lavabo au mieux, et toilettes et douches sur le palier.

Au pire, les salles d’attente des gares, ou les rares brasseries attenantes ouvertes toute la nuit, permettaient de somnoler. Il n’y a plus que le terminus des bus d’Eurolines et autres compagnies à rester accessibles pratiquement toute la nuit, et pour les brasseries, même les plus abordables, les assoupis sont rarement et très parcimonieusement tolérés.

Les hôteliers syndiqués hurlent à la concurrence déloyale des meublés touristiques. Lesquels sont souvent (beaucoup) plus chers qu’une petite chambre dans un tout petit hôtel du Xe ou des arrondissements de l’est et du nord parisiens.

La ou le député (ou sénateur) socialiste logeant à l’hôtel lors de ses rares apparitions en session ou commission ne va certes pas plus s’émouvoir que les ministres disposant d’un logement de fonction (fonction souvent réduite à une simple représentation, les décisions étant prises ailleurs qu’au ministère ou secrétariat d’État).

Moi, si, cela m’émeut. Car mes amis étrangers de passage éviteront l’Île-de-France. Car je ne pourrais loger les copains de province. Car j’ai encore des connaissances parmi celles et ceux qui n’ont que ces hôtels pour dormir, non pas chaque nuit, mais la plupart. Même si le taux maximum de dix euros ne s’appliquera qu’aux quatre-cinq étoiles, tous les hôtels seront touchés.

Je ne sais si ces deux mesures ont arraché le moindre regard embué à des Mélenchon ou des Laurent du Front de gauche. Il est fort possible que le Front de gauche n’ait pas été très présent en séances. Du temps de Sarkozy, l’abandon de la taxe hôtelière pour les nuitées de plus de 200 euros avait été l’un des symboles d’un quinquennat ploutocrate. 

Dans certaines communes de gauche (il en resterait…), les municipalités dispensaient de la taxe de séjour les vacanciers proposant des chèques-vacances, tout comme les mineurs en colonies (il en resterait aussi…). Mais des départements entiers percevaient une taxe additionnelle…

Toutes les communes ne relèveront pas la taxe de séjour jusqu’à huit euros. L’amendement déposé par la députée « socialiste » Sandrine Mazetier relève le plafond actuel à huit euros. Elle a précisé que le gouvernement se devra de fixer par décret un montant « selon les catégories d’hôtels ». Le fera-t-il ?

Théoriquement, France entière, la taxe de séjour de base passerait à cinq euros/personne dans les trois étoiles, et à huit pour les hôtels de catégories supérieures. Plus deux euros uniformes en Île-de-France, région encore à majorité dite socialiste.

Imaginez ce que représentent quatre ou six euros par nuit et personne (en Île-de-France) pour qui est payé un peu moins de dix euros de l’heure, pour qui doit quémander…

Qu’on se rassure cependant : le gouvernement, et notamment le Quai d’Orsay, voit ces amendements d’un mauvais œil. Non pas que le sort des SDF parvenant à loger parfois dans un hôtel vaguement garni les préoccupe. C’est la clientèle d’affaires, celle des congrès, des salons, celle des cadres défrayés des grandes entreprises, qui chiffonne nos ministres. Celle qui sort la carte dorée ou de platine. La vieille dame dont la retraite est bloquée et qui compte ses centimes n’existe pas pour eux.

Dans certains bourgs ou petites villes, le seul hôtel subsistant est un trois étoiles. Dormir dans la voiture, puis reprendre, pour éviter l’autoroute, trop chère, une départementale sur laquelle la vitesse serait bientôt limitée à 80 km/h (non pas de moyenne, car les sections à 70 et les ronds-points, dans le pays à la plus forte concentration de ronds-points au monde, allongent fortement le temps de parcours), c’est sans doute mieux pour la sécurité routière. Assoupissement assuré.

Ne nous alarmons pas outre mesure cependant (Le Figaro a rédigé son article comme si tous les touristes, tous les visiteurs, logeaient en quatre-cinq étoiles). C’est simple : pour les plus démunis, on négociera en liquide, et sans facture. Pas très civique, mais… Le risque, sans facture, pour un homme seul, passer pour un client de prostituée et se voir condamné à une forte amende : la pénalisation des clients (ceux qu’on pourra rafler, pas ceux des très grands hôtels) est une proposition « phare » de la « gôche ».

Voici belle lurette que ceux qui le peuvent et ne disposent que de petits revenus passent l’essentiel de leurs vacances à l’étranger. Que des habitants des régions froides trouvent leur compte à émigrer pendant les mois d’hiver : la facture de chauffage diminuée compense le séjour en Afrique du Nord ou en Turquie.

Mais n’exagérons rien. Si Bertrand Delanoë venait à être expulsé, il pourra toujours dormir dans le bureau que lui alloue gracieusement, à des frais somme toute pas trop élevés pour le contribuable, le Conseil de Paris : le bureau est situé dans un hôtel particulier non loin de la place des Vosges. On ne connaît pas la rémunération de sa ou de son secrétaire, en revanche. Certains touristes ne sont pas logés à même enseigne…