Guerre en Géorgie: Si le ridicule tuait… BHL mort à Gori

Le témoignage est terrible et poignant :

« Nous arrivons à Gori. Nous ne sommes pas au centre-ville. Mais, du point où Lomaia nous a laissés avant de repartir, seul, dans l’Audi, récupérer ses blessés, de ce carrefour que contrôle un char énorme et haut comme un bunker roulant, nous pouvons constater les incendies à perte de vue. Les fusées éclairantes qui, à intervalles réguliers, illuminent le ciel et sont suivies de détonations brèves. Le vide encore. L’odeur, légère, de putréfaction et de mort. Et puis, surtout, le bourdonnement incessant des véhicules blindés et, une fois sur deux à peu près, des voitures banalisées remplies de miliciens reconnaissables à leurs brassards blancs et à leurs cheveux retenus par des bandanas. Gori n’appartient pas à cette Ossétie que les Russes prétendent être venus « libérer ». C’est une ville géorgienne. Or ils l’ont brûlée. Pillée. Réduite à l’état de ville le monde bhl géorgiefantôme. Vidée. » Bernard-Henri Lévy le livre dans Le Monde, à travers un article titré Choses vues dans la Georgie en guerre.

Sa description est proprement terrifiante : Gori, "ville fantôme", en proie à des "incendies à perte de vue", pillée, vidée, avec dans l’air l’odeur de "putréfaction" de cadavres qu’on imagine dès lors jonchant les rues et les maisons calcinées… D’ailleurs, le BHL revenant de Gori pour rejoindre les journalistes l’attendant de l’autre côté du barrage russe, vers 22h 30, est rien moins qu’inquiétant : « La ville est nettoyée, Gori est une ville fantôme, il y a des flammes partout ; apparemment pas âme qui vive, Gori a été vidée de sa population. C’est ce que les Russes appellent la pacification.  »

Il y a juste un léger problème, comme le résume Rue89 qui démasque l’imposteur : "Problème : BHL n’est jamais «  arrivé à Gori  », et les Russes n’ont pas «  brûlé  » la ville ." C’est ballot, mais Lévy n’a pas songé qu’il se trouverait des gens ayant participé à l’escapade pour rétabir les faits et ainsi donner son témoignage pour ce qu’il MAIBest : une pure affabulation. Il y a ainsi la députée européenne des Verts Marie-Anne Isler-Béguin, ici photographiée lors des portes ouvertes du Parlement européen (Galerie publique de David Jeanguyot). Que dit la députée ? « Mais non, on n’était pas à Gori, on a été bloqué à un barrage à 1,5 kilomètre de la ville ». Contactée ensuite par Rue89, après avoir pris lecture de l’article de Lévy publié en double page dans Le Monde, elle semble un peu embarrassée : « Je viens de découvrir son témoignage. Je suis un peu surprise qu’il n’ait pas tout à fait dit comment ça c’était réellement passé. Mais il a peut-être oublié… (…) il y a d’autres approximations. S’il arrive à distinguer les militaires des paramilitaires, il est plus doué que moi. S’il a senti une odeur de putréfaction, moi pas. Il écrit aussi que Gori a été brûlée, pillée et réduite à l’état de ville fantôme, mais à ce moment-là, on ne pouvait pas le dire, tout simplement parce que personne n’y était encore allé ».

Même l’ami de l’ancien gori vatra"nouveau philosophe", l’éditeur Gilles Hertzog, le contredit : « Non, on n’est pas rentré dans la ville, on est resté à l’orée de la ville, je ne sais pas à combien de kilomètres de Gori. Il faisait nuit, on apercevait vaguement des bâtiments quand il y avait des fusées éclairantes, mais on n’était que sur le bas-côté d’une route. Il y avait des champs qui brûlaient autour de nous ». Isler-Béguin parle elle aussi, concernant les incendies, uniquement de champs. Bon. Que va répondre notre fringant essayiste à chemise blanche ? "Rue 89 n’était pas en Géorgie. Moi, si. Et je maintiens, mot pour mot, mon témoignage". Il admet toutefois plusieurs choses, dans la réponse par mail qu’il a adressé au site d’information qui le met en cause. Pour commencer, qu’il n’était pas à Gori mais "dans les faubourgs de la ville". Et qu’est-ce qui brûlait ? "Essentiellement des champs." Reprenons donc le témoignage qu’il maintient mot pour mot, mais assorti des légères modifications qu’il a consenti à accorder, ainsi que des précisions apportées par les personnalités qui l’accompagnaient : "Nous arrivons à Gori." Enfin, pas vraiment, à un kilomètre et demi de la ville, coincé par un barrage. "Nous ne sommes pas au centre-ville."

effet, nous ne sommes en réalité pas dans la ville du tout. "De ce carrefour que contrôle un char énorme et haut comme un bunker roulant, nous pouvons constater les incendies à perte de vue". Plus exactement, mais vous pinaillez, nous sommes sur le bas côté de la route et nous ne voyons pas du tout une ville qui brûle depuis un carrefour mais les champs de la campagne environnante. Quant à l’odeur de putréfaction, ni la députée ni l’éditeur ne les ont sentis, mais c’est parce que j’ai le nez très fin.

Eh, oh, BHL, ça va comme ça ! On n’est quand même pas des bœufs – sinon, on chasserait les mouches avec notre queue. Sérieusement, vous ne vous seriez pas fendu par hasard d’un bon gros reportage mensonger de propagande anti-russe ? Une grosse manipulation, un bidonnage dans les règles de l’art ? Ça y ressemble fort. Ainsi d’une anecdote, au fil du périple béhachélien : "nous sommes même, cette fois, bloqués vingt kilomètres avant Gori quand une voiture, devant nous, se fait braquer par un escadron d’irréguliers qui, sous l’œil placide d’un officier russe, fait descendre les journalistes et leur arrache caméras, argent, objets personnels et, finalement, leur véhicule". Mais voilà ce que donne la même scène, cette fois Glucksmann juniorpar la bouche d’un autre accompagnant du médiatique imposteur, le documentariste Raphaël Glucksmann : « Les policiers nous ont raconté qu’une voiture de l’UNHCR [le Haut commissariat aux réfugiés des Nations unies, ndlr] venait de se faire dépouiller au barrage russe. Nous avons donc rebroussé chemin. Je n’ai pas vu cette scène. C’est simple, la route fait un coude et juste après, à 500 mètres environ de là où nous sommes, il y a le barrage russe, mais on ne le voit pas. » Autrement dit, BHL décrit ce qu’il imagine, y compris le détail qui tue, celui de "l’œil placide d’un officier russe". C’est souvent à ça qu’on les reconnaît, les officiers russes, chacun le sait, à leur œil placide. Ou aux relents de vodka que charrie leur haleine : comme le souligne la camarade Fontenelle sur son blog, notre envoyé spécial du Monde à presque Gori nous présente dans son récit pas moins de deux officiers russes abusant de la boisson : le premier "a l’air d’avoir trop bu" et le second, qui entre parenthèses "aboie", est décrit comme "bouffi d’importance et de vodka". Quel crédit accorder à ce "témoignage" ? Tout juste si BHL ne nous dit pas avoir croisé un autre officier russe, sortant de table, dont il lui a semblé qu’il venait de manger un enfant géorgien ! Si le ridicule tuait – mais ça se saurait, depuis le temps -, Bernard-Henri serait défitivement mort à un kilomètre et demi de Gori.

PS : Le visuel "Gori Vatra" n’ai rien à voir avec le sujet – mais il est parlant. Il s’agit en réalité du logo d’un film, titré Au feu en français, Fuse en anglais et Gori Vatra en… bosniaque, dont l’action se déroule en Bosnie, pas en Géorgie. 

bhl entartéQui c’est qui mérite un nouvel entartage ?