Comment Daech adoucit la charia pour se financer

Le propre des religions, et de l’islam en particulier, c’est de se fonder, assènent les religieux, sur des principes décrétés intangibles, immuables… Tout historien des religions sait qu’il n’en est rien… Voici même que Daech, en mal de ressources, en vient à édulcorer la charia pour compenser la baisse de ses revenus budgétaires…

L’Islam, religion de paix, d’amour, &c., dont la devise pourrait être « soumission, inégalité, unanimisme », se targue souvent d’être la croyance la plus féministe au monde… On peut bien sûr l’interpréter différemment, mais les rigoristes que sont les dirigeants de l’État islamique, Daech, font preuve d’une certaine indulgence pour la gent féminine. Pour preuve, l’amende sur la détention de cigarettes les frappant est moitié moindre (l’équivalent de 23 USD) que celle dont les hommes doivent s’acquitter.

De nouveau, le cabinet anglo-saxon IHS, qui publie le célèbre Jane’s, consacré aux armements divers, s’est penché sur la vie quotidienne sous domination de Daech en Irak et Syrie.

Ce n’est pas tant les nouvelles taxes, sur un peu tout et n’importe quoi, qui retiennent l’attention. Mais ce tout récent, insolite, voire impie aménagement de la charia : désormais, certaines infractions, divers délits, voire crimes, entraînant châtiments corporels ou amputations, peuvent être punis sous forme de lourdes amendes.

La raison de reniement dont ne sait trop quel texte ou hadith tient à la chute des ressources de Daech.

Cela découle des contrôles financiers plus étroits qu’exercent les pays combattant l’État islamique, aux frappes visant les champs de pétrole, aux pertes de territoire, et surtout de population.

Mieux vaut un mécréant, une pécheresse, vivant et valide, et taxable, que mort ou sur le départ…

Adoucir la charia vaut mieux que de voir Daech (et surtout ses dirigeants) s’enfoncer dans la dèche.

Diviser par deux la solde des combattants n’a pas suffi. Il est désormais nécessaire d’accentuer le racket des populations civiles sous contrôle, ou ce qu’il en reste.

On ne sait si les familles des brigadistes internationaux de l’État islamique se verront bientôt réclamer rançons pour épargner la vie de leur progéniture estimée trop peu valeureuse au combat et naguère exécutée sur le champ.

La baisse de population est due aux pertes territoriales, mais surtout aux évasions (admettons-le aussi, les frappes aériennes peuvent provoquer des dommages collatéraux, mais, numériquement du moins, cela reste vraiment marginal, sauf, peut-être, lors des offensives russes et syriennes). La plupart des habitantes et habitants, en particulier les sunnites quelque peu moins stricts, et les non-sunnites rançonnés, prennent le large à la moindre occasion.

Sortir de Raqqa est devenu plus onéreux (800 $), s’en absenter plus de deux semaines entraîne la confiscation de tous les biens (les revendre, à toujours moins d’acquéreurs, rapporte peu, sauf pour les consommables).

Désormais, pour les hommes et grands adolescents, ne plus être glabre n’exempte pas d’une amende. La barbe doit être suffisamment hirsute. Si vous vous taillez le collier, c’est 50 $.

Aux péages aux points de contrôle s’ajoute un interrogatoire. Peu féru de coran, de charia ? C’est 20 USD par question restant sans réponse ou en cas de réponse insuffisamment détaillée. Il est fortement conseillé de s’inscrire à des cours (payants ?) de rattrapage…

Les extorsions et confiscations visant sunnites et surtout non-sunnites ne sont guère nouvelles. Les sunnites suspects d’avoir collaboré avec les autorités antérieures doivent aussi s’acquitter d’une taxe (variable) de repentance. Elle s’est alourdie et en conséquence, elle doit être réglée par mensualités.

Le Times of India et le Corriere della sera se sont penchés sur le rapport de l’IHS. Les manquements à la bonne tenue vestimentaire sont désormais, pour les hommes comme pour les femmes, plus lourdement taxés et les critères ont été étendus. Le tarif des péages pour les camions a plus que doublé, atteignant, selon les zones, les 700 dollars.

Le racket (taxes, amendes, contributions forcées) représenterait à présent près de la moitié des ressources de l’État islamique. Mais comme c’est intenable, les fuyards multiplient les risques, et les recettes s’amenuisent. Trop d’impôt tue l’impôt, même si l’évasion fiscale est faible (sauf, sans doute pour les dirigeants ou les traders mercenaires recrutés à de très hautes rémunérations : le boursicotage sur les devises contribue aussi aux revenus de Daech).

Certes, la mise à prix aux enchères des esclaves chrétiennes a fortement augmenté, du fait de leur raréfaction, mais la « qualité » baisse : mal nutries, souvent malades et privées de médicaments, de soins dentaires, ces victimes sont devenues d’un piètre retour sur investissement. De plus, certaines consignes nouvelles ont dû être mal répercutées à l’avant des lignes ou auprès des milices urbaines. Selon une source russe (répercutant une source kurde, et donc, admettons, susceptible d’être discutable), 19 habitantes de Mossoul auraient été, jeudi dernier, mises en cages puis brûlées vives en public. Leur valeur marchande n’a pas été précisée…

Tout est devenu bon pour pressurer : laisser la porte de sa demeure ouverte, même pour prendre l’air assis devant son seuil, expose à une amende.

Les territoires se rétrécissant et les fuites – mais aussi les exécutions – se poursuivant, la population civile sous contrôle a diminué de près d’un tiers (6 contre 9 millions auparavant).

Cela devrait s’aggraver : l’armée irakienne semble en bonne voie de reconquérir Falloujah (et a pris vivant un colosse de 20o kg surnommé l’Ogre ou le Bulldozer) ; l’armée syrienne, appuyée par des forces russes, sur un front, les rebelles syriens sur un second, font des percées dans la province de Raqqa.

L’artillerie et l’aviation russes n’ont pas trop de considération non plus pour les populations civiles. Quatre installations pétrolières de la province de Raqqa ont été détruites. Les coalisés des pays arabes et occidentaux visent aussi les installations pétrolières mais considèrent que les détruire totalement assécherait trop fortement Daesch, ce qui aurait des répercussions sur les achats alimentaires, de médicaments, &c., bénéficiant aussi, accessoirement, aux civils.

Daech riposte en lançant une offensive sur Deir Erzor, en voie d’être reprise par l’armée syrienne.

Il semble que l’État islamique devra mieux trier ses boucliers humains et ses kamikazes : ce serait dommage de sacrifier des contribuables ou des contrevenants susceptibles de régler des amendes…