Charlie Hebdo après la marche républicaine

Pas obligé d’être Charlie pour s’indigner devant cet abject déferlement de barbarie qui a coûté la vie à des journalistes, des dessinateurs, des policiers, des anonymes. Pas obligé d’être juif, chrétien ou musulman, pour pleurer devant un tel gâchis. Personne ne détient le monopole du coeur, tous dans le même bâteau comme l’a si bien dit Lassana, le brave Malien de l’Hypercasher. 

La preuve, cette marche inédite qui a mobilisé aux quatre coins du monde, qui a mis debout la France d’en haut et celle d’en bas, où black, blanc beur, d’une seule et même voix ont exprimé leur attachement à tous à ces acquis qui ont fait de la République le phare de l’humanité. Malheureusement parmi tous ces Charlie de circonstance du dimanche 11 janvier, se tenaient de ces imposteurs à faire se retourner dans leur tombe les malheureuses victimes. Ensemble, ils ont paradé sans complexe côte à côte : des délégations de dictateurs, de totalitaires, de bailleurs de fond de Daesch, d’Al Qaëda et tous les autres se réclamant à l’unisson de la démocratie, de la liberté d’expression… L’unique trublion de service s’est vu mis au ban de la République au profit de la communion nationale. Elle est pas belle la solidarité ! 

Maintenant que sont tombés les rideaux, que se dissipe peu à peu le vertige de l’onde de choc, chacun y va de sa prescription bien avant d’établir un diagnostic plausible. Le renforcement de l’arsenal législatif coule de source comme les quelques empiètements sur les dites libertés individuelles. Quant au Patriot Act, apologie en bonne et dûe forme de la torture, il devient source numéro 1 d’inspiration de certains responsables alors que pour se faire une petite idée de l’ampleur de son inefficacité, il suffirait de se replonger dans Zero Dark Thirty, film de Catheryn Bigelow. "Nul ne sera soumis ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants"…  

Pour parer à ce déficit d’informations, si c’en est un, il suffirait probablement de redoubler de vigilance en amont. Bien connus des services de police, les frères Kouachi, comme Amedy Koulibaly, avaient à leur actif pas mal d’antécédents pouvant les rendre plus que suspects. Plutôt que de travailler sur les erreurs commises, on verse encore une fois dans la légifération. 

Demain en une du journal satirique on verra le prophète pleurer pour ce carnage commis en son nom, tout est pardonné. Lui aussi est Charlie… Charb, Cabu, Wolinski, Tignous, n’apprécieraient sans doute pas que leur mort devienne prétexte pour l’instauration de ce type de méthodes barbares qui va à l’encontre de leurs principes. Faudrait pas que certains s’emparent de cette tragédie pour nous fabriquer encore plus de haine. La fille de feu Wolinski l’a bien souligné d’ailleurs…