TOUSSAINT : Juste une pensée.

La Toussaint. Date à laquelle on se souvient. Oui, enfin, c’est le 2 novembre qu’on est sensé se souvenir, mais comme le 1er est férié, c’est plus « pratique », alors, on a décalé l’affaire.. Et c’est ce jour-là qu’on se montre au cimetière, qu’on doit prouver qu’on est « des gens bien », respectueux, et tout…

Les fleuristes fleurissent les trottoirs. C’est beau. C’est vrai. Un peu de couleur dans le brouillard. Alors, une pensée pour elle, un chrysanthème pour lui…. La boutique est ouverte, allez, on entre, et on achète…Et puis il faut aussi qu’on pense à cette pauvre Paulette..

J’sais pas pourquoi ce soir, moi qui pensais ne rien faire, je me suis mise à penser. A penser à quoi ? Eh bien, je revois ces mains qu’on a serrées, et ces gens plein d’égards, qui s’étaient déplacés, comme il se doit. A grands coups d’encensoir, on t’avait fait changer d’air. Tu allais te faire si rare qu’on t’a montée aux enchères..  Et oui, quand je parle de toi, à présent, c’est au passé. Depuis, tout est imparfait…Bon, je ne vais peut-être pas aller te voir au cimetière. Mais tu sais bien, au fond, que je songe à toi très souvent. L’essentiel est là, je crois. Et puis, moi, je ne « crois » pas, en plus. Je sais juste. Et si je ne prie pas, je pense beaucoup.            

Oh, y’en a qui pense à faire des nœuds à leurs mouchoirs.  Ils ont peur d’oublier où est ta croix..  Crois-moi tous les hivers, ta p’tite chaumière se pare, de pots ou de bouquets, comme il se doit…Les grands coups d’arrosoirs qui tombent sur ta pierre rafraîchissent nos mémoires, mais font rire les bruyères. Là, je suis dure. Allez, t’es peut-être bien contente qu’on t’offre des fleurs.   

Oui, c’est drôle… J’ sais pas pourquoi ce soir, moi qui pensais n’rien faire, j’me suis mis à penser, à penser à toi…J’sais qu’t’es là dans l’tiroir, à plat dans un sous-verre, les couleurs ont passé, toi tu ne bouges pas.. Oui, je te garde pour moi. Inutile d’afficher ma peine,  d’encadrer ta photo et de la clouer au mur. Et puis, je n’ai pas envie que tu te retrouves sur une armoire. Tu prendrais trop la poussière.

Je cesse là mes divagations. Je pense (encore ! allez-vous me dire !), oui, je pense que pour beaucoup d’entre nous, cette fête est quand même empreinte de sincérité et d’émotion vraie. Disons que chacun fait ce qu’il peut, comme il peut. Alors, pardonnez mes élans amers et ma morosité dite en vers..